Ghost writer (The)

Ghost writer (The)
Titre original:Ghost writer (The)
Réalisateur:Roman Polanski
Sortie:Cinéma
Durée:127 minutes
Date:03 mars 2010
Note:
Mike McAra, l'assistant fidèle de l'ancien premier ministre britannique Adam Lang, est retrouvé noyé, après avoir rédigé le premier jet de l'autobiographie de l'homme politique. Pour finir rapidement ce bestseller potentiel, les éditeurs font appel à un jeune auteur à succès. Celui-ci doit rejoindre Lang aux Etats-Unis et transformer ses souvenirs lénifiants en un ouvrage littéraire. Mais dès son arrivée sur l'île au large du Massachusetts où Lang a élu domicile, le "nègre" sent que quelque chose ne tourne pas rond dans cette affaire. Parallèlement à ses entretiens avec Lang, qui risque d'être visé par une enquête de la cour pénale internationale pour avoir permis l'enlèvement de quatre terroristes présumés, il essaye de se faire sa propre image de ce politicien vilipendé depuis peu.

Critique de Tootpadu

Traqué depuis des années, voire séquestré pendant la phase de post-production de ce thriller prenant, qui lui a valu l'Ours d'argent au dernier festival de Berlin, Roman Polanski n'a rien perdu de sa superbe formelle, alors qu'il a désormais atteint l'âge de la retraite. Peu importe ce que l'on peut penser de ses démêlés avec la justice américaine, qui jouent les prolongations, le réalisateur a accompli un nouveau coup de maître filmique avec The Ghost writer. Plus énigmatique que Frantic et plus ferme que La Neuvième porte, dont il reprend d'ailleurs le principe scénaristique de la quête d'une vérité sans cesse démentie, ce film sait instaurer une atmosphère de suspicion et de crainte, au moins aussi fascinante que le ton malsain de Shutter Island de Martin Scorsese, l'autre film majeur de la vieille garde hollywodienne en cette fin d'hiver.
Etrangement, c'est avec un candidat plutôt improbable que ce film-ci entretient le lien le plus étroit : Primary colors de Mike Nichols. Ces deux intrusions à peine fictives derrière les coulisses des hommes politiques, qui ont laissé leur empreinte dans l'Histoire récente des pays anglophones, respectivement Bill Clinton et Tony Blair, en dressent le portrait corrosif aux deux extrémités de leur vie publique. Le combat téméraire de l'un pour se faire élire malgré ses détracteurs, et le déclin pitoyable de l'autre, dépouillé de l'aura du pouvoir qui le rendait autrefois intouchable, ont cela en commun que les querelles conjugales et la vacuité politique des protagonistes en font les cibles idéales pour une démystification sans ménagement. Le point de vue extérieur par lequel passe chacun des récits, soit la caution morale facilement corrompue de la campagne électorale ou l'écrivain fantôme qui est censé polir seulement la surface d'une existence compromise, rapproche davantage ces deux films. Leur finalité dramatique ne pourrait par contre pas être plus différente l'une de l'autre, puisque là où Mike Nichols et sa scénariste Elaine May tentent avec plus ou moins de succès de tourner en dérision les mécanismes destructeurs de leur couple Clinton de pacotille, Roman Polanski et Robert Harris se servent de la tension entre Adam et Ruth Lang pour épaissir l'énigme de leur intrigue.
Les compositions du cadre somptueuses de Pawel Edelman, le montage imperceptible de Hervé De Luze, les thèmes musicaux magnifiquement subtils d'Alexandre Desplat, et surtout l'ensemble des interprétations, aussi crédibles dans les courtes apparitions de James Belushi et de Eli Wallach que dans les tours de force au féminin de Olivia Williams et de Kim Cattrall : ils concourent tous à la sublimation d'une histoire, qui, derrière un écran de fumée joliment mystérieux, élabore avec beaucoup de finesse les préoccupations, en termes esthétiques et moraux, de l'immense artiste cinématographique qu'est et que restera Roman Polanski.

Vu le 22 mai 2010, au Saint-Lazare Pasquier, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: