Pleasure of Being Robbed (The)

Pleasure of Being Robbed (The)
Titre original:Pleasure of Being Robbed (The)
Réalisateur:Joshua Safdie
Sortie:Cinéma
Durée:68 minutes
Date:29 avril 2009
Note:
Eléonore vole tout ce qu'elle peut. Elle se promène dans les rues de New York, toujours à l'affût d'un sac mal surveillé ou d'une marchandise facile à subtiliser. Un soir, elle est à la recherche de la voiture qui va avec les clés qu'elle a trouvées dans un sac pris dans un bar. Elle croise Josh, une vague connaissance, qui lui apprend à conduire, en échange d'une virée nocturne à Boston.

Critique de Tootpadu

Quelque part entre le pendant féminin de Keith dans Frownland de Ronald Bronstein, par sa marginalité, et Poppy dans Be happy de Mike Leigh, par sa façon très particulière de concevoir sa vie, le personnage principal de ce premier film, présenté l'année passée à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, appartient à ces héroïnes atypiques du cinéma indépendant comme on les aime. Eléonore évolue dans un monde parallèle, en décalage permanent avec les règles morales et légales qui s'appliquent à peu près à tout le monde qui veut bien les respecter pour assurer le fonctionnement, imparfait certes, de notre civilisation. Bien plus qu'un de ces individus qui se font remarquer dans la rue à cause de leurs troubles comportementaux, elle se trouve dans un état d'insouciance, qui ressemble pourtant à une léthargie émotionnelle préoccupante.
Eléonore n'est ni un enfant, ni tout à fait adulte. Elle prend ce qu'elle peut sans méchanceté, mais néanmoins selon un mode opératoire digne d'un prédateur urbain. Incapable de la moindre agressivité, ne serait-ce que pour atténuer le bruit d'un voisin qui fait ses exercices de trompette sous sa fenêtre, elle est plutôt animée par une curiosité débordante et une insouciance, qui ne se préoccupent point de la nature condamnable de ses actes. Il serait en effet difficile de considérer son style de vie comme parasitaire. Pas parce qu'elle rendrait quoique ce soit à la société pour tous les vols qu'elle commet, mais parce qu'elle ne montre aucun signe de prise de conscience ou de remords face aux délits. On ne la voit jamais se réjouir du tort qu'elle a indirectement infligé à ses victimes. Néanmoins, elle procède d'une manière si méthodique pour accaparer ce qui ne lui appartient pas, faisant systématiquement preuve d'une ingéniosité et d'une impertinence qui remplacent efficacement le recours à la violence, que son butin ne peut pas lui paraître comme une bénédiction de la providence.
En dehors de la description très réaliste d'un contexte urbain pas si défavorisé que cela, c'est par ce dilemme moral, auquel nous confronte Eléonore, que The Pleasure of Being Robbed nous fascine. Sa précarité et son attitude téméraire contrastent ainsi constamment avec son comportement imprévisible. Elle ne se moque pas ouvertement des gens qu'elle rencontre, mais en même temps, le moindre de ses gestes est un pied de nez probablement inconscient à l'édifice social sur lequel reposent la plupart des rapports humains. Au fond, Eléonore est une contradiction ambulante, entre l'honnêteté avec laquelle elle s'exprime, et sa raison d'être, qui a mis une kleptomanie lucide à la place d'une compréhension vraiment éclairée et décalée de l'interaction humaine.
Fidèle au style minimaliste du cinéma américain indépendant, le réalisateur Joshua Safdie se contente le plus souvent de suivre Eléonore dans son quotidien faussement embelli par le crime. Son unique véritable faux pas survient vers la fin, avec la séquence onirique de l'ours polaire artificiel, qui sort assez maladroitement Eléonore d'une perception déjà très personnelle de la réalité, pour l'emmener vers un pays imaginaire, qui trahit en quelque sorte la dureté du ton de ce premier film remarquable.

Vu le 16 avril 2009, au Club Publicis, en VO

Note de Tootpadu: