Coupez !

Certains films relèvent presque d’une mission suicide tant ils confrontent certains réalisateurs à des défis autant culturels que relevant de moules préformattés dans lesquels les œuvres cinématographiques doivent répondre le plus souvent à des diktats marketing broyant la vision d’un réalisateur pour maximiser la rentabilité d’une création artistique. Coupez ! (Final cut) ne se contente pas d’être une simple adaptation plans par plans du film Ne coupez pas ! (One Cut of The Dead) (Kamera o tomeru na!) (2017) de Shin'ichirō Ueda. Il reprend certes pratiquement son déroulement mais se veut plutôt être son prolongement mais aussi une satire à peine déguisée du milieu du cinéma dans lequel le craquage de plombs de comédiens ou de réalisateurs semble être devenu une normalité face au stress omniprésent. Pourtant Coupez ! (Final Cut) réussit à proposer une autre version du chef œuvre féroce de Shin'ichirō Ueda. Alors que le film de celui-ci s’orientait réellement vers le film d’horreur avec son lot de zombies et surtout arrivait à déstabiliser les spectateurs en se demandant ce qui était réellement des faits réels ou du tournage d’un film d’horreur Z fauché aux effets spéciaux manquant de moyens et aux jeux de comédiens surréalistes.

A regarder de plus près ce film ressemble beaucoup par son approche au film culte C’est arrivé près de chez nous de Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde dans lequel des apprentis réalisateurs tournent un documentaire sur un tueur en série. On découvre ainsi ici une équipe qui tourne un film de zombies de série Z avec peu de moyens financiers et une toute petite équipe.  Coupez se révèle être non seulement une comédie irrésistible mais aussi bénéficie d’un scénario possédant différents niveaux de lecture par sa volonté de montrer comment un film se construit mais aussi les différentes difficultés qui peuvent intervenir lors du tournage.

Michel Hazanavicius se révèle de nouveau capable de nous surprendre même si son film débute comme celui de Shin'ichirō Ueda par un long plan séquence aussi risqué qu’impressionnant créant une véritable immersion en pleine horreur capturant dès les premières minutes les spectateurs et ne relâchant plus leur attention par la suite. Pourtant, le réalisateur a compris que réaliser un remake est certes un exercice de style réel mais il faut également apporter des idées nouvelles et ce film n’en manque pas. Ainsi, ce sont des japonais qui viennent demander avec l’intervention d’un producteur et ami de longue date du réalisateur Rémi (Romain Duris parfait comme dans chacun de ses films) de faire un remake intitulé Z (comme Zombie) et tourner en temps réel pour une chaine de télévision. 

De la même manière, Michel Hazanavicius n’hésite pas à caricaturer le cinéma japonais et à proposer des dialogues qui font mouche à chaque fois. On appréciera aussi la présence d’un casting parfait avec la superbe et excellente comédienne Bérénice Béjo (en ancienne comédienne devant remplacer en dernière minute la comédienne principale de Z) et des seconds rôles soignés interprétés notamment par Matilda Lutz, Grégory Gadebois, Finnegan Oldfield, Jean-Pascal Zadi, Sébastien Chassagne, Raphaël Quenard et Lyes Salem. En orientant ce film vers une autre direction que le film original notamment par le fait d’éviter de tomber dans l’écueil d’un simple film d’horreur et privilégiant la satire du milieu du cinéma, Michel Hazanavicius témoigne une nouvelle fois qu’il est un réalisateur surdoué et maitrisant la comédie sans pareil. On aimerait tant que les comédies françaises prennent des risques comme ce film le fait.

Impossible non plus en découvrant ce film de ne pas se souvenir du film culte de George A Romero La nuit des morts vivants tourné avec un budget de cent quatorze mille dollars et réussissant à s’imposer non seulement aux yeux de la critique mais du public comme un film culte et le meilleur film de zombies de tous les temps. Ce film reflète en permanence la volonté du réalisateur de rendre hommage aux comédies horrifiques américaines qui ont marqué nos mémoires. On pensera notamment à Sam Raimi (Evil Dead) pour réussir à faire peur et rire en même temps. Alors que souvent dans des films horreur la faiblesse récurrente est le jeu de comédiens guère inspirés, Michel Hazanavicius livre là un modèle du genre mais a parfaitement assimilé ce que devrait être une excellente comédie horrifique et les nombreux dialogues du compositeur Fatih incarné par Jean-Pascal Zadi, font mouche constamment. A ce titre, alors que le film se veut être une parodie des films d’horreur fauché, le réalisateur bénéficie de la présence d’un excellent compositeur Alexandre Desplat.

Assurément Coupez ! (Final Cut) est l’un des films incontournables de cette année et nous ne pouvons que vous conseiller de le découvrir au cinéma sans tarder. Le fait que ce film soit celui d’ouverture du 75ème festival de Cannes est à la fois un message fort au cinéma français pour sortir de son consensualisme afficher et son manque de prise de risque. 

Coupez ! (Final Cut)
Ecrit et réalisé par Michel Hazanavicius
Produit par Brahim Chioua, Michel Hazanavicius et Vincent Maraval
Écrit par Michel Hazanavicius
D'après le scénario original de Ne coupez pas ! de Shin'ichirō Ueda 
Avec Romain Duris, Matilda Lutz, Bérénice Bejo , Luàna Bajrami, Finnegan Oldfield, Grégory Gadebois, Jean-Pascal Zadi, Sébastien Chassagne, Charlie Dupont, Lyes Salem, Agnès Hurstel, Yumi Narita, Yvon Martin
Musique : Alexandre Desplat
Directeur de la photographie : Jonathan Ricquebourg
Montage : Mickael Dumontier 
Sociétés de production : Getaway Films, La Classe Américaine
Distribué par La Pan Européenne
Date de sortie : 17 mai 2022 (France)
Durée du film : 110 minutes

Vu le 17 mai 2021 au Gaumont Disney Village, Salle 14 place A19

Note de Mulder: