Cellule 211

Cellule 211
Titre original:Cellule 211
Réalisateur:Daniel Monzon
Sortie:Cinéma
Durée:112 minutes
Date:04 août 2010
Note:
Pour faire bonne impression, le nouveau gardien Juan Oliver se présente la veille de son premier jour de travail à la prison de Zamora. Alors que ses futurs collègues lui font visiter les lieux, une mutinerie menée par le prisonnier Malamadre éclate. Abandonné dans la cellule 211, Juan ne voit qu'une possibilité pour survivre à l'insurrection : se faire passer pour un détenu nouvellement arrivé.

Critique de Tootpadu

Dans un genre aussi tributaire de codes immuables que le film de prison, il est d'autant plus agréable d'avoir de bonnes surprises. Certes, ce n'est pas vraiment ce qui manque ces temps-ci, puisque deux films remarquables sont sortis sur les écrans français rien que pendant les douze mois passés (Un prophète de Jacques Audiard et Dog pound de Kim Chapiron). Mais cette production espagnole, couronnée de huit Goyas, emprunte un chemin radicalement différent pour se défaire justement du moule du quotidien oppressant derrière les barreaux, que les deux films précités représentaient si bien. L'infiltration involontaire du jeune gardien n'a rien de la démarche pédagogique de Brubaker. Elle fonctionne simplement en tant que subterfuge pour sauver sa peau, même si cette ruse aura des conséquences insoupçonnées.
Simultanément à ses qualités indiscutables de thriller haletant, qui opère une relecture du huis-clos presque aussi réussie que celle de REC dans le genre de l'horreur, Cellule 211 s'intéresse aux considérations morales à l'œuvre dans la gestion d'un centre pénitentiaire. L'insistance avec laquelle le réalisateur Daniel Monzon décrit les dysfonctionnements des opérations de sauvetage des otages, ainsi que la frilosité des forces de l'ordre, qui sont autant dépassées par la détermination des prisonniers que par la vigilance accrue de l'opinion publique, va jusqu'à placer son film sur le terrain miné d'une polémique potentielle à double tranchant. A force de dépeindre les détenus comme les parias d'une société réactionnaire et les gardiens comme leurs bourreaux lâches et cruels, le scénario, sinon plutôt astucieux, se complaît un peu trop facilement dans un retournement de situation pour le moins suspect. Alors que la tension pendant cette période d'urgence est palpable et admirablement orchestrée, l'absence d'excès en termes d'abus physiques ou verbaux de la part des prisonniers livrés à eux-mêmes nous a laissés assez dubitatifs quant aux véritables motivations du film. Comme celui de Stuart Rosenberg cité plus haut, il se dresse tel un pamphlet en faveur des prisonniers enfermés dans des conditions inhumaines. Mais cette intention louable justifie-t-elle un portrait presque enjolivé des criminels condamnés parfois à de lourdes peines ?
Cette ambiguïté du fond se retrouve au moins partiellement dans la forme. La narration se permet en effet quelques écarts à la linéarité de l'intrigue, qui aurait sans doute accentué encore l'impression d'un enfermement inextricable, si elle avait été scrupuleusement respectée. Un peu à la façon d'Irréversible de Gaspar Noé, les retours en arrière sur le bonheur conjugal de Juan Oliver rendent sa situation actuelle, coupé du monde et jeté parmi les loups aux pattes de velours, encore plus éprouvante. Même si l'intensité narrative s'en trouve sensiblement perturbée, tout comme par les interrogations qui auront lieu après la fin de la révolte, l'issue tragique de cette dernière rétablit une certaine intégrité scénaristique.
Enfin, du côté de l'interprétation, c'est surtout Alberto Ammann dans le rôle du gardien débutant malchanceux, qui intrigue. Il réussit à exprimer le volte-face moral de son personnage avec une intensité et une sincérité, qui font plutôt défaut à son adversaire principal, Malamadre sous les traits de Luis Tosar.

Vu le 5 juillet 2010, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: