Anatomie d’une chute

Anatomie d'une chute, réalisé par Justine Triet, est un film complexe qui défie les conventions du genre pour offrir une exploration stimulante de la vérité, des relations humaines et des subtilités d'un procès pénal. Situé dans le décor magnifique des Alpes, le film s'ouvre sur une découverte glaçante qui ouvre la voie à une procédure émotionnelle captivante.

Le film refuse d'adhérer à la formule traditionnelle d’un film policier ordinaire, optant plutôt pour une approche plus émotionnelle et psychologique. À travers le point de vue de différents personnages, il explore la nature fluide et subjective de la vérité. Daniel, le fils, malvoyant de Sandra,  par exemple est confronté à la nécessité d'ajuster ses souvenirs des événements, peut-être pour protéger sa mère ou lui-même. Quant à Sandra, brillamment interprétée par Sandra Hüller, elle est confrontée aux lacunes de sa compréhension des actions et des motivations de son mari alors qu'elle construit sa défense au tribunal. Cette exploration des récits non fiables et de la complexité des relations humaines ajoute des couches de profondeur à l'histoire.

L'un des points forts du film réside dans l'examen du système judiciaire et de ses limites dans la découverte de la vérité. Justine Triet et le coscénariste Arthur Harari remettent en question les conventions des drames judiciaires, en montrant à quel point les situations de la vie réelle peuvent être désordonnées et imprévisibles. En soulignant les incohérences et les excentricités qui défient le contre-interrogatoire formel, le film met en lumière les failles inhérentes au système judiciaire. 

Le personnage de Sandra est remarquable, incarné avec une profondeur et une nuance incroyable par Sandra Hüller. Elle incarne une femme qui défend farouchement son mariage imparfait, indépendamment de sa culpabilité ou de son innocence. Sandra Hüller insuffle à la défiance de Sandra des couches d'indignation, de sensibilité et de chagrin sincère pour les vies affectées par les événements tragiques. Milo Machado Graner livre une performance tout aussi convaincante dans le rôle de Daniel, dévoilant les secrets cachés et les expériences partagées entre lui et sa mère.

Anatomie d'une chute trouve un équilibre délicat entre une narration délibérée et élégante et un sentiment de tension sous-jacent. Le film offre au public un espace de respiration suffisant pour qu'il puisse réfléchir au-delà de la question immédiate du coupable. Il transcende le mystère de surface pour explorer la complexité des relations, l'impact des traumatismes et les efforts déployés par les individus pour protéger leurs proches. L'exploration du mariage et de ses défis est un aspect convaincant du film. Il reconnaît que les relations peuvent être difficiles et imparfaites, et explore les subtilités d'un partenariat où chaque personne porte son propre bagage. Justine Triet tisse habilement les thèmes des différences culturelles, de la culpabilité au sein d'un mariage et du poids des responsabilités qui pèsent sur les femmes.

L'obtention par Justine Triet de la Palme d'or au festival de Cannes a marqué une étape importante, soulignant le caractère unique du récit et sa capacité à susciter la réflexion. Le film aborde sans crainte les thèmes de la dynamique des genres, des complexités du mariage et des conséquences des choix personnels. Il  s’impose comme un film convaincant et intelligent qui remet en question les conventions du genre procédural. Il restera longtemps dans l'esprit du public après le générique, provoquant des discussions sur la nature de la vérité, la complexité des relations humaines et les limites floues entre la culpabilité et l'innocence. Ce récit puissant et sa capacité à captiver et à interpeller font de ce film une expérience cinématographique tout simplement mémorable.

Anatomie d’une chute
Réalisé par Justine Triet
Produit par Marie-Ange Luciani, David Thion
Écrit par Justine Triet, Arthur Harari
Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado-Graner, Antoine Reinartz, Samuel Theis, Jehnny Beth, Saadia Bentaieb, Camille Rutherford, Anne Rotger , Sophie Fillières 
Musique
Directeur de la photographie : Simon Beaufils
Montage : Laurent Sénéchal
Sociétés de production : Les Films Pelléas, Les Films de Pierre
Distribué par Le Pacte
Date de sortie : 21 mai 2023 (Cannes) , 23 août 2023 (France)
Durée du film : 150 minutes

Vu le 05 juillet 2023 à l’UGC Forum des images, salle 500

Note de Mulder: