Titre original: | En solitaire |
Réalisateur: | Christophe Offenstein |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 101 minutes |
Date: | 06 novembre 2013 |
Note: |
L’heure de gloire de Yann Kermadec, éternel second, est enfin arrivée quand son patron, le skipper Franck Drevil, doit déclarer forfait à quelques jours du début du Vendée Globe, à cause d’un accident de moto. Ce sera donc à Yann de défendre les couleurs de l’équipe DCNS lors de ce tour du monde mythique à la voile, sans escale et en solitaire. Après un départ très prometteur, Yann doit pourtant faire une halte forcée près des Îles Canaries, afin de réparer son safran endommagé. Une fois qu’il a repris la mer, il découvre à sa grande surprise qu’il a un passager clandestin : Mano Ixa, un jeune réfugié mauritanien.
Avant de découvrir le 11 décembre le film de JC Chandor All is lost (Margin Call) narrant la survie d’un marin émérite seul sur son bateau prenant l’eau, Christophe Offenstein nous propose d’assister à la course du Vendée Globe et s’entoure d’un trio gagnant de comédiens (François Cluzet, Virginie Efira et Guillaume Canet) et d’un jeune comédien Samy Seghir (Neuilly Sa mère !, Les petits princes...).
Sur une idée de Frédéric Petitjean, le réalisateur et scénariste est plutôt connu pour être le directeur de la photographie attitré de Guillaume Canet sur tous ses films. Ce n’est donc pas un hasard de le retrouver ici dans un second rôle convaincant. Le film réussit le pari audacieux de se passer pratiquement pendant toute sa durée sur un voilier et surtout nous montre une nouvelle fois l’étendue du talent de François Cluzet. Cette histoire d’amitié entre un marin et un jeune passager clandestin monté sur son bateau nous permet de nous livrer un message universel d’entraide entre peuple.
Le réalisateur réussit donc le pari de nous faire vivre une course autour du monde et nous immerger totalement dans ce challenge solitaire et sans escale et assistance. A ce titre le record de cette course est à ce jour tenu par le marin François Gabart (78jours, 2 heures et 16 minutes) qui a battu ce record cette année. Bien documenté et profondément humain, ce dépassement de soi, ce pari surhumain nous permet de participer totalement aux obstacles aussi bien physiques que naturels que ces aventuriers des temps modernes vivent au quotidien.
Certes l’immersion n’atteint pas celle du chef d’œuvre Gravity de Alfonso Cuarón mais nous propose un voyage enrichissant et non dénué de sens. Cette leçon de vie nous réconforte dans le sens que le cinéma français peut être aussi bien populaire qu’ instructif sans tomber dans des effets de style inutiles ou des effets spéciaux uniquement présents pour masquer l’indigence de certains scénarios.
Vu le 20 octobre 2013 au Gaumont Marignan, Salle 05
Note de Mulder:
Après le Tour de France, le Vendée Globe : le cinéma français semble avoir besoin cette année de se rassurer sur son prestige national, vu le nombre de films qui prennent les compétitions emblématiques du pays comme arrière-plan. Comme ce fut le cas pour La Grande boucle de Laurent Tuel au mois de juin, le premier film en tant que réalisateur du chef-opérateur Christophe Offenstein, qui y met à contribution sa bande de potes et d’anciens collaborateurs en guise de renvoi d’ascenseur, joue plus sur le côté humain de l’épreuve que sur ses exigences sportives hors normes. De cette démarche plus sentimentale que physique naît un film assez bancal. Celui-ci s’avère très banal lors des nombreux retours sur la terre ferme où les problèmes familiaux du protagoniste paraissent revêtir plus d’importance que son classement au fil des jours, tandis qu’une sobriété intense anime le huis-clos sur le bateau.
Une course autour du monde, seul et abandonné par tous, en dépit des moyens de communication de plus en plus sophistiqués, est une entreprise à réserver aux grands solitaires individualistes. Ces loups des mers des temps modernes ont besoin de ce genre de défi, soit pour se prouver qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes, soit pour s’immerger dans une forme de retrait du monde qui remplace la méditation ou le farniente par un emploi du temps rigoureux. Ces hommes et ces femmes qui prennent la mer par pur esprit sportif ont toujours quelque chose de fascinant et d’énigmatique pour nous. En solitaire cherche à peine à percer ce mystère, qui était présenté sous un jour sensiblement plus passionnant dans le documentaire Tabarly de Pierre Marcel, par exemple.
L’obsession de la vitesse, inhérente à ce genre de course à très haut niveau, n’autorise aucun moment de répit, quitte à perdre quelques places dans le classement dont dépend le maintien dans un sport relativement onéreux. Néanmoins, la narration arrive à faire coïncider cette exigence extrême avec une humanité conjuguée d’une manière nullement tendancieuse. En effet, il aurait été facile d’accentuer les causes misérables de l’exode de Mano, ainsi que de polémiquer abusivement sur le problème à la mode des réfugiés économiques. C’est probablement le pragmatisme rude du protagoniste, interprété par un François Cluzet solide, qui nous a épargné pareil débordement sirupeux. Car son très beau geste final retient l’aura d’une modestie suffisamment noble pour presque nous faire oublier in extremis la distraction agaçante du volet domestique.
Vu le 19 novembre 2013, à l’UGC Ciné Cité Bercy, Salle 16
Note de Tootpadu: