Un mariage sans fin

Dans Un mariage sans fin, le réalisateur Patrick Cassir prend ce qui aurait pu être une comédie romantique classique et y insuffle des nuances émotionnelles, un charme surréaliste et une spécificité culturelle. Avec pour toile de fond la beauté aride du désert marocain, cette adaptation non officielle et française du film indépendant américain Palm Springs transpose habilement le concept de boucle temporelle popularisé par Un jour sans fin (Groundhog Day), créant une réflexion franco-méditerranéenne unique sur l'amour, l'inertie et les secondes chances. Grâce aux performances solides de Tarek Boudali et Camille Rowe, soutenues par une distribution de comédiens convaincante, le film dépasse  son postulat pour devenir une œuvre sincère, divertissante et émouvante.

Au cœur de l'histoire se trouve Louna, incarnée avec un mélange de froideur et de chaleur par Camille Rowe. Louna assiste au mariage de sa petite sœur dans un hôtel isolé au Maroc, mais elle est loin d'être d'humeur à faire la fête. Assise au bar, noyant son désenchantement dans un verre, elle observe les invités tourbillonner dans une frénésie de joie superficielle. Jusqu'à ce qu'elle rencontre Paul, interprété par Tarek Boudali, une autre âme désabusée à la dérive dans le chaos. Ce qui commence comme une escapade nocturne pour échapper au vacarme se transforme rapidement en une intrigue surréaliste : les deux personnages sont pris dans une boucle temporelle et revivent sans cesse le jour du mariage. Paul, qui se trouve coincé dans cette boucle depuis un certain temps, décide de guider Louna, nouvellement piégée, à travers cette absurdité.

Si le scénario peut sembler familier, la mise en œuvre est résolument originale. Tarek Boudali, connu principalement pour ses rôles comiques dans des films tels que Épouse-moi mon pote et 30 jours max, livre ici une performance plus sobre et réfléchie, incarnant Paul comme un homme engourdi par la répétition mais aspirant secrètement à créer des liens. Loin du burlesque, son interprétation laisse entrevoir une profonde lassitude existentielle sans pour autant perdre son humour caractéristique.  Camille Rowe, souvent reconnue pour son travail de mannequin et sa présence dans les tabloïds en raison de sa relation passée avec Harry Styles, prouve qu'elle est une actrice talentueuse et convaincante. Dans le rôle de Louna, elle imprègne le personnage de vulnérabilité et d'un humour discret. Malgré une filmographie relativement courte, Camille Rowe tient son rang parmi des comédiens chevronnés. Ses collaborations passées avec des acteurs tels que Guillaume Canet et Vincent Cassel semblent avoir influencé son instinct d'actrice, et ses propres commentaires suggèrent une soif d'apprendre et d'évoluer dans le milieu. 

Les seconds rôles ajoutent encore plus de texture et de dynamisme. Bertrand Usclat, qui avait déjà travaillé avec Tarek Boudali sur Menteur, montre une fois de plus son approche méticuleuse du jeu. Connu pour son sens du timing et son engagement envers ses personnages, Betrand Usclat ponctue le récit d'une touche bienvenue d'absurdité et de perspicacité. Youssef Hajdi, Claire Chust, Marie Papillon et Nicolas Berno complètent la distribution avec des interprétations colorées qui ne prennent jamais le pas sur l'émotion au cœur de l'histoire.

Visuellement, la photographie de Yannick Ressigeac capture l'étendue paradoxale et le confinement du désert, utilisant des plans larges et un éclairage naturel pour souligner l'enfermement psychologique des personnages. La structure répétitive de la boucle temporelle est habilement gérée au montage par Riwanon Le Beller et Gopal Puntos, qui parviennent à rendre chaque itération légèrement différente, soulignant la croissance émotionnelle et la dynamique narrative même lorsque la journée recommence. La bande originale, légère et évocatrice, reflète subtilement l'évolution intérieure des personnages sans dominer le ton.

Le réalisateur Patrick Cassir, en collaboration avec le co-scénariste Jim Birmant, utilise le postulat fantastique du film comme une porte d'entrée vers des questions plus profondes : le bonheur se trouve-t-il dans la fuite ou dans l'acceptation ? L'amour suffit-il à briser le cycle, ou un véritable changement nécessite-t-il des sacrifices et des risques ? Leur scénario ne se précipite pas vers une résolution. Au contraire, il se délecte des contradictions des relations humaines, des rythmes doux-amers de la routine et du défi de trouver un sens à tout lorsque tout semble prédéterminé.

D'un point de vue production, Un mariage sans fin est remarquablement dense, avec une durée de 80 minutes. Pourtant, on ne ressent jamais de précipitation. Au contraire, chaque scène construit progressivement une conclusion qui semble méritée plutôt que forcée. Le décor marocain, à la fois magnifique et isolé, est plus qu'une simple toile de fond ; il devient un paysage émotionnel qui reflète le parcours des personnages, qui passent du statut de spectateurs passifs à celui de participants actifs dans leur propre histoire.

Distribué dans le monde entier par Prime Video, ce film marque une nouvelle étape importante dans la carrière de Tarek Boudali et révèle Camille Rowe comme une actrice de talent. À une époque où les remakes semblent souvent paresseux ou dérivés, Un mariage sans fin parvient à être à la fois un hommage affectueux et une réinterprétation culturellement pertinente. Il ne cherche pas à surpasser ses influences, mais invite plutôt le public à s'attarder dans sa tendre absurdité.

Un mariage sans fin est bien plus qu'une simple comédie romantique. C'est une exploration discrètement profonde de la stagnation et de la transformation, enveloppée d'humour et de sable du désert. Avec des performances sincères, des paysages époustouflants et des moments d'émotion inattendue, il nous rappelle que parfois, être coincé dans le temps est ce dont nous avons besoin pour redécouvrir ce qui compte vraiment. Et peut-être, juste peut-être, que l'amour ne consiste pas à échapper à la boucle, mais à choisir avec qui nous voulons rester coincés.

Un marriage sans fin
Réalisé par Patrick Cassir
Produit par Antoine Gandaubert, Antoine Rein, Priscilla Siney
Écrit par Patrick Cassir, Jim Birmant
Avec Tarek Boudali, Camille Rowe, Youssef Hajdi, Bertrand Usclat, Claire Chust, Marie Papillon, Nicolas Berno
Directeur de la photographie : Yannick Ressigeac
Montage : Riwanon Le Beller, Gopal Puntos
Sociétés de production : Summertime
Distribué par Prime Video
Date de sortie : 30 mai 2025 (France, États-Unis)
Durée : 80 minutes

Vu le 29 mai 2025 (Screener presse Prime video)

Note de Mulder: