Homme au bain

Homme au bain
Titre original:Homme au bain
Réalisateur:Christophe Honoré
Sortie:Cinéma
Durée:72 minutes
Date:22 septembre 2010
Note:
Omar doit partir pour une semaine à New York, afin d’y tourner un documentaire sur la tournée promotionnelle de l’actrice Chiara Mastroianni. Avant son départ, il se fait abuser par son copain Emmanuel, avec lequel il partage depuis un an un appartement à Gennevilliers. Alors qu’Omar lui a fait comprendre qu’il ne souhaite pas l’y retrouver à son retour, Emmanuel a plus de mal à se remettre de cette séparation.

Critique de Tootpadu

Les acteurs de porno et les films de fiction à vocation artistique ne font pas toujours bon ménage. La reconversion la plus notoire à ce jour est probablement celle, à peine intéressée en termes de retombées médiatiques, de Rocco Siffredi dans Anatomie de l’enfer de Catherine Breillat. La motivation de Christophe Honoré pour inviter la star des films de cul François Sagat dans son univers sensiblement moins provocateur que celui de la réalisatrice précitée, à laquelle la Cinémathèque française rend par ailleurs hommage ces jours-ci, provient moins du désir d’exposer, voire de frimer avec l’engin sexuel d’une taille conséquente de l’intéressé. C’est davantage son corps sculpté qui l’intrigue, visuellement et humainement, puisqu’il ne met pas longtemps avant d’indiquer – à travers un monologue à la fois sublime et cruel du voisin esthète d’au-dessus – à cet Adonis des temps modernes sa place dans cette banlieue fantasmée, où l’homophobie n’a pas cours et où, au contraire, tous les passants se languissent de baiser avec le petit gaillard au crâne rasé.
Les moments les plus touchants de cette histoire d’une séparation sont ainsi ceux où Emmanuel doit se rendre compte de ses limitations, ou plutôt de ses imperfections sociales et émotionnelles, qui contredisent la forme soignée et idéalisée de son physique. Le scénario minimaliste, qui repose essentiellement sur l’improvisation autour du thème de l’attente tortueuse du retour d’Omar, nous réserve quelques instants d’une vérité cinglante, où le carcan de l’objet du désir superficiel qu’est au fond François Sagat se fissure pour laisser entr’apercevoir la fragilité et la sensibilité d’un personnage malheureux. C’est le cas de la visite chez l’artiste Robin, déjà évoquée, et également du retour de la violence, quand Emmanuel donne la fessée à son jeune partenaire de jeux sexuels, bien au delà de l’instant où cet abus avait quelque chose de vaguement érotique. Rien que pour ces deux mises à nu émotionnelles, qui dévoilent le personnage successivement comme quelqu’un de creux et d’incorrigible dans ses mauvaises habitudes de maltraiter ses partenaires, le transfuge d’un milieu infiniment moins délicat mérite tout notre respect. François Sagat est loin d’avoir une carrière brillante de comédien tracée devant lui. Mais il confère à son personnage une lucidité assez grande pour faire de sa présence dans Homme de bain plus qu’une simple opportunité pour se rincer l’œil à moindres frais et sur grand écran.
La deuxième partie du film nous a clairement moins subjugués. Sans lien direct avec l’action à Gennevilliers, autre qu’une séquence onirique où Christophe Honoré peut une fois de plus exprimer toutes ses ambitions littéraires, et parce que les télégrammes n’existent plus, elle nous permet au mieux de suivre Chiara Mastroianni dans son quotidien d’une actrice qui doit promouvoir son film dans une métropole étrangère. La candeur de ces quelques jours passés ailleurs a hélas tendance à se perdre dans le style improvisé de la narration – dispositif d’un reportage fictif oblige – et dans la tentative curieusement désincarnée d’Omar d’oublier Emmanuel par le biais d’une affaire sans lendemain avec l’étudiant canadien. Tandis que son amant éconduit cherche à tout prix de rester proche de lui, quitte à coucher avec un homme dont il ne voit que la moustache, la démarche d’Omar à New York est plus opportuniste. C’est peut-être aussi pour cette raison que notre sympathie ne va pas vers la victime de l’abus sexuel initial, qui avait tout déclenché ou qui était plus probablement la goutte qui a fait déborder le vase, mais qu’elle repose davantage sur les larges épaules de la brute supposée, incapable de faire fi de ses sentiments avec la même désinvolture que son compagnon d’un an.

Vu le 30 août 2010, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: