
Titre original: | Harvey Milk |
Réalisateur: | Gus Van Sant |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 128 minutes |
Date: | 04 mars 2009 |
Note: | |
Au début des années 1970, Harvey Milk s'installe avec son copain Scott dans le quartier de Castro à San Francisco. Il y ouvre un magasin de photo et s'engage dans le mouvement gay. Sachant que la communauté à laquelle il appartient sera toujours à la merci de la police et d'une opinion publique hostile, tant qu'elle ne se fait pas entendre à travers les institutions établies, Milk se présente à plusieurs reprises aux élections locales. Il accède en 1978 au poste de conseiller municipal et devient alors le premier politicien américain ouvertement homosexuel.
Critique de Tootpadu
Gus Van Sant s'attaque à son tour au mythe de Harvey Milk, vingt-cinq ans après le documentaire remarquable de Robert Epstein, The Times of Harvey Milk. Il y revient sur les stations principales d'une vie sublimée par l'engagement politique en faveur des gays et fauchée trop tôt par les quatres balles du revolver de Dan White. Pour les spectateurs ignorants du triste sort de l'activiste, Van Sant commence pratiquement son film avec l'annonce du double assassinat, laissant du coup libre cours à la célébration d'une vie à l'issue connue d'avance. Si ce choix narratif paraît des plus judicieux, le récit cadre du scénario de Dustin Lance Black, à partir de l'enregistrement sonore du testament politique de Milk, relève davantage de l'artifice peu élégant.
En fait, Harvey Milk se débat un peu trop longtemps avec les conventions de la biographie filmique, auxquelles il tente d'arracher avec plus ou moins de succès quelques moments de poésie ou de militantisme brûlant à l'état pur. Le style du réalisateur ne paraît pas aussi muselé que dans ses autres films à vocation commerciale, comme Will Hunting ou A la rencontre de Forrester, mais une tension entre les exigences d'un film grand public et les envies artistiques de Van Sant est néanmoins palpable. Ce qui ne veut pas dire que Harvey Milk ne remplit pas parfaitement son rôle de leçon d'Histoire engagée et engageante !
Le film brouille en effet consciemment la frontière entre la réalité, figée dans des documents filmiques et des extraits d'émissions télé de l'époque, et la fiction, qui retrace la lutte du protagoniste sur la scène publique et les quelques déconvenues de sa vie privée. En cela, il se distingue par ailleurs le plus du documentaire précité, qu'il complémente néanmoins admirablement et auquel il se réfère explicitement pendant le générique de fin. Le récit cherche à cerner au moins autant l'idéaliste de la cause gaie que l'homme avec ses désirs et ses déceptions personnelles. Sauf que Harvey Milk s'est toujours compris comme faisant partie intégrante d'un mouvement, qui dépassait sa propre existence passablement glorieuse. En conséquence, le grand écart entre une reconstruction bluffante du San Francisco des années 1970, de la ville et de l'état d'esprit qui y régnait, et la partie plus intimiste de l'intrigue, avec des personnalités hautes en couleur, ne réussit pas toujours.
Quant à la promotion des minorités en général, et des droits des homosexuels en particulier, Harvey Milk prend à la fois l'allure d'un souvenir nostalgique et d'un pamphlet convaincant pour une plus ample tolérance à leur égard. Son statut de témoin de son temps se manifeste le plus clairement de ce point de vue-là. Notre époque, où la proposition 8 - l'héritière homophobe de la proposition 6 fustigée dans le cas présent - passe sans problème le plébiscite, n'aurait-elle pas d'urgence besoin d'une figure charismatique de ralliement, comme l'était Harvey Milk, pour battre en brèche les atteintes aux acquis des droits de l'homme et des gays depuis la disparition du conseiller municipal hors normes ? Toujours est-il qu'en tant que manifeste de la fierté gaie, accessible à tous, Harvey Milk va bien plus loin avec son message d'espoir que les tentatives hollywoodiennes du passé, toutes marquées par un malaise existentiel et une honte prononcés, qu'elles s'appellent Philadelphia de Jonathan Demme ou Le Secret de Brokeback Mountain de Ang Lee ! Car l'antagonisme entre Milk et Dan White se développe plus comme un combat entre la lumière progressiste et l'obscurité réactionnaire - toute convention scénaristique mise à part - que comme une énième répétition des clichés sur les gays, qui ont enfin commencé leur riposte filmique à grande échelle, bien qu'ils n'échappent toujours pas à l'association apparemment obligatoire avec l'opéra.
Vu le 22 mars 2009, au Majestic Bastille, Salle 1, en VO
Note de Tootpadu: