Titre original: | Tendresse (La) |
Réalisateur: | Marion Hänsel |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 82 minutes |
Date: | 02 octobre 2013 |
Note: |
A la fin de la saison d’hiver, le jeune moniteur Jack se casse la jambe lors d’un accident de ski près de la station de Flaine. Obligé de rentrer chez lui en Belgique, il prévient sa mère Lisa. Celle-ci renoue alors le contact avec le père de Jack, Frans dont elle est divorcée depuis quinze ans. Ensemble, les parents prennent la route vers la France, afin de rapatrier leur fils.
Dans notre notation de films vus, il existe deux extrêmes. Du côté dispensable, les œuvres si mal ficelées que l’on se dit que, même avec notre ignorance en termes de créativité cinématographique, on n’aurait pas pu faire pire. Et du côté utopique, des films qui rejoignent si étroitement notre sensibilité personnelle que l’on se prend à rêver de pouvoir un jour nous exprimer par le biais du cinéma d’une telle façon magistrale. La réalisatrice belge Marion Hänsel est une des très rares à réussir à nous toucher, film après film, au plus profond de notre appréciation filmique. Que ce soit dans sa conception visuelle d’un univers à la beauté plastique renversante ou dans son regard d’une justesse incroyable sur la condition humaine, elle fait opérer sur nous le genre de magie filmique qui nous fait aimer passionnément le cinéma ! Alors que pareille adulation inconditionnelle comporte toujours le risque de se trouver un jour ou l’autre face à la déception et au désenchantement, le nouveau film de cette cinéaste d’exception nous conforte au contraire dans notre ferveur.
La Tendresse a beau avoir des airs de retrouvailles avec une esthétique incroyablement recherchée, qui change de décor, après le désert et l’océan, pour nous émerveiller à travers un premier plan aérien magnifique des étendues enneigées, il constitue une rupture de ton assez sensible dans l’œuvre de la réalisatrice. L’histoire d’un couple divorcé depuis longtemps, mais resté en bons termes, qui voyage pour rejoindre le fils souffrant se passe ainsi complètement de la gravité tragique qui rendait Noir océan et Si le vent soulève les sables si poétiques. Ici, ce sont les sentiments lumineux de la simplicité et de la quiétude qui prédominent. Il faudrait chercher la matière au conflit dans les non-dits et les subtilités des relations au sein d’une famille dysloquée. Le film aurait presque pu s’appeler L’Harmonie, au détail près que sa grande sagesse découle justement de la capacité des personnages de s’entendre, en dépit des dissonnances de leurs caractères et de leurs styles de vie. Car même si l’accident au fond bénin de Jack réunit la famille dans son ancienne configuration, le scénario hautement délicat ne force jamais le trait pour recoller les morceaux cassés avec de la glu romantique.
Cette parenthèse sans conséquences sérieuses permet néanmoins aux personnages de s’épanouir dans toutes leurs contradictions. A commencer par Lisa, dont Marilyne Canto dresse le portrait radieux d’une femme qui n’a pas peur d’être seule, mais qui sait rester ouverte aux bonnes surprises que la vie lui réserve. Son interprétation toute en nuances est le centre nerveux d’un film très doux et pourtant déterminé dans ses choix narratifs. En plus de son aspect visuel toujours aussi fascinant, le cinéma de Marion Hänsel nous subjugue en effet par l’économie judicieuse de ses moyens. Il lui faut à peine une heure et quart pour faire le tour de la question des liens de complicité familiale, qui perdurent peu importe les séparations. Et elle le fait avec une telle grâce et une telle pureté filmiques qu’elle compte plus que jamais parmi nos réalisateurs préférés !
Vu le 16 septembre 2013, au Club de l'Etoile
Note de Tootpadu: