In the air

In the air
Titre original:In the air
Réalisateur:Jason Reitman
Sortie:Cinéma
Durée:109 minutes
Date:27 janvier 2010
Note:
Ryan Bingham voyage plus de dix mois par an à travers les Etats-Unis, en sa capacité de spécialiste du licenciement économique. Il se sent chez lui à bord des avions ou dans les hôtels, où il bénéficie du traîtement privilégié réservé aux clients fidèles. Sa vie de célibataire endurci est épicée par quelques rencontres passagères, comme avec Alex Goran, une femme aussi peu sédentaire que lui. Toutefois, la belle vie de Ryan risque de connaître un arrêt brutal, lorsque son patron met en avant le projet de la jeune Natalie Keener, qui vise à réduire les coûts grâce à l'entretien de licenciement par ordinateur. Pour ce qui sera sans doute sa dernière tournée, Ryan est obligé de prendre Natalie avec lui, afin de lui apprendre le métier sur le terrain.

Critique de Tootpadu

Le cynisme selon Alexander Payne a fait des émules. En effet, ce n'est pas depuis Sideways que nous avons vu un film qui traite avec autant de sadisme ses personnages. Le portrait au vitriol d'un homme bien dans l'air du temps, c'est-à-dire irresponsable, immature et égoïste, ne paraît poursuivre d'autre but que de se délecter du malaise existentiel qui caractérise la vie de Ryan Bingham. Le ton condescendant du troisième film de Jason Reitman ne laisse planer aucun doute sur une éventuelle rédemption sociale du protagoniste. Pourtant, ce dernier fait de son mieux pour accompagner sa prise de conscience de quelques actes de bonne volonté, le tout pour se retrouver encore plus seul et désabusé qu'au début du film.
Le générique de In the air et les plans en vol d'oiseau qui rythment sommairement le récit par le biais des différentes villes américaines que le héros tragique traverse, auraient dû nous mettre la puce à l'oreille. Car Jason Reitman s'applique une fois de plus, après le tout aussi distancié Juno, à disséquer sans états d'âme les travers du quotidien de ses personnages. La courbe dramatique, qui emmène Ryan Bingham de son confort ringard vers un sursaut d'implication sentimentale, juste pour lui permettre de se rendre compte que dans son monde de vacuité, il est condamné à rester seul, fait preuve d'un dédain considérable de la part de Jason Reitman à l'égard de son personnage principal, ou tout au moins envers le style de vie sans attaches que celui-ci a choisi. La leçon morale que l'on pourrait tirer de cette histoire n'a strictement rien d'édifiant, puisque le scénario s'emploie avant tout à souligner les barrières sociales et émotionnelles qui enferment Ryan Bingham à perpétuité dans sa cellule d'un individualisme au luxe factice.
Que ce film touche avec autant de précision un nerf de désapprobation chez nous, jusqu'à devenir le premier film depuis très longtemps, depuis La Vie de bohème d'Aki Kaurismäki pour être exact, à nous déprimer au point de nous donner envie de nous tirer une balle dans la tête, est probablement dû au fait qu'il nous tend la glace pour nous montrer un reflet assez proche de notre propre philosophie de vie, forcément perfectible. Sauf que le cinéma a depuis toujours été pour nous un moyen pour nous tirer de la morosité ambiante de la vie réelle, une échappatoire autant qu'une paranthèse. Se moquer superficiellement de la vanité de notre civilisation, qui promeut autant l'individualisme que la poursuite de buts inutiles (l'acquisition d'une carte exclusive de membre, par exemple), n'a alors de la valeur pour nous, que si cette attitude dédaigneuse nous donne l'opportunité d'apprendre de nos erreurs, de préférence d'une manière lucide et durable. Ce qui n'est de toute évidence pas le cas ici, puisque l'humanité dépeinte à l'écran est tout aussi vaine, ringarde et déplorable que le public dans la salle.
La seule véritable source de réconfort dans ce contexte lugubre est la présence rayonnante de Vera Farmiga. Bien que son personnage doive subir tôt ou tard un revirement assez prévisible, Alex Goran est en quelque sorte le double plus avisé de Ryan Bingham - d'où leur complicité visible -, qui ne se laisse pas berner comme ce dernier par les illusions romantiques qu'inspire potentiellement leur relation ouverte. En comparaison, George Clooney dans le rôle de l'éternel charmeur et Anna Kendrick dans celui de la jeune arriviste coincée font presque pâle figure.

Vu le 4 février 2010, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 15, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Jason Reitman serait-il, comme Michael Moore, un expert dans l'analyse des travers de l'Amérique de notre temps ? Il avait déjà attiré mon attention avec le sulfureux Thank you for smoking en 2004. La force de ses films provient essentiellement du fait qu'ils traitent de sujets graves, mais avec une ironie jubilatoire.

In the air ne déroge pas à la règle et nous décrit les déboires d'un cadre, employé pour licencier dans de grands groupes des salariés. Ryan Bingham a dévoué sa vie à son travail, qu'il fait avec une précision pointue. La scène montrant ce que doit être et contenir une valise de vrp est un pur moment de jubilation. Ce personnage - et on le comprend - apprécie son travail, car il lui permet de voyager à travers tous les pays, au point de dépasser la distance terre lune. Ses déplacements vont l'emmener à rencontrer Alex Goran, une femme qui va le pousser à voir sa vie autrement. Il va devoir aussi travailler, contre sa volonté, avec une jeune collègue, tout fraîchement sortie de ses études et souhaitant révolutionner ses méthodes de travail (licencier un employé par écran interposé, une idée qui se révélera mauvaise en soi).

Jason Reitman a l'art de décrire les petits travers de notre société et surtout de décrire des personnages attachants, malgré un travail assez abject. Il décrit dans ce film le monde de l'entreprise et s'attache surtout au fait que licencier une personne n'est pas une chose que les entreprises apprécient de faire. Dans cet univers, chaque employé est vu comme une donnée que l'on peut effacer à sa guise. Certes, comme le montre ce film, certains licenciements peuvent avoir de lourdes conséquences. Il convient donc de faire appel à de véritables experts. Ryan Bingham connait parfaitement son métier et le fait en analysant les dossiers des personnes qu'il doit rencontrer. Contrairement à lui, Natalie Keener n'arrive pas à analyser suffisamment la situation. Malgré sa volonté de révolutionner le système, elle n'arrivera pas à ses fins.

In the air est aussi un film qui nous incite à nous interroger sur l'importance qu'occupe notre travail dans notre vie. Si Ryan Bingham n'a pas de vie sociale, c’est parce qu'il ne tient pas à devoir s'attacher, car cela l'empêcherait de faire son travail dans des conditions optimales. Le fait qu'il voyage constamment lui permet d'éviter toute relation durable. Ce film fera donc s'interroger les spectateurs sur les choses qu'ils trouvent les plus importantes dans leur vie.

La force du cinéma de Jason Reitman vient du fait que ce réalisateur contrôle parfaitement son film et réussit à faire exister ses personnages et à leur donner de l'épaisseur. Les six nominations aux Oscars que ce film a obtenues sont amplement méritées. A plusieurs reprises, le film me rappelle le très réussi Will Hunting.

Je ne saurais trop vous conseiller ce film, si vous appréciez les films d'auteur et les films reposant sur un scénario solide et une interprétation puissante. Le fait de retrouver George Clooney dans un excellent film est un plaisir, que je ne saurais me refuser.

Vu le 6 février 2010, au Gaumont Disney Village, Salle 8, en VF

Note de Mulder: