Crazy heart

Crazy heart
Titre original:Crazy heart
Réalisateur:Scott Cooper
Sortie:Cinéma
Durée:112 minutes
Date:03 mars 2010
Note:
A 57 ans, le chanteur de country légendaire Bad Blake ne remplit plus les salles depuis longtemps. Son agent réussit tout juste à lui organiser une tournée à travers les bars et les bowlings du sud des Etats-Unis, où Bad enthousiasme la poignée de ses fans inconditionnels avec un répertoire de chansons inchangé depuis des lustres. A Santa Fe, Bad est interrogé par la jeune journaliste Jean Craddock, dont il tombe amoureux. En plus, il aura la première occasion depuis longtemps de se produire devant des milliers de spectateurs, en ouvrant le concert de la vedette Tommy Sweet, jadis son élève. Alors que le corps fatigué du vieux chanteur alcoolique commence à céder, Blake reprend goût à la vie.

Critique de Tootpadu

La carrière de Jeff Bridges est aussi longue qu'inégale. Pour se convaincre du contraste entre la qualité et la quantité au sein de la filmographie de cet acteur néanmoins remarquable, il suffit de comparer deux de ses dernières interprétations : dans le très médiocre The Open road et dans ce film-ci. Alors que son jeu est d'un ennui lénifiant dans le premier, le second lui vaudra en toute légitimité le sacre hollywoodien suprème, sous la forme de l'Oscar du Meilleur acteur. Curieusement, les deux rôles sont assez semblables, puisqu'il s'agit dans les deux cas d'une vedette vieillissante avec de sérieux problèmes familiaux. Et si l'on devait chercher le secret de cet éveil artistique fulminant de Jeff Bridges du côté de la mise en scène, après tout le facteur décisif dans la réussite ou l'échec d'un film ?
Le premier film de Scott Cooper n'est certes pas l'oeuvre d'un visionnaire instantané qu'il faudra surveiller de près à l'avenir. Mais Crazy heart est quelque chose de presque aussi gratifiant : un très beau film sur le déclin et la difficile rédemption d'une vedette d'antan. Les similitudes avec The Wrestler de Darren Aronofsky, notre coup de coeur comparable de l'année dernière, sont évidemment frappantes. Là où le dernier sursaut de Randy Robinson était cru et désespéré, au point de tourner au suicide héroïque, le retour sur le devant de la scène en termes artistiques et vitaux de Bad Blake est par contre empreint d'une mélancolie douce-amère au moins aussi irrésistible. Scott Cooper accompagne son protagoniste avec une sympathie indéniable, mais également avec une lucidité très appréciable, qui ne se fait guère d'illusions sur la précarité de cette prise de conscience tardive. Dépourvue du moindre faux pas narratif ou formel - ce qui est suffisamment rare dans un premier film pour être souligné -, sa mise en scène conte avec une assurance bluffante les hauts et les bas d'une fin de carrière ni complètement pitoyable, ni révérencieuse.
Ce qui nous ramène à Jeff Bridges et son tour de force impressionnant. Cela ne veut pas du tout dire que Bad Blake soit le seul personnage digne d'intérêt. Si notre fascination est telle pour ce personnage emblématique, nous le devons cependant au moins autant aux rôles secondaires très solides, joués sans prétention par Maggie Gyllenhaal, Robert Duvall, et Colin Farrell, tous exceptionnels. Néanmoins, Crazy heart est un testament magnifique au talent de Jeff Bridges, que nous n'avons peut-être jamais vu aussi impliqué dans un rôle qu'ici, où il brille autant par sa fragilité et sa nonchalance, que par ses capacités vocales, mises en valeur tout au long de la bande originale vigoureuse.

Vu le 9 février 2010, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: