Secret de Brokeback Mountain (Le)

Secret de Brokeback Mountain (Le)
Titre original:Secret de Brokeback Mountain (Le)
Réalisateur:Ang Lee
Sortie:Cinéma
Durée:134 minutes
Date:18 janvier 2006
Note:
En 1963, Ennis Del Mar et Jack Twist gardent ensemble un troupeau de moutons près de Brokeback Mountain, dans le Wyoming. Pendant cet été, les deux hommes tombent amoureux l'un de l'autre, sans savoir comment gérer cette situation peu orthodoxe. Surtout Ennis éprouve beaucoup de mal à laisser libre cours à ses sentiments et il ne tarde pas à épouser Alma, un mariage déjà prévu avant la rencontre décisive avec Jack. Ce dernier suit un chemin semblable, mais il n'arrive pas à oublier son amant d'un été. Quelques années plus tard, il tente de le retrouver.

Critique de Mulder

J'ai vu ce très beau film hier soir et je ne m'en suis toujours pas remis. Ce film est d'une rare dureté et traite d'un sujet très difficile, c'est-à-dire le thème des cowboys bisexuels dans les années 60. Ennis Del Mar et Jack Twist se rencontrent en gardant ensemble un troupeau de moutons près de Brokeback Mountain, dans le Wyoming. Ils sympathisent et se trouvent une attirance sexuelle commune. A travers le temps, ces deux hommes vont cacher leur attirance en se mariant et en fondant une famille...

Le sujet traité ici pourrait se rapprocher à celui de Philadelphia hormis que le thème du sida (fléau de ce siècle) n'est pas clairement cité tout au long de ce long-métrage. Pour le réalisateur, la romance entre deux cowboys homosexuels ne peut finir que tragiquement. Ce film raconte donc une histoire d'amour impossible dans un cadre superbe. Tout dans ce film est oscarisable que ce soit la réalisation sans faille de Ang Lee, le jeu des acteurs ( Heath Ledger et Jake Gyllenhaal méritent de recevoir chacun un Oscar pour leur superbe prestation).

Ce film est à ne surtout pas rater si vous aimez les vraies mélodrames et si, comme moi, vous aimez voir de vrais acteurs jouer et non cachetonnés comme les Brad Pitt et consorts.

Vu le lundi 16/01/06 salle 02 en vo au Gaumont de Disney Village

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

Le voici le film qui est censé rendre l'homosexualité acceptable aux yeux du grand public, l'étape suivante après l'approche frileuse de Philadelphia il y a plus de dix ans. Si tout se passe comme prévu, il devra en effet décrocher l'Oscar du Meilleur film d'ici deux mois et ainsi succéder au mythique Macadam Cowboy comme film pour adultes qui a su dynamiter son genre. Et si les dieux de la grande messe de Hollywood ne lui sont guère favorables, il finira comme The Crying Game, une curiosité qui n'a fait que peu de vagues.
Ces considérations triviales importent peu, puisqu'Ang Lee ne s'est pas rendu la tâche facile et qu'il nous gratifie en fin de compte d'un film très beau et très triste. Cette saga d'un amour impossible se refuse d'emprunter le chemin édifiant que tant de productions pour homos ont balisé dans le passé. Ces films rarement très bons s'employaient en effet à présenter la découverte personnelle de l'homosexualité tel un parcours difficile, au bout duquel se trouve, oh quel bonheur, l'acceptation de soi et l'épanouissement dans un monde tout rose. Une telle propagande tendancieuse, en dépit de ses mérites dans la création de modèles d'identification positifs, n'a pas du tout sa place dans ce récit d'une passion par intermittence dans une société ouvertement hostile. Il n'y a donc point de salut à espérer de cette suite de chagrin et de reniement permanent, uniquement interrompu par de trop brefs moments de bonheur et de complicité entre amants. Pour les homos qui veulent se sentir bien dans leur peau, nous conseillerons plutôt Le Bal des chattes sauvages, sorti une semaine plus tôt, qui dresse un portrait infiniment plus jubilatoire de l'amour interdit.
Et pourtant, ce retour triomphale d'Ang Lee, après trois films décevants pour des raisons diverses, est d'une intensité émotionnelle irrésistible, la sorte de descente aux enfers des sentiments de laquelle on ne sort pas indemne. Une fois de plus aux antipodes du ton extraverti des productions gaies, son film se déroule complètement à l'intérieur des personnages et se place avec une sobriété majestueuse comme une étude éprouvante sur le refoulement. En quelque sorte, le personnage d'Ennis, le pivot complexe de l'histoire presque minimaliste, reste coincé au même stade que Frank Whitaker, le mari malheureux interpreté par Dennis Quaid dans Loin du paradis, avant qu'il n'accepte sa condition. Cet homme renfermé et à l'esprit torturé est probablement un des personnages les plus pénibles, désespérants et, avant tout, attachants de ces dernières années. Même lorsqu'il retrouve son amant, il ne semble pas capable d'apaiser ses démons, et encore moins de les révéler au seul individu susceptible de le comprendre.
Dans ce rôle très nuancé et difficile, Heath Ledger nous surprend sans cesse par son intensité muselée, ainsi que par sa capacité de rendre le combat psychologique perdu d'avance intéressant. Ennis n'est pas qu'un raté, mais un homme qui a fait de la fuite et de l'évasion la philosophie de son existence, d'une vie qui aurait pu être tellement plus. A côté, Jack paraît au moins partiellement en paix avec son penchant pour les hommes et il lui arrive même de remporter quelques succès éphémères dans sa vie loin d'Ennis. Jake Gyllenhaal réussit cependant à traduire la frustration de Jack d'être incapable d'entraîner son amant dans son rêve d'une romance gaie durable. Il souligne ainsi le point de discorde majeur entre les deux hommes : l'incompatibilité entre le pessimisme le plus paranoïaque de la part d'Ennis et un optimisme loin de la réalité imaginé par Jack.
Enfin, la mise en scène d'Ang Lee est exemplaire dans sa création d'un ton triste et mélancolique. L'extrême beauté du cadre naturel, parfaitement rendu par la photographie splendide de Rodrigo Prieto, n'écrase ainsi jamais le caractère tortueux du récit. Tout comme la simplicité apparente de sa narration ne cherche jamais à occulter le fond tragique de cette histoire difficile.

Vu le 6 janvier 2006, à la Salle UGC, en VO
Revu le 24 juillet 2008, en DVD, en VO

Note de Tootpadu: