Coco Chanel et Igor Stravinsky

Coco Chanel et Igor Stravinsky
Titre original:Coco Chanel et Igor Stravinsky
Réalisateur:Jan Kounen
Sortie:Cinéma
Durée:119 minutes
Date:30 décembre 2009
Note:
En 1913, Coco Chanel découvre "Le Sacre du Printemps" d'Igor Stravinsky, au cours de sa première houleuse au Théâtre des Champs-Elysées, en présence du compositeur. Sept ans plus tard, elle croise à nouveau Stravinsky à Paris. Entre-temps, l'amant de Chanel s'est tué dans un accident de la route et l'artiste russe et sa famille ont dû fuir leur patrie à cause de la révolution bolchevique. La créatrice de mode propose alors à Stravinsky de s'installer avec les siens dans sa maison de campagne à Garches. D'abord satisfait de ce changement d'air, bénéfique surtout pour sa femme souffrante, le compositeur vit rapidement une relation passionnelle avec Chanel, qui se déroule selon les termes fixés par cette femme indépendante et moderne.

Critique de Tootpadu

Pour quiconque est vaguement familier de l'œuvre de Jan Kounen, il n'est nullement un secret que le réalisateur s'intéresse aux expériences psychédéliques et autres trips hallucinants. Du côté documentaire de son travail, sa quête artistique et anthropologique de l'état second l'a mené de l'Amazonie jusqu'en Inde. Dans la fiction, le fil rouge de la conception d'une réalité parallèle se retrouve en filigrane, même dans l'adaptation serviable du bestseller de Frédéric Beigbeder qu'a été 99 F. Retrouver Jan Kounen face à un sujet a priori très loin de ses préoccupations habituelles n'a alors rien de choquant, puisqu'il sait l'intégrer subtilement dans sa philosophie cinématographique personnelle.
L'action de ce deuxième film en moins d'un an sur la vie de l'icône de la mode française reprend pratiquement là où le premier, l'infiniment plus académique Coco avant Chanel d'Anne Fontaine, s'était arrêté. La reprise du flambeau n'aurait cependant pas pu être plus différente. Il ne s'agit désormais plus de conter sagement les balbutiements de la carrière de Coco Chanel, mais d'imaginer assez librement les circonstances de son affaire avec Igor Stravinsky, un artiste de la même démesure qu'elle. Les motifs du générique donnent ainsi le ton pour une approche plus en phase avec les préoccupations esthétiques du réalisateur, qu'avec une narration linéaire des faits à but purement informatif. Vous n'apprendrez probablement rien de nouveau sur Coco Chanel à travers ce film, à l'exception de quelques détails sur la création de son parfum emblématique, pour lequel l'autre Coco, Audrey Tautou, fait comme par hasard une publicité langoureuse en ce moment. Cette pauvreté du contenu biographique n'a cependant guère d'importance, puisque Jan Kounen a conçu son film selon des objectifs plus abstraits.
Une fois que le point d'orgue dramatique de Coco Chanel & Igor Stravinsky est évacué précocement au début du film, à travers la mise en scène grandiose de la présentation conspuée de l'œuvre incomprise du compositeur russe, la narration suit un cheminement d'une sensibilité clairement plus instinctive. Le jeu d'attirance et de rejet entre les deux amants s'exprime alors par le biais de regards ou d'un montage astucieux, au lieu des longues effusions verbales de sentiments qui sont la norme dans ce genre de film. La passion passagère qui lie les deux artistes de renom se consume avec une impétuosité, qui présage une fin de leur relation aussi abrupte que son début. Le style filmique élégant et quasiment éthéré de Jan Kounen ne s'encombre qu'accessoirement avec les considérations sociales qui rentreraient en compte pour expliquer les causes de l'échec de la romance. Son récit préfère nous proposer une expérience presqu'enivrante, à force de privilégier l'éveil des sens, à celui de la conscience.
Enfin, bien qu'elle ne soit nommée au générique qu'en deuxième position, Anna Mouglalis irradie l'écran avec son interprétation d'une Coco Chanel incomparablement plus mûre et confiante que ne l'a été la débutante hésitante sous les traits d'Audrey Tautou. Bien sûr, c'est le rôle qui exige une telle complexité à ce stade de la vie du personnage principal. Mais contrairement à la prestation très convenable de Tautou, Mouglalis sait réellement donner chair au côté moins flatteur de Coco Chanel. Face à elle, Mads Mikkelsen doit se contenter d'intérioriser les tourments de son âme de mari infidèle.

Vu le 2 novembre 2009, à l'Elysées Biarritz, en VO

Note de Tootpadu: