En attendant Bojangles

« Je ne suis sorti indemne ni du livre ni du film. Encore maintenant, En attendant Bojangles me fait me poser beaucoup de questions sur l’amour – jusqu’où va-t- on pour la personne qu’on aime ? –, sur la parentalité aussi. On se raconte dans un film et je suis moi-même père, en couple depuis longtemps, avec une femme que j’aime et qui m’aime : comment ma fille allait-elle réagir plus grande si je m’engageais dans l’aventure ? Allait-elle nous assimiler à ces amoureux ? Ma femme a su me rassurer : « Eux, ce ne sont pas toi », m’a-t-elle expliqué. Elle m’a permis de changer ma perception des choses et de m’en libérer. J’ai compris qu’il était possible de raconter une histoire à travers son propre prisme ; faire une œuvre personnelle sans que les protagonistes soient obligés d’être trop proches de soi. » - Régis Ronsard

Adapter un best-seller se révèle souvent un exercice périlleux tant il convient de ne pas trahir le matériel original mais aussi savoir apporter une réelle vision d’un réalisateur capable de transcender cette œuvre et lui donner vie devant nos yeux. Assurément le nouveau film de Régis Roinsard (Populaire (202), Les traducteurs (2020))  confirme tout le bien que nous pensons de cet excellent réalisateur qui ne cherche jamais à se fondre dans le moule d’un cinéma français commercial mais plutôt de continuer à proposer des films ambitieux nous rappelant que la toute la force du cinéma français repose sur la richesse des jeux des comédiens totalement investis et n’ayant pas peur de sortir de leur zone de confort pour se réinventer en permanence. 

Le réalisateur retrouve ainsi après son premier film le comédien Romain Duris et collabore pour la première fois avec la meilleure comédienne belge actuelle Virginie Efira. La réussite de ce film repose essentiellement sur leur duo nous rappelant l’âge d’or du cinéma hollywoodien capable d’étonner les spectateurs et de capter notre attention sans aucun temps mort.

Le premier roman d’Olivier Bourdeaut publié aux éditions Finitude, en 2016 fut non seulement encensé par la presse et obtenu l’année de sa sortie de prestigieux prix (prix France Culture-Télérama,  prix du grand prix RTL-Lire,  prix Emmanuel-Roblès et du prix Roman France Télévisions) et s’imposa rapidement comme un best-seller. On comprend alors qu’une adaptation cinématographique était inévitable tant ce livre après l’avoir lu reste ancré dans la mémoire des lecteurs comme un monde d’une originalité folle et marqué par des personnages pittoresques. Cette véritable histoire d’amour de deux personnes à part et de leur enfant uniquement célèbre autant l’amour fort et unique que la folie qui aura raison d’eux. 

Il aura fallu d’une soirée pour que Camille (Virginie Efira) et Georges (Romain Duris) se rencontrent et que leur amour devienne un véritable roc. Pourtant la bipolarité de Camille et sa folie vont rendre leur vie aussi difficile que très mouvementée. La naissance de leur fils Gary va également les confronter à leur mode de vie dans lequel ils vivent déraisonnablement. Dans leur monde dans lequel, on vit volontairement différemment du reste de la population, on s’invente des mondes inimaginables, on refuse la normalité de la vie, les responsabilités et on vit de ses propres codes dans lesquels la fantaisie, la liberté n’ont pas de limites. Pourtant les réactions que peut avoir Camille vont obliger Georges à l’enfermer dans un asile psychiatrique ne pouvant plus faire face à ses réactions imprévisibles. L’amour fort qui unit cette famille et l’aide importante de leur ami Charles va -t-il être suffisant pour sauver Camille de ses propres démons intérieurs.

En attendant Bojangles est assurément l’un de nos coups de cœur de ce début d’année. Une nouvelle preuve que Romain Duris et Virginie Efira sont de grands comédiens capables de nous émouvoir, de nous faire rire et surtout capables de donner à leurs personnages une présence indéniable à l’écran. Certes ce film ne plaira pas à tous par son rythme lent et par le fait que l’évolution du récit semble prévisible et ne cherche pas constamment à plaire aux spectateurs. Entre la chanson de Nina Simone Mr Bojangles qu’écoute en boucle Camille, la présence d’une grue appelée Superfétatoire et une inventivité folle, ce film se dresse comme un certain renouveau du cinéma français loin du conformise actuel du cinéma commercial qui peine à surprendre.  

En attendant Bojangles
Réalisé par Régis Roinsard
Produit par Olivier Delbosc, Jean-Pierre Guérin
Écrit par Romain Compingt
D’après le livre homonyme d’Olivier Bourdeaut (2016)
Avec Romain Duris, Virginie Efira, Grégory Gadebois, Solan Machado-Graner, Orianne Daudin, Juliette Blanche
Musique : Clare Manchon
Image : Guillaume Schiffman
Montage : Loïc Lallemand
Sociétés de production : Curiosa Films et JPG Films ; France 2 Cinéma, Orange Studio, Studiocanal et UMedia (Coproduction)
Distribué par Studiocanal
Date de sortie : Janvier 2022, 5 (France)
Durée du film : 124 minutes

Vu le 07 janvier 2022 au Gaumont Disney Village, Salle 5 place A18

Note de Mulder: