June Zero

Cette année encore le festival du cinéma américain de Deauville ne s’est pas contenté de proposer des films américains mais a élargi son périmètre à des films projetés au festival de Cannes et à des films de plusieurs pays comme le nouveau film du réalisateur Jake Paltrow (The Good Nght (2007, Young ones (2014), De Palma (2015)) tourné en hébreux. Il est curieux de voir dans ce festival un film qui n’a pas réellement sa place et surtout malgré certaines qualités semble en totale inadéquation avec notre festival préféré en France. Certes au fil des ans, celui-ci s’est vu déserté par de nombreux distributeurs américains importants comme encore cette année Paramount Pictures, The Walt Disney Company mais encore Metropolitan filmExport mais de là à vouloir remplir la grille de programmation avec un film n’ayant aucun rapport avec le cinéma américain indépendant ou hollywoodien est bien surprenant à plus d’un titre.

Pourtant June Zero s’avère être un film original et traité avec un talent indéniable de la part d’un réalisateur qui continue à faire le cinéma qu’il souhaite et de manière indépendante. Son nouveau film se révèle autant passionnant qu’humaniste et le scénario que Jake Paltrow a co-écrit avec Tom Shoval dresse un portrait assez pittoresque décrivant des événements se déroulant quelques heures avant l'exécution d'Adolf Eichmann connu comme étant l'architecte de l'extermination massive des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

 Composé de trois histoires et points de vue différents, June Zero se révèle passionnant et se regarde avec plaisir. Alors que le traitement de l’histoire aurait pu être tout autre s’il avait été traité par un studio hollywoodien, il faut reconnaitre une véritable liberté de ton pour traiter d’un fait grave et surtout faire preuve d’une certaine ironie pour montrer un moment de vie de trois personnes. L’histoire commence ainsi à travers le portrait de David (Noam Ovadia) qui se retrouve à 13 ans à travailler à la création du four pour incinérer la dépouille d'Eichmann et qui des années plus tard tente à tout prix à ce que son nom apparaisse sur Wikipédia pour cette participation. L’histoire racontée ensuite est celle du garde marocain Hayim (Yoav Levi) qui se retrouve affecté à la cellule d'Eichmann et qui se révèle être débordé par les événements et avoir du mal à s’en sortir avec une tâche historique qui le dépasse. Enfin, l’histoire se focalise ensuite sur Micha (Tom Hagi), un rescapé d'Auschwitz  à qui on va demander de devenir l'interrogateur en chef lors du procès d'Adolf Eichmann.

On comprend aisément que les dernières heures d'Adolf Eichmann permettent de mettre en lumière au réalisateur différentes thématiques lui tenant à cœur que cela soit une vision de la judéité en Israël dans les années suivantes mais surtout la vision d’un pays qui a du mal à tenir la distance et dont certaines pratiques peuvent réellement surprendre. Chacun de portrait des trois personnages principaux se caractérise par un traitement à part. On passe ainsi de la comédie au thriller pour finir par un drame historique. En mettant en avant tout au long du film les longues répercussions de l’Holocauste, le film s’impose par un véritable regard de réalisateur qui ne cherche à aucun moment le sensationnalisme ou le larmoyant pour construire un film réussi et prenant.

June Zero malgré le fait que son histoire se déroule dans les années 60 se retrouve être d’actualité indirectement tant celui-ci a été tourné pour une partie en Ukraine et en Israël. Il interroge ainsi les spectateurs sur leur rôle à jouer sur l’histoire de l’humanité et nous montre que les monstres comme Adolf Eichmann continuent à exister, il suffit de regarder les sombres dessins du dictateur Vladimir Poutine en Russie pour se dire que l’histoire ne cesse de se répéter et que les guerres continuent à massacrer des innocents. Le film fut tourné également en super-16mm afin de retrouver une texture propre aux années 60. June Zero est l’exemple parfait du film qui ouvre à des débats d’actualité et qui révèle une des missions du cinéma, celle d’ouvrir les yeux à des spectateurs et les faire s’intéresser à l’histoire et au devenir de la race humaine sur terre.

June Zero
Réalisé par Jake Paltrow
Produit par Miranda Bailey, Oren Moverman, David Silber
Écrit par Jake Paltrow, Tom Shoval 
Avec Koby Aderet, Adam Gabay, Tzahi Grad, Tom Hagi, Rotem Keinan, Yoav Levi, Noam Ovadia, Joy Rieger, Ami Smolartchik
Musique : Ariel Marx
Directeur de la photographie : Yaron Scharf
Montage : Ayelet Gil Efrat 
Durée du film : 105 minutes

Vu le 7 septembre 2022 au Centre International de Deauville

Note de Mulder: