Freaky Friday 2 : Encore dans la peau de ma mère

Freaky Friday 2 : Encore dans la peau de ma mère
Titre original:Freakier Friday
Réalisateur:Nisha Ganatra
Sortie:Cinéma
Durée:111 minutes
Date:06 août 2025
Note:
L’histoire se déroule bien des années après la crise d’identité à laquelle les Coleman ont été confrontées. Anna est devenue mère à son tour. Elle a une fille et s’apprête à avoir une belle-fille également. Mais alors qu'elles font face à la myriade de défis que représente l’union de deux familles, Tess et Anna découvrent que, contre toute attente, la foudre peut vraiment frapper deux fois au même endroit…

Critique de Mulder

Freaky Friday 2 : Encore dans la peau de ma mère (Freakier Friday) arrive dans nos salles de cinéma plus de deux décennies après que Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan aient injecté pour la première fois une énergie chaotique dans Freaky Friday dans la peau de ma mère  (Freaky Friday) (2003) en échangeant leurs corps et leurs vies de mère et de fille. Les suites qui arrivent aussi tardivement s'appuient souvent sur la nostalgie pure ou sur des imitations boiteuses, mais celle-ci parvient à trouver le juste équilibre : elle célèbre le retour de ses stars emblématiques, s'appuie sur un concept multigénérationnel original et embrasse l'absurde avec un clin d'œil complice au public. La réalisatrice Nisha Ganatra et le scénariste Jordan Weiss sont pleinement conscients du capital culturel dont jouit encore l'original. Au lieu d'essayer de le surpasser par la surprise, ils doublent (voire quadruplent) la mécanique de l'échange, transformant le simple principe de l'inversion des rôles en une explosion d'identités mélangées, parfois au détriment de la clarté émotionnelle, mais souvent avec des résultats comiques.

Dès le début, le film repositionne ses personnages dans un paysage familial moderne. Anna, incarnée par Lindsay Lohan, est désormais une mère célibataire d'une trentaine d'années qui jongle entre son travail et l'éducation de Harper, sa fille adolescente obsédée par le surf et à la langue bien pendue, jouée avec une précision troublante par Julia Butters. Pendant ce temps, Tess, incarnée par Jamie Lee Curtis, est entrée dans la phase  grand-mère cool »: elle travaille toujours comme thérapeute, mais elle s'est désormais construit une image publique grâce à des podcasts, des livres de développement personnel et un penchant pour l'implication excessive dans les affaires de sa famille. Le statu quo est bouleversé lorsque Anna rencontre et tombe amoureuse d'Eric, un restaurateur britannique chaleureux mais un peu trop parfait, interprété par Manny Jacinto, et père de Lily (Sophia Hammons), une adolescente élégante dont la bienséance contraste fortement avec l'attitude décontractée de Harper, qui se prend pour une fille de la plage.

C'est là que le film puise sa plus grande source d'étincelles interpersonnelles : Harper et Lily se détestent dès le premier regard, et leur rivalité s'intensifie d'une manière que seuls les adolescents peuvent se permettre : insultes passives-agressives devant les adultes, surenchères dans la cour de récréation et batailles silencieuses pour savoir qui aura la plus grande chambre. Les fiançailles de leurs parents sont un cauchemar pour elles, et lorsque la fête de célibataire d'Anna approche, elles ne sont unies que par leur désir de faire capoter le mariage. Vanessa Bayer fait alors son apparition dans le rôle d'une voyante délicieusement excentrique, un caméo qui vole la vedette et combine une étrangeté pince-sans-rire avec une énergie chaotique qui semble provenir d'une comédie complètement différente. Grâce à son intervention magique inoffensive, l'échange de corps entre mère et fille qui définissait autrefois Tess et Anna se transforme en un quadruple échange : Anna avec Harper, Tess avec Lily.

Le plaisir – et le chaos – réside dans les performances des acteurs. Jamie Lee Curtis vole la vedette dans toutes les scènes où elle incarne Tess dans le corps de Lily, se livrant avec abandon à l'égocentrisme exagéré des adolescentes. Elle n'a pas peur des gags physiques, qu'il s'agisse d'une crise de nerfs à plein régime sur un terrain de pickleball, d'un moment influenceuse exagéré avec un gloss repulpant les lèvres qui tourne mal, ou de la posture exacte d'une adolescente de 15 ans avachie sur son téléphone. Lindsay Lohan, quant à elle, a pour mission de canaliser l'impatience adolescente et la volatilité hormonale de sa fille tout en conservant l'essence même d'Anna. C'est un exercice plus subtil, qu'elle accomplit avec un timing qui rappelle pourquoi elle était autrefois la star adolescente incontournable pour les rôles qui alliaient comédie et émotion.

Julia Butters mérite une mention spéciale pour avoir su reproduire les manières de Lohan sans les tourner en parodie. On remarque son observation méticuleuse dans la façon dont elle ajuste sa posture ou marque de légères pauses avant de parler, donnant ainsi à Harper dans le corps d'Anna l'impression d'être une personne réelle qui navigue dans l'âge adulte plutôt qu'une enfant qui joue à se déguiser. De même, Sophia Hammons se réjouit du défi inverse : rendre Lily dans le corps de Tess convaincante dans son rôle de jeune fille plus âgée, tout en laissant transparaître son insécurité adolescente sous son apparence soignée.

C'est dans ses clins d'œil affectueux au premier film que celuii-ci marque des points. Le retour de Jake, incarné par Chad Michael Murray, qui tient toujours son magasin de disques et dégage toujours le même charme décontracté, est traité avec légèreté, davantage comme un clin d'œil chaleureux que comme une apparition lourde. Les retrouvailles de Pink Slip, avec Christina Vidal et Haley Hudson, sont un pur plaisir pour les fans, mais elles sont exécutées avec suffisamment de joie sincère pour que cela fonctionne. Même les apparitions secondaires de Rosalind Chao et Lucille Soong sont comme de petites étreintes cinématographiques, d'autant plus que les réalisateurs évitent les stéréotypes raciaux embarrassants qui nuisaient à certaines parties de l'original.

Le scénario est parsemé d'humour générationnel qui fonctionne la plupart du temps : Harper taquine Tess sur son utilisation de Facebook comme base de données des personnes âgées, Anna s'insurgeant contre le paysage déroutant des rencontres sans gluten, et une référence récurrente à l'étiquette des SMS entre la génération Z et les milléniaux. C'est une façon intelligente de reconnaître le saut dans le temps sans se noyer dans l'autoréférence.

Néanmoins, quadrupler la dynamique d'échange s'accompagne de compromis narratifs. La force de l'original résidait dans sa concentration sur une seule relation, celle entre Tess et Anna, ce qui permettait des rebondissements émotionnels plus soutenus. Ici, l'attention est divisée, et si l'échange entre Tess et Lily provoque de grands éclats de rire, le lien entre Harper et Anna n'atteint pas tout à fait la même profondeur ni le même résultat. La structure s'appuie fortement sur des séquences de montage – mésaventures de relooking, désastres sportifs dus à l'inversion des rôles et gags TikTok à un temps – qui maintiennent un rythme soutenu mais relèguent parfois au second plan le courant émotionnel sous-jacent. Même l'incohérence des accents (Lily, qui est britannique, parle avec un accent américain dans le corps de Tess) est symptomatique du fait que le film privilégie parfois le rythme comique au détriment de la logique stricte de l'échange.

Pourtant, malgré ces soucis d’écriture scénaristique, Nisha Ganatra parvient à faire fonctionner l'ensemble avec une énergie contagieuse. La caméra embrasse le chaos, avec des montages rapides et des rappels visuels rapides au premier film, tandis que les performances des acteurs donnent une dimension émotionnelle au scénario chaque fois que celui-ci menace de basculer dans le pur slapstick. Et il y a un plaisir méta-textuel à voir Lindsay Lohan désormais du côté des parents, sa carrière faisant écho au parcours d'Anna. Son lent retour à Hollywood ajoute une touche poignante aux scènes où Anna réfléchit aux occasions manquées ou redécouvre sa passion pour la musique. Le retour de Pink Slip n'est pas seulement un moment fort destiné à plaire au public, c'est une réappropriation symbolique de son propre récit.

Jamie Lee Curtis, quant à elle, reste l'une des actrices comiques les plus intrépides d'Hollywood. Elle se jette dans le ridicule sans jamais le dévaloriser, et son alchimie avec Lohan est toujours aussi forte. Lorsque le film passe enfin à sa conclusion sentimentale, les deux femmes partagent un moment subtil, calme et discret qui rappelle pourquoi leur duo en 2003 avait fait l'effet d'un coup de foudre.

Freakier Friday ne surpasse pas son prédécesseur en termes d'émotion, mais ce n'est pas nécessaire. C'est une réunion pleine d'entrain, un passage de flambeau à une génération plus jeune, et un film qui comprend exactement ce que son public est venu voir. Plus chaotique ? Sans aucun doute. Mais aussi plus chaleureux, plus drôle et, comme il se doit, plus freak.

Freaky Friday 2 : Encore dans la peau de ma mère (Freakier Friday)
Réalisé par Nisha Ganatra
Écrit par Jordan Weiss
Scénario d'Elyse Hollander et Jordan Weiss
D'après Freaky Friday de Mary Rodgers
Produit par Kristin Burr, Andrew Gunn et Jamie Lee Curtis
Avec Jamie Lee Curtis, Lindsay Lohan, Julia Butters, Sophia Hammons, Manny Jacinto et Mark Harmon
Directeur de la photographie : Matthew Clark
Montage : Eleanor Infante
Musique : Amie Doherty
Sociétés de production : Walt Disney Pictures, Gunn Films, Burr! Productions
Distribué par Walt Disney Studios Motion Pictures
Dates de sortie : 22 juillet 2025 (El Capitan Theatre), 6 août 2025 (France),  8 août 2025 (États-Unis)
Durée : 111 minutes

Vu le 08 aout 2025 au Gaumont Disney Village, Salle 9 place A20

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Note de Mulder: