Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal
Titre original:Délivrez-nous du mal
Réalisateur:Amy Berg
Sortie:Cinéma
Durée:102 minutes
Date:02 avril 2008
Note:
Le prêtre Oliver O'Grady a été reconnu coupable de plusieurs actes pédophiles en 1993 et condamné à une peine de prison de quatorze ans. Libéré pour bonne conduite sept ans plus tard, il vit désormais en Irlande. Alors que ses abus sexuels sur des mineurs ont été portés à la connaissance de ses supérieurs dès les années 1970, ceux-ci ont préféré le faire changer plusieurs fois de paroisse à l'intérieur de l'état de Californie, plutôt que de faire face au fléau de la pédophilie au sein du clergé catholique.

Critique de Tootpadu

Notre histoire personnelle d'attachement spirituel à l'église catholique est heureusement terminée depuis plus de dix ans. Mais des liens familiaux proches nous rappellent régulièrement, à quel point cette institution religieuse peut prendre une place prépondérante, voire écrasante, dans la vie quotidienne de ses fidèles. Alors qu'il nous paraît problématique de continuer à croire en certains préceptes de l'église, une fois qu'on a acquis une compréhension adulte du monde, de son fonctionnement et de ses dures réalités, le caractère archaïque et tyrannique de son fonctionnement nous a convaincus une fois pour toutes que l'église catholique est une construction d'hommes, qui se trouve désormais très loin de l'enseignement initial du Christ.
Même avec un tel recul, ce documentaire, nommé aux Oscars l'année passée, fait l'effet d'une bombe ! Que la pédophilie existe au sein de l'église catholique n'est pas nouveau, mais la façon émotionnellement très subtile avec laquelle la réalisatrice Amy Berg aborde ce sujet généralement tabou est profondément dévastatrice. Elle ne se soucie pas tellement de choisir son camp, tant le jugement moral tranche obligatoirement en faveur des victimes. Et elle ne procède pas non plus à un chantage émotionnel facile et artistiquement malhonnête. Non, son coup de maître réside incontestablement en l'inclusion d'Oliver O'Grady en personne, qui paraît se prêter plutôt volontairement à l'exercice. Le fait d'avoir enregistré ses propos, qui prennent une forme très curieuse et profondément inquiétante, à mi-chemin entre la confession et le témoignage détaché, donne au documentaire un ton, qui nous a mis considérablement mal à l'aise.
Par la franchise de ses réponses, qui analysent même avec lucidité les éléments qui déclenchent ses pulsions sexuelles, ce monstre coupable d'une multitude de crimes abjects, ce loup ravisseur en vêtements de brebis, nous dévoile tout le mal et la fourberie dont l'être humain est capable. Ce qui ne veut pas dire que ce prêtre se rend forcément compte du mal qu'il a fait et des conséquences que ses actes abominables continueront d'avoir, tant qu'un seul des enfants qu'il ait abusés vit sur terre. L'horreur est bien plus sournoise ! Elle peut prendre la forme de cet homme, qui aurait dû être brisé à vie par ce qu'il a fait, mais qui affiche une sérénité et un détachement haïssables, ou bien celle des familles des victimes et des rescapés eux-mêmes, qui souffrent en silence le trauma moral et physique qu'ils ont subi avec tant de violence, ou bien, en dernier ressort, celle de ces hauts dignitaires de l'église catholique, à travers toutes les strates de la hiérarchie, qui préfèrent un silence intéressé et embarassé - ce qui équivaut à une reconnaissance de culpabilité -, plutôt que d'attaquer le problème de fond.
L'impact émotionnel de ce documentaire exceptionnel est déjà tellement grand, qu'Amy Berg a exclu, en toute sagesse, le gâchis humain le plus cruel, qui accompagne sans doute ce fléau au sein de l'église catholique. Elle ne montre que les victimes qui s'en sont sorties d'une certaine façon, bien que leur existence ressemble à un champ de bataille qui ne connaîtra jamais la paix. Mais que dire de tous ces jeunes, qui ont préféré mettre fin à leurs jours, par peur et honte de devoir affronter le faux dilemme moral d'avoir été sexuellement abusés par un membre de l'église catholique ?

Vu le 22 février 2008, au Metro, en VO

Note de Tootpadu: