Town (The)

Town (The)
Titre original:Town (The)
Réalisateur:Ben Affleck
Sortie:Cinéma
Durée:125 minutes
Date:15 septembre 2010
Note:
Doug MacRay est le chef d’une bande de braqueurs, originaire de Charlestown, un quartier de Boston qui jouit d’une réputation peu flatteuse dans ce domaine. Suite au déclenchement de l’alarme silencieuse lors de leur dernier casse, un complice de Doug a pris la directrice de la banque Claire Keesey en otage. Sortie indemne de l’enlèvement, Claire en garde néanmoins des séquelles psychologiques. Pour s’assurer qu’elle ne dénoncera pas sa bande à la police, Doug la surveille et devient même son petit ami. Alors que l’étau tendu par les forces de l’ordre se resserre autour de Doug et ses hommes, ceux-ci tentent un dernier grand coup, qui devrait les mettre à l’abri pour longtemps.

Critique de Tootpadu

Dans son deuxième film, le réalisateur Ben Affleck reste fidèle au milieu populaire de Boston, qui avait déjà servi de toile de fond à sa première œuvre. Comme dans Gone baby gone, l’immersion dans une précarité sociale, qui est normalement bannie des écrans dans les productions hollywoodiennes, investies dans le projet idéologique de la préservation du rêve américain, sert de base très convaincante à une intrigue policière au rythme haletant. Dans ses moments les plus réussis, The Town arrive en effet à observer ses personnages moralement fautifs, sans se permettre le moindre jugement. Bien que la mise en scène de plus en plus assurée de Ben Affleck ait plutôt tendance à exagérer dans l’autre sens éthique – en procédant à une apologie problématique du crime, qui passe par une description pas dépourvue d’éléments héroïques du protagoniste et qui peut expliquer au moins partiellement le succès durable du film, perçu par des jeunes en manque de repères comme le nouveau Scarface ou un digne héritier des Affranchis –, en dépit donc de son point de vue passablement sympathique à l’égard des criminels, le film dispose d’un capital humain incontestable.
Toutes les séquences tonitruantes de braquages et de courses poursuites à travers les rues étroites de Boston constituent alors au mieux un contre-poids spectaculaire au volet plus intimiste du film. Car comme tout truand cinématographique qui se respecte, Doug MacRay a déjà dépassé le sommet de sa gloire de caïd. Il n’aspire alors plus qu’à sortir sereinement de l’engrenage de la violence, symbolisé par la tête brûlée James Coughlin. Que ce soit principalement son entourage malfaisant qui l’empêche avec insistance de tirer un trait sur son passé criminel, au lieu de quelques pulsions personnelles moins valorisantes, tel le goût du risque et la soif de l’interdit, ne compte pas vraiment parmi les points forts par lesquels le scénario ferait preuve d’originalité. Ce blanchiment un peu trop consensuel de la conscience du personnage principal culmine dans la fin désagréablement expéditive, qui veut sérieusement nous faire croire à un dénouement possible sous les palmiers de la Floride. Comme quoi Ben Affleck est encore loin de la sagesse d’un Brian De Palma, qui ne fournissait déjà plus pareil laissez-passer illusoire à son gangster obnubilé par le même état d’esprit que Doug MacRay dans L’Impasse.
Outre les qualités techniques à toute épreuve du film, contribuées surtout par l’équipe du chef opérateur et du monteur de There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson, avec un coup de main fourni par le monteur responsable de la trilogie Jason Bourne, la véritable petite sensation provient de l’interprétation de son réalisateur. Plus détendu et impliqué que dans ses films antérieurs, globalement décevants, Ben Affleck forme un duo explosif avec Jeremy Renner, qui joue son « frère » James Coughlin. Même si l’on peut lui reprocher qu’il s’est en quelque sorte donné lui-même le beau rôle, son personnage agit comme le centre imperturbable d’une intrigue policière peu audacieuse, mais diablement efficace.

Vu le 1er novembre 2010, à l’UGC Ciné Cité Bercy, Salle 24, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Rares sont les films qui s'imposent dès leur première vision comme une réussite exemplaire. Au même titre que Martin Scorsese et Woody Allen n'ont pas leur pareil pour filmer New York, Ben Affleck filme Boston pour la seconde fois, après Gone baby gone, avec une maitrise épurée.

Ce film sur la rédemption du membre d’une bande de braqueurs de banque nous renvoie au temps où de grands réalisateurs transcendaient le statut de simple film, pour nous livrer des fresques mémorables. Impossible de ne pas penser à Il était une fois en Amérique de Sergio Leone en regardant ce film. Certes, Ben Affleck sait qu'il n'a pas (encore) la carrure d'un Michael Mann ou d'un Christopher Nolan, mais certaines scènes de ce film sont d'une force qui vous agrippera et ne vous lâchera qu'à la dernière minute. Les scènes de braquage renvoient à la force de celles de Point Break, de Heat, et de The Dark knight Le Chevalier noir.

Mais ce film est surtout une histoire romantique entre deux êtres blessés. Doug MacRay (Ben Affleck), qui devait surveiller l'otage qu'il avait enlevée suite à un braquage de banque, va avoir des sentiments forts pour celle-ci. Ces deux êtres blessés vont alors s'aider et leur liaison va les sauver.

La ville de Boston n'avait jamais été aussi bien filmée et le fait que le film lui fait allusion n'est pas un hasard. C’est une ville tentaculaire, organisée par quartiers, dans les plus démunis desquels le braquage est un métier comme un autre, comme le signale si bien l'excellent générique d'introduction.

En signant ici son deuxième film, Ben Affleck s'affirme comme l'acteur-réalisateur le plus brillant depuis Clint Eastwood, d’une nouvelle génération. Le scénario qu'il signe ici comme sa réalisation méritent une nomination aux prochains Oscars. Après avoir signé dans le passé le scénario parfait de Will Hunting, il signe de nouveau un scénario talentueux et d'une lisibilité totale. De même, il a choisi les interprètes de son film avec soin et chacun d’entre eux donne naissance à des personnages plus vrais que nature.

La présence de Rebecca Hall comme interprète féminine principale montre que cette actrice mérite d'attirer toute mon attention. Le couple qu'elle forme avec Ben Affleck est l'un des plus émouvants que l'on ait pu voir depuis longtemps dans une salle obscure. En un regard, tout est dit.

Ce film est donc, après The Company men, celui de la consécration de Ben Affleck, pas seulement comme comédien, mais comme auteur. C’est surtout un film qui redonne sa noblesse au thriller américain. Un exercice de style réussi, une œuvre qui donne envie de lire le roman dont il s'inspire, un hymne à la rédemption. Et le plus bel hommage que l'on puisse rendre à la ville de Boston.

Chef-d'œuvre crépusculaire à l'état pur, à voir et à revoir.

Vu le ? septembre 2010, au Gaumont Disney Village, Salle ?, en VF

Note de Mulder: