Roi de l'évasion (Le)

Roi de l'évasion (Le)
Titre original:Roi de l'évasion (Le)
Réalisateur:Alain Guiraudie
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:15 juillet 2009
Note:
Dans le Tarn, le vendeur de matériel agricole Armand Lacourtade est en pleine crise de la quarantaine. Il cherche toujours l'homme de sa vie, de préférence célibataire, et il préfère roupiller pendant ses heures de travail, plutôt que de conseiller les paysans sur la couleur de leur tracteur. Un soir, il défend la jeune Curly, la fille d'un concurrent, contre un groupe de jeunes agresseurs. Pour le remercier, Curly se met en tête de séduire Armand, peu importe l'opposition de ses parents. Contre toute attente, Armand aurait plutôt tendance à céder aux avances de la jeune femme, à l'antipode des vieillards qui le font fantasmer d'habitude.

Critique de Tootpadu

Contrairement aux apparences, suscitées par la photo omniprésente sur le matériel promotionnel, qui montre Curly et Armand en fuite dans un ruisseau, ce film n'est pas un thriller haletant dans lequel des promeneurs insouciants doivent se débattre dans un milieu sauvage contre des agresseurs qui ne le sont pas moins, comme dans le récent Vertige d'Abel Ferry, par exemple. Et ce n'est pas non plus un film sur les taulards qui se font la malle, puisque l'évasion du titre se refère à la fâcheuse habitude du protagoniste d'éluder les responsabilités et les décisions pernicieuses. A la limite, on pourrait vaguement rapprocher Le Roi de l'évasion de Sois sage de Juliette Garcias, par le motif de l'affiche et une prédilection pour la subversion à la campagne. Mais au fond, c'est un film étroitement lié à l'univers particulier d'Alain Guiraudie, qui nous revient plutôt en forme, après une baisse de régime passagère avec son film précédent.
Le réalisateur explore avec la même désinvolture narrative et formelle, qui nous avait tant fait aimer Ce vieux rêve qui bouge et Pas de repos pour les braves, le monde rural et l'homosexualité hors des sentiers battus. Ce n'est que chez Guiraudie qu'on trouve à la fois un tel désir pour les gros, les vieux et les moches, et une telle banalisation idéaliste de l'amour des hommes pour les hommes, qui devient comme par miracle presque la norme. Une fois de plus, le réalisateur fait de ses goûts marginaux quelque chose d'ordinaire et de beau, sans se soucier outre mesure de la bienséance.
Le ton enjoué du film sauve ainsi l'histoire improbable d'une jeune fille qui tombe amoureuse d'un homo vieillissant de toute vulgarité. Le point de vue d'Alain Guiraudie privilégie en fait une observation narquoise de l'action, laissant autant d'espace aux rencontres impromptues qu'aux commentaires malicieux sur le monde dans lequel nous vivons, voué à la recherche inlassable du plaisir. Seul le coup un peu trop convenu de la parenthèse onirique relativise alors notre plaisir, face à ce film particulier, qui voit l'humanité à travers des lunettes roses-grisonnantes.
Ce n'est sans doute pas un film à mettre devant tout le monde. Mais à condition de se laisser porter par son ton au carrefour entre la comédie et le drame, le tout sur fond d'un univers gay autrement absent des écrans, il constitue un divertissement plutôt jouissif.

Vu le 18 juin 2009, au Club Marbeuf

Note de Tootpadu: