Dog pound

Dog pound
Titre original:Dog pound
Réalisateur:Kim Chapiron
Sortie:Cinéma
Durée:91 minutes
Date:23 juin 2010
Note:
Trois adolescents arrivent à la prison pour mineurs Enola Vale, dans le Montana. Davis, un trafiquant de drogues de bonne famille, Angel, un voleur de voitures, et Butch, un récidiviste transféré là après avoir agressé violemment un officier de probation, se retrouvent ensemble dans le dortoir A1, où le détenu Banks et sa bande font régner leur loi. Alors que le surveillant Goodyear se heurte à la loi du silence, les nouveaux arrivés sont soumis à toutes sortes de brimades par Banks.

Critique de Tootpadu

Le film de prison est sans doute un des genres les plus codifiés et cadenassés du spectre cinématographique. Les incursions filmiques régulières derrière les barreaux adoptent presque toutes le point de vue des détenus, afin de les accompagner dans leur lutte quotidienne pour subsister dans un environnement hostile au possible. Une fois que les personnages se trouvent de l’autre côté des murs épais couronnés par des miradors, il ne reste plus que deux enjeux scénaristiques possibles : s’évader ou bien se faire sa place à coups de poings et de pots-de-vin dans le microcosme social de la cellule et des parties communes de cette cage humaine. La métaphore de l’exploitation dans un contexte où la dignité n’est plus qu’un souvenir lointain et où l’homme est réduit à sa dimension primaire, proche de la bête, est souvent convoquée dans ces films avec une facilité, qui limite considérablement la marge de manœuvre en termes sociaux et moraux qu’une intrigue plus ambitieuse souhaiterait explorer. En gros, on meurt en prison, mentalement ou physiquement, mais surtout socialement, à moins de s’y user à petit feu, en se heurtant sans cesse à la discipline draconienne imposée par des surveillants cruels ou en subissant le bizutage grossier de ses co-détenus.
Sous réserve de ces impératifs formels et narratifs plutôt contraignants, le réalisateur français Kim Chapiron s’acquitte étonnamment bien de la tâche d’évoquer le quotidien éprouvant dans une prison américaine pour délinquants juvéniles. Son film, inspiré de Scum d’Alan Clarke, ne réinvente certes pas le genre. Mais au vu de son premier film, l’ignoble Sheitan qui incarnait à lui seul les pires aspects du cinéma d’horreur, la mise en scène fait preuve d’une sobriété et d’une retenue ici, qui débouchent fort logiquement sur une solidité globale tout à fait satisfaisante. Alors que le fil de l’intrigue est assez prévisible dans sa structure en dents de scie, qui ne permet aucune échappatoire durable, le mélange astucieux entre la banalité et la fatalité qui caractérisent la vie en prison instaure un ton prenant, qui nous permet de prendre activement part à la descente aux enfers de ces trois jeunes, probablement pas innocents mais pas irrécupérables non plus. De même, la narration plutôt économe de Kim Chapiron, qui emploie par exemple l’ellipse avec une fermeté et une élégance fort efficaces, privilégie une vision aussi objective que possible de l’action. Il en résulte un certain recul par rapport à la violence omniprésente, qui se fond du coup dans le décor tel un élément comme un autre dans cet environnement précaire, susceptible de surgir à tout moment sans pour autant mettre sérieusement en question le fonctionnement de l’institution pénitentiaire. En même temps, cette démarche lucide confère une humanité presque touchante à tous les participants, du directeur de la prison aux détenus sans importance intrinsèque pour l’histoire, en passant par le maton Goodyear, faillible comme tous les autres, et les trois personnages principaux, pas forcément insensibles à la proposition inopinée d’une dernière chance qui se présente à chacun d’entre eux dans ce cul-de-sac social.
La narration, maîtrisée et laconique surtout dans sa conclusion pessimiste, repose en grande partie sur les interprétations débordantes de sincérité des comédiens pas ou peu connus. La rage de Adam Butcher, le sosie américain de Johan Libéreau, l’arrogance innocente de Shane Kippel, et l’effacement résigné de Mateo Morales, sans oublier la détermination bourrue de Taylor Poulin et Lawrence Bayne, apportent une intensité au récit, qui n’est relâchée qu’aux très rares moments de détente, où l’insouciance propre à l’adolescence peut s’épanouir brièvement, au détour d’un récit érotique pour satisfaire les fantasmes de ces jeunes condamnés d’avance à une vie de misère.

Vu le 7 juin 2010, à la Salle Pathé Lamennais, en VO

Note de Tootpadu: