West of Memphis

West of Memphis
Titre original:West of Memphis
Réalisateur:Amy Berg
Sortie:Cinéma
Durée:147 minutes
Date:18 septembre 2013
Note:

En 1993, trois garçons – Christopher Byers, Steven Branch et Michael Moore – sont sauvagement assassinés dans la petite ville de West Memphis dans l’état d’Arkansas. La police suit rapidement la piste d’un culte satanique et inculpe trois adolescents marginaux – Damien Echols, Jason Baldwin et Jessie Misskelley – qui nient d’abord les faits. Ils sont finalement condamnés à la peine de mort pour le premier et à la réclusion à perpétuité pour les deux autres, au cours d’un procès hautement médiatisé. Au fil du temps, de sérieux doutes sur leur culpabilité sont soulevés par des comités de soutien, qui cherchent à innocenter et libérer les « West Memphis 3 ».

Critique de Tootpadu

La réalisatrice Amy Berg sait toujours aussi bien provoquer chez nous une indignation authentique, face à des injustices qui ne devraient pas avoir lieu d’être. La première partie de son nouveau documentaire retrace ainsi avec un engagement émotionnel qui ne laissera personne indifférent le procès historique qui avait désigné les trois de West Memphis comme des tueurs sans scrupules, voire sans âme. Cette entrée en la matière instinctive recrée en nous, près de vingt ans après les faits, la haine viscérale qui devait animer tous ceux qui étaient touchés à l’époque par ce crime abominable qu’est un triple infanticide, cette colère aveuglante à laquelle seule la désignation rapide et sommaire d’un coupable peut apporter un apaisement tout relatif.
Et puis, après ce coup d’éclat qui épouse étroitement le récit manipulateur que les médias faisaient de l’affaire, la perspective change assez subitement de direction pour semer à travers un véritable travail d’orfèvre le doute chez le spectateur, qui vient d’accepter corps et âme la version officielle, validée par un procès apparemment en règle. Autant écrire que nous avons docilement suivi jusqu’à ce point le leurre d’une justice américaine, expéditive certes, mais juste, que les deux heures qui restent de West of Memphis vont tenter de démonter, un mensonge à la fois.
Contrairement au coup de poing salutaire qu’a été le documentaire précédent de la réalisatrice, le magnifique Délivrez-nous du mal, celui-ci ne nous présente pas de cible aussi clairement abjecte, sur laquelle notre dégoût de la race humaine pourrait se concentrer. Il avance l’hypothèse d’un coupable qu’il vaudrait mieux chercher parmi la famille proche des victimes. Mais le transfert de la culpabilité d’un suspect sur un autre n’est guère au cœur du film. Il s’emploie davantage à indiquer sobrement les failles multiples d’un système judiciaire dans certains états américains, qui ne craigne rien de plus que d’admettre une erreur.
Par conséquent, et même si le charabia des avocats est tenu au strict minimum, le message qui ressort de ce film-fleuve passionnant n’est pas du genre à galvaniser les foules. Son approche intelligente vise au contraire à mettre en garde contre des conclusions trop hâtives, comme celles qui avaient mené au verdict contesté et, d’une manière plus générale, celles qui laissent parler impulsivement le cœur, sans avoir consulté auparavant le cerveau. La campagne pour la libération des trois assassins présumés ne se solde en toute logique pas par une victoire tonitruante, tel que le cinéma hollywoodien nous l’imaginerait immédiatement, sans sourciller. Elle est obligée de se contenter d’un compromis problématique, qui permet à tout le monde de sauver la face, mais qui ne rétablit nullement cette valeur si précieuse et difficile à atteindre d’une justice parfaitement impartiale.
Même si notre enthousiasme n’est pas aussi impétueux face à ce film qu’il ne l’a été quand nous découvrions le documentaire incroyablement poignant sur le prêtre pédophile, il constitue néanmoins une façon stimulante de traiter de la peine de mort aux Etats-Unis et des défauts manifestes de son système judiciaire, contrairement à un autre documentaire présenté cette année à Deauville, Into the abyss de Werner Herzog.

Vu le 3 septembre 2012, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO

Note de Tootpadu: