John and the hole

Cette année le film John and the hole réalisé par Pascual Sisto aura obtenu non seulement Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation 2021 au festival du cinéma américain de Deauville mais aussi le Grand Prix de la compétition Crossovers du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg. Prix amplement mérité pour ce premier film aussi original que prenant qui s’apparente par certains côtés à un Home Alone en mode destroy.  Le scénario de Nicolás Giacobone adapte et réussit à capter toute la force de la nouvelle de Nicolás Giacobone, El Pozo.

 Il faut reconnaitre que l’idée de départ du film est aussi simpliste que terriblement efficace. En effet, John (Charlie Shotwell) est un jeune garçon de 13 ans sans histoire mais qui un jour décide de droguer ses parents et sa soeur pour les mettre dans un énorme trou au sol près de leur maison. On ne saura jamais la véritable raison de ses actes mais certains détails du film pourraient faire croire à une sorte de rituel familial, de passage de l’enfance à l’adolescence pour une famille aisée qui se retrouve totalement perturbée. John va ainsi profiter de sa maison familiale et d’une réelle liberté alors que sa famille agonise dans un profond trou dans laquelle elle n’arrive pas à s’extirper. Le film John and the hole s’en retrouve ainsi totalement déstabilisant et s’apparente aux films de Michael Haneke par sa manière de faire éclater le cocon familial et plonger des personnes vivant normalement dans un cauchemar éveillé (une scène de repas confirme bien cette idée).

Il est intéressant de voir que l’idée principale du film n’apparait pas au début et le film commence comme une douce chronique de l’enfance avant que John trouve ce trou et y place sa famille, le film aura mis au moins une demi- heure à trouver son rythme. On peut comprendre que John souhaite devenir adulte plus tôt et ainsi non seulement conduire la voiture de son père, aller retirer de l’argent au distributeur et en donner à son meilleur ami mais aussi pouvoir jouer longuement avec sa console de leu et rater l’école mais de là à avoir de tels agissements envers sa grande sœur et ses parents, cela nous laisse complètement ahuris. Ce côté déstabilisant du film en fait aisément sa force émotionnelle son originalité mais le rythme trop lent du film fait que sa structure n’est pas complétement fonctionnelle. 

Il serait aussi intéressant d’analyser le rôle de l’histoire en parallèle mettant en scène une jeune mère Gloria (Georgia Lyman) qui raconte à sa fille Lily (Samantha LeBretton) le conte de John et le trou avant que cette mère quitte le domicile familial laissant sa fille seule et abandonnée à elle-même. Cette histoire dans l’histoire du film amène les spectateurs à se demander quel est le véritable sens caché de ce film.

On pourrait aussi critiquer le fait que seul le personnage de John soit complétement défini et que les personnages campés par Michael C Hall (Dexter), Jennifer Ehle et Taissa Farmiga sont ainsi sous utilisés et décrits que sommairement. De la même manière la fin du film semble complètement irréaliste et apparente ce film à un conte moderne conçu comme une satire de notre société actuelle avec des règles prédéfinies et surtout dans laquelle les enfants ne sont pas assez écoutés. La morale du film laisse entendre que ce ne sont plus les enfants qui doivent retenir le message important d’un conte mais les adultes. John and the hole est assurément une véritable expérience cinématographique pouvant amener au débat sur notre société actuelle. Sorti aux Etats-Unis le 6 aout dernier, il n’y a pas pour le moment de date de sortie en France mais on peut s’attendre à une sortie VOD ou à retrouver ce film réussi sur une plateforme de streaming comme Netflix ou Prime Video.

John and the hole
Réalisé par Pascual Sisto
Écrit par Nicolás Giacobone
Basé sur El Pozo de Nicolás Giacobone
Produit par Michael Bowes, Nicolás Giacobone, Alex Orlovsky, Elika Portnoy
Avec Charlie Shotwell, Michael C. Hall, Jennifer Ehle, Taissa Farmiga
Directeur de la photographie : Paul Ozgur
Montage : Sara Shaw
Musique : Caterina Barbieri
Sociétés de production : Mutressa Movies, 3311 Productions
Distribué par IFC Films (Etats-Unis), ACE Entertainment Films (France)
Date de sortie : 29 janvier 2021 (Sundance), 6 août 2021 (États-Unis)
Durée du film : 98 minutes

Vu le 10 septembre 2021 au Centre International de Deauville

Note de Mulder: