
Titre original: | Killer inside me (The) |
Réalisateur: | Michael Winterbottom |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 109 minutes |
Date: | 11 août 2010 |
Note: | |
Lou Ford est le shérif adjoint d’une petite ville du Texas. Lorsque son supérieur lui demande de se renseigner sur Joyce Lakeland, une jeune femme à la réputation douteuse qui s’est installée depuis peu à la périphérie de la ville, Ford exécute l’ordre sans état d’âme. Mais au lieu de chasser la prostitué présumée hors de la ville, il engage une relation passionnelle avec elle. Seul l’argent fait défaut aux amoureux clandestins, avant qu'ils ne puissent recommencer une nouvelle vie ailleurs. Le chantage d’Elmer Conway, le fils du riche promoteur Chester Conway et lui aussi amoureux de Joyce, est censé le leur procurer. C’est pourtant pas l’argent qui intéresse Ford, mais la possibilité d’assouvir ses pulsions meurtrières sans se faire prendre.
Critique de Tootpadu
Le réalisateur Michael Winterbottom est un véritable touche-à-tout. Peu de ses confrères ont eu une filmographie aussi garnie et éclectique pendant la décennie passée que le cinéaste anglais. Aucun genre, aucune histoire ne paraissent hors d’atteinte pour ce boulimique du travail, qui enchaîne les tournages et les sorties à un rythme parfois semestriel. Dans cette profusion d’œuvres cinématographiques disparates, qui rappelle par certains aspects la production à la chaîne de la grande époque des studios hollywoodiens et plus généralement une conception quasiment industrielle du Septième art, il devient carrément impossible de détecter une signature personnelle, ou une thématique récurrente, plus déterminée qu’une exploration sommaire des faces cachées de la nature humaine. En somme, Michael Winterbottom est un réalisateur qui travaille beaucoup – même plus que Steven Soderbergh, le seul à s’affairer à un rythme aussi soutenu dans la création d’un corpus de films éclectique –, sans que cette frénésie ne soit justifiée par la qualité supérieure de l’ensemble de ses films. Aux quelques coups de maître, comme Tournage dans un jardin anglais et Un cœur invaincu, succèdent ainsi forcément des films mineurs, comme 9 songs et celui-ci, pour lesquels la stratégie hâtive du réalisateur n’a pas permis de prendre le temps nécessaire, afin de leur conférer un style et un propos adéquats.
Cette adaptation du roman de Jim Thompson se traîne ainsi mollement en longueur, avant de culminer d’une manière plutôt grotesque. Le ton poisseux et le rythme flegmatique de The Killer inside me ne réussissent à aucun moment à rendre la décadence morale du personnage principale fascinante. Lou Ford est un tueur sans scrupules, qui perpétue en quelque sorte le mythe de l’homme du sud des Etats-Unis, poussé au crime autant par ses démons intérieurs que par la certitude d’une impunité, garantie par les méthodes approximatives de l’application de la loi dans ces régions reculées. Si l’assassin sans remords obéit avec autant de nonchalance à son penchant pour la violence gratuite, c’est aussi parce que la pesanteur édentée de l’appareil répressif, représenté ici par le procureur impuissant, lui laisse largement le champ libre. La mécanique du réseau social de la petite ville texane, à peine choquée par la série de meurtres atroces, est bien plus subtile qu’une simple opposition manichéenne entre le bien et le mal. Sauf que cette justice parallèle, basée sur l’extorsion du pouvoir de la part des syndicats et des médecins, ne trouve jamais une expression filmique satisfaisante dans le cadre du récit pondérant, concocté par Michael Winterbottom.
La distribution assez prestigieuse ne laisse guère une impression impérissable, et cela d’autant moins que les brunettes interchangeables Jessica Alba et Kate Hudson, et les interprétations caricaturales d’Elias Koteas, Bill Pullman, et Ned Beatty, ne font rien pour contrecarrer le jeu monotone de Casey Affleck, un forcené pas vraiment inquiétant. La déchéance morale impénétrable qui animait sans doute le roman original transpire ici au mieux à travers un abattement esthétique, incapable de susciter notre intérêt autrement qu’à travers une réplique extra-diégétique des plus bizarres, qui interdit lors de la séquence finale au nouveau adjoint de s’exprimer parce qu’aucune réplique n’aurait été prévue pour lui.
Vu le 27 juillet 2010, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Tootpadu: