Kaboom

Kaboom
Titre original:Kaboom
Réalisateur:Gregg Araki
Sortie:Cinéma
Durée:86 minutes
Date:06 octobre 2010
Note:
Depuis qu’il a emménagé au dortoir de l’université pour sa première année d’études, Smith fait un rêve récurrent, qu’il a du mal à expliquer. Il y marche nu dans un couloir, avec d’un côté sa mère, sa meilleure amie Stella, et son nouveau co-locataire Thor, un surfeur aussi craquant qu’intellectuellement limité, et de l’autre deux filles qu’il n’a jamais vues auparavant. Elles lui indiquent une porte, derrière laquelle se trouve une benne d’ordures rouge. Profondément troublé par ce rêve énigmatique, Smith n’y voit pas plus clair, quand il croise à une fête les deux filles mystérieuses. L’une, Lorelei, est la nouvelle copine de Stella, et l’autre lui vomit sur la chaussure, avant de disparaître. Heureusement que Smith trouve un peu de certitude dans le lit de London, une fille entreprenante qui est attirée par des garçons qui se considèrent comme gays.

Critique de Tootpadu

Dans le cinéma de Gregg Araki, le concept d’une inspiration intrinsèquement indépendante, accompagnée de tendances vigoureusement gaies ou « queer », a toujours été plus séduisant que son exécution à l’écran. Au lieu d’être le successeur direct de John Waters ou de Gus Van Sant, le réalisateur américain se complaît plutôt dans l’exploration de son propre univers aux couleurs criardes et au fond pas plus élaboré que le fantasme d’un adolescent gay à l’imagination débordante. Cette fidélité à un même genre de film, la plus évidente dans The Doom generation et Nowhere, rend certes son travail facile à cataloguer, voire à appréhender. Mais la maturité narrative à l’œuvre dans Mysterious skin et l’entrée timide dans un cinéma plus grand public dans Smiley face nous avaient donné l’espoir que Gregg Araki était en bonne voie pour enfin se montrer à la hauteur des attentes que nous placions en lui.
Hélas, son nouveau film, présenté aux festivals de Cannes et de Deauville, fait figure d’une régression consternante dans le domaine des histoires d’adolescents délirantes, qui ne servent en fin de compte qu’à satisfaire le talent passablement immature du réalisateur. Alors que John Waters avait profité de sa notoriété grandissante pour s’assagir et que Gus Van Sant jouit de sa renommée pour alterner entre des œuvres artistiquement exigeantes et des films de commande pas sans intérêt, Gregg Araki a visiblement rebroussé chemin pour se retrouver avec ses erreurs de jeunesse pratiquement quinze ans en arrière. A priori rien de mal à cela, sauf qu’il est difficile de déceler la moindre évolution artistique ou narrative dans Kaboom, qui reprend essentiellement là où la trilogie de la « Teen Apocalypse » nous avait laissés en 1997.
Après une introduction qui s’intéresse encore tant soit peu à l’incertitude du protagoniste quant à son orientation sexuelle, le récit part de plus en plus en vrille, au fur et à mesure que la menace d’une secte suspecte devient réalité. Il est d’ailleurs parlant que le dixième film de Gregg Araki commence par un rêve, puisque le réalisateur n’hésite pas à abuser par la suite du dispositif onirique, jusqu’à nous rendre complètement hermétiques face à cette ruse narrative employée à outrance. De même, les fantasmes et frustrations gays de Smith, dans un monde à peine touché par une homophobie crue – à l’image de la banlieue idéalisée dans Homme au bain de Christophe Honoré où tous les garçons sont prêts à coucher avec le personnage principal –, sont supplantés trop rapidement par la frénésie d’une paranoïa irrationnelle. La menace de la secte toute puissante est si grossièrement décrite qu’il valait peut-être mieux terminer le film d’une manière aussi abrupte et peu satisfaisante. Car le délire gratuit a déjà pris le dessus depuis longtemps, lorsque le camion de la secte et la voiture des résistants s’engagent dans une course folle à fin ouverte.
Nous ne sommes nullement hostiles à l’exubérance formelle dont Gregg Araki fait preuve dans ce film régressif. Il est juste dommage que ce retour aux sources porte aussi peu les marques de la maturité artistique, dont le réalisateur avait su nous convaincre avec ses deux films précédents. Pour les fans indécrottables de Gregg Araki, l’enfant terrible de la scène gaie du cinéma indépendant américain, Kaboom peut s’apparenter à un retour à l’expression brute de ses préoccupations juvéniles. Mais pour ceux et celles qui espéraient qu’il allait devenir un metteur en scène de premier ordre, c’est-à-dire plus que le tâcheron passablement doué à l’agenda social fort sympathique de ses premiers films, il faudra malheureusement se targuer de patience.

Vu le 31 août 2010, au Cinéma du Panthéon, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Lorsqu'un réalisateur underground trop nourri aux séries américaines, comme "Beverly Hills", "Californication", et "X-files", décide sous l'influence de Donnie Darko de Richard Kelly de réaliser sa propre version de la fin du monde, cela donne un film jouissif, certes pas exempt de défauts, mais qui se laisse regarder avec le même plaisir coupable que prend son personnage principal à regarder un film pour adultes en cachette.

Le cinéma américain indépendant ne subit pas les pressions des grands studios et les réalisateurs peuvent s'exprimer librement et laisser libre cours à leur inspiration. Ce film en est l'exemple parfait et montre que la jeunesse dorée américaine est un monde vicieux et chaotique où chaque étudiant se cache derrière ses apparences. Comme le personnage principal se découvre sexuellement et concrètement (il apprend enfin un terrible secret de famille), le spectateur le suit à l'aveuglette dans ce film tentaculaire.

La grande force de ce film, qui a retenu toute mon attention, est le personnage secondaire de Lorelei, étudiante sorcière, femme fatale. Pour l'interpréter, Gregg Araki est allé chercher en France une jeune actrice non seulement d'une beauté profonde, mais sachant aussi se donner dans ses rôles. Dire que Roxane Mesquida illumine l'écran est une évidence totale. Elle donne à ce film une plus value inestimable.

Ce film souffre certes de moyens réduits, mais témoigne de l'excellente santé de la production underground américaine. Gregg Araki n'a pas son pareil pour décrire le monde étudiant superficiel américain, comme il l'avait déjà fait dans The Doom generation.

Vu le 4 septembre 2010, au Morny, Salle 1, Deauville, en VO

Note de Mulder: