Frownland

Frownland
Titre original:Frownland
Réalisateur:Ronald Bronstein
Sortie:Cinéma
Durée:106 minutes
Date:17 septembre 2008
Note:
Keith habite dans un petit appartement dans le Queens, à New York, en colocation avec Charles, un jeune musicien débutant. Keith travaille en faisant du porte-à-porte pour vendre des coupons de réduction à vocation caritative. Keith n'a que très peu d'amis : Laura, une jeune fille déprimée, et Sandy, las de ses sollicitations. Keith n'arrive guère à s'exprimer, il est le prisonnier de traumatismes enfantins et d'une condition sociale humiliante.

Entretien avec le réalisateur Ronald Bronstein

Critique de Tootpadu

Quel coup de fouet salutaire que ce film américain, indépendant de chez indépendant, qui suit le quotidien terrifiant d'un homme enfermé dans les abîmes de sa psychologie ! Tel le digne héritier de Travis Bickle, le personnage mythique du Taxi driver de Martin Scorsese, Keith arpente les rues d'une ville hostile, sale et bruyante, sans y trouver la moindre attache, capable de canaliser tant soit peu son agitation mentale et physique. Ce personnage est une bombe à retardement, le fruit désolant et inquiétant d'une vie citadine impersonnelle et impitoyable. Alors qu'on fuirait un tel homme à toute vitesse et sans hésitation dans la vie réelle, son portrait filmique est des plus bouleversants.
Ronald Bronstein sait en effet rendre Keith immédiatement attachant. La première séquence établit la tension de façon exemplaire, même si l'on n'en sait rien de précis encore sur cet anti-héros parfait. Sa façon de chercher des mots pour finalement ne rien dire, sa tentative aussi maladroite que comique de provoquer quelques larmes de sympathie et son incapacité d'être cohérent en dehors de son environnement professionnel, ne serait-il évoqué que par un jeu de chaussettes, tous ces défauts de caractère et de comportement, qui seront exacerbés progressivement par la suite, rendent le personnage faillible et misérable, certes, mais aussi profondément intéressant. Keith est un individu en train de basculer sur la dernière marche de l'échelle sociale. Il se bat pour garder un lien avec les autres, mais face à l'indifférence générale, il ne lui reste plus qu'à sombrer dans une folie, que l'on devine plus ou moins funeste.
Le tour de force de Dore Mann dans ce rôle délicat est simplement impressionnant. Derrière une façade de tics nerveux et de tournures verbales nébuleuses, il laisse transparaître une humanité torturée des plus éprouvantes. Autant son agressivité névrosée devrait nous repousser, autant le jeu très fin de Mann apporte une complexité réelle à ce personnage tragique. Et puis, Keith peut tout aussi bien être compris comme la victime d'une vie urbaine cruelle et froide, qui ne fait pas de quartier, ni aux plus faibles, comme Keith, ni à ceux qui se croient au-dessus de ces catastrophes humaines ambulantes. Le colocataire de Keith, Charles, appartient visiblement à ce groupe, puisqu'il transmet les humiliations qu'il subit dans sa vie quotidienne, en quête d'un boulot pour pouvoir payer le loyer et l'électricité, à celui qui ne sait pas s'exprimer d'une manière aussi prétentieuse que lui.
La relève du cinéma new yorkais brut et indépendant, dans la forme et le fond, est indubitablement assurée, avec ce film magistral, dans la plus pure tradition de John Cassavetes ou d'Amos Kollek !
Quitte à passer pour un puriste, nous trouvons le non-respect des formats de projection (du 1.85 ici au lieu du 1.66 d'origine), autant dans les salles privées que commerciales, toujours aussi honteux !

Vu le 20 août 2008, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: