Révoltés de l'île du diable (Les)
Titre original: | Révoltés de l'île du diable (Les) |
Réalisateur: | Marius Holst |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 115 minutes |
Date: | 23 novembre 2011 |
Note: | |
En 1915, le jeune harponneur Erling est envoyé dans la maison de redressement pour adolescents délinquants ou démunis sur l’île norvégienne de Bastoy. Le directeur lui attribue le baraquement C, où ce meurtrier mineur apprendra à la dure le règlement draconien de cette institution gérée par le conseil scolaire et l’église protestante. Alors que C-19, comme Erling devra s’appeler désormais, se rebelle sans cesse contre les méthodes sadiques du surveillant Bräthen, il finit par se lier d’amitié avec C-1, un autre jeune qui devra mener à bien sa tâche de responsable de section, s’il veut obtenir prochainement la lettre de libération émise par le directeur.
Critique de Tootpadu
L’académisme formel le plus conventionnel et prévisible plane lourdement, presque comme une chape de plomb, sur ce film norvégien. En plus de l’histoire déjà pas toute fraîche sur de jeunes détenus qui se révoltent contre les méthodes gratuitement cruelles de leurs geôliers – qui ressemble à s’y méprendre et au contexte historique près à celle de films récents semblables comme Les Hauts murs de Christian Faure et Dog pound de Kim Chapiron –, le style narratif que lui confère le réalisateur Marius Holst paraît tout droit sorti du manuel des poncifs qui virent vers le pathétique. Les Révoltés de l’île du diable est ainsi un film tout à fait convenable d’un point de vue formel, qui souffre paradoxalement de cette même solidité de l’exécution, bien trop soignée et respectueuse de ce qui plaît à l’œil pour le sujet potentiellement polémique qu’elle est censée traiter.
Si ses personnages n’étaient pas investis d’une certaine ambiguïté morale, ce drame carcéral ne serait qu’un joli exercice de style, creux et vain comme le sont hélas souvent les co-productions européennes qui cherchent à se mesurer aux mastodontes américains. Alors que la situation de départ fort classique se serait aisément prêtée à un antagonisme primaire entre les difficultés d’insertion du protagoniste nouvellement arrivé sur l’île et le personnel encadrant engoncé dans une conception archaïque de l’éducation, le scénario ne tarde pas à soulever plutôt subtilement les failles de cette séparation manichéenne des camps.
Grâce à l’interprétation de Stellan Skarsgard, les bonnes intentions du directeur, qui prétend être un homme moralement irréprochable, sont vite relativisées par sa lâcheté et son incapacité de mener équitablement sa maison de redressement, où l’intérêt personnel prime sur le bien commun. Grâce à celle des jeunes comédiens Benjamin Helstad et Trond Nilssen, les pensionnaires involontaires n’apparaissent ni comme des brutes qui n’ont que leur entêtement et leur force physique pour s’en sortir, ni comme des esprits artificiellement précurseurs d’une conception abstraite de la liberté. Tout ce qu’ils veulent, c’est de s’en sortir le plus rapidement possible, selon des stratagèmes au début discordants, de ce purgatoire pour enfants mal élevés ou qui ont mal tourné. Enfin, le rôle le plus épineux du surveillant mesquin, qui serait a priori facilement détestable, préserve juste ce qu’il faut d’une faiblesse proprement humaine, entre l’alcoolisme et des pulsions pédophiles, pour le sauver d’une méchanceté grandiloquente.
En dépit de sa sagesse formelle carrément caricaturale, ce film dresse donc le portrait plutôt engageant d’une injustice sociale, qui n’existe certes plus de nos jours sous cette forme, mais qui doit nous rappeler à quel point il est préjudiciable pour l’individu de gâcher ses années formatrices à cause d’une répression aveugle.
Vu le 14 novembre 2011, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Tootpadu: