
Titre original: | Mist (The) |
Réalisateur: | Frank Darabont |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 126 minutes |
Date: | 27 février 2008 |
Note: | |
Le lendemain d'une tempête violente, qui a déraciné de nombreux arbres dans son jardin et endommagé son atelier, l'artiste David Drayton se rend au centre-ville de la petite commune du Maine où il habite, pour acheter les provisions nécessaires jusqu'au rétablissement du courant. Alors qu'il attend avec son fils à la caisse du supermarché local, un brouillard étrange, venu des montagnes, enveloppe la ville entière. En proie à la panique, les clients du supermarché doivent vite se rendre compte que quelque chose d'inquiétant se cache dans la brume et qu'une mort certaine les attend à l'extérieur.
Critique de Tootpadu
Le cinéma hollywoodien dans sa forme la plus commerciale fait depuis très longtemps confiance aux héros. Les véritables vaisseaux d'un optimisme foncièrement fictif, ces hommes exemplaires arrivent presque toujours à s'en sortir, quitte à abuser des dispositions peu crédibles du sort, qui garantissent coûte que coûte une fin heureuse. Tandis que cette frénésie d'une conclusion rassurante et édifiante était la règle dans les films anciens, elle a préservé son autorité jusqu'à nos jours, bien qu'elle opère désormais sans valeur idéologique ajoutée, autre que la promotion du style de vie le plus aseptisé possible du XXIème siècle.
Dans un tel contexte de vacuité scénaristique et de standard ennuyeusement prévisible, cette adaptation d'une nouvelle de Stephen King fait l'effet d'une bombe ! Certes, elle se situe toujours du côté de l'accumulation de références au genre. Dès l'affiche de La Chose de John Carpenter au début, le ton est donné et les citations ne cessent jamais, peu importe qu'elles se réfèrent aux Oiseaux de Hitchcock, à Zombie de George A. Romero ou à Jurassic Park de Steven Spielberg. Le recours régulier à l'histoire du genre ne sert cependant ici qu'à renforcer l'intensité dramatique et à renouer avec un sérieux, qui est à peine miné par des effets spéciaux pas optimaux.
La révélation principale de ce film d'horreur exceptionnel est son analyse sans concessions de la désintégration du noyau social. En temps de crise, les considérations civilisées passent en effet vite à la trappe, pour laisser la place à des formes de fanatisme ou de panique inquiétantes. Le héroïsme réfléchi de David Drayton se transforme ainsi très rapidement en une lutte plutôt égoïste pour la survie, sous le poids de pressions aussi menaçantes de l'intérieur que de l'extérieur. A y regarder de près, le protagoniste est un homme marqué par l'échec dans toutes ses entreprises, à commencer par son dessin très kitsch d'une affiche de cinéma, qui trouve une fin précoce amplement méritée, lorsque l'arbre fracasse l'atelier.
Ce goût pour le pessimisme se poursuit tout au long du film. Le scénario paraît en effet particulièrement enclin à privilégier le choix le plus néfaste, chaque fois qu'il s'agit de diriger le récit vers une courbe ascendante ou descendante. Le courage de ne jamais céder à la facilité consensuelle, mais d'admettre plutôt que la situation paraît inextricable et que l'action la plus désabusée s'impose par conséquent, gagne ses lettres de noblesse lors de la fin, particulièrement éprouvante, et grâce à une critique sans fard du fanatisme religieux. Le personnage de Mme Carmody, une illuminée interprétée magistralement par Marcia Gay Harden, se fait ainsi l'agent inquiétant d'un état d'esprit exacerbé ici, mais qui est néanmoins assez répandu dans certaines régions des Etats-Unis.
Vu le 11 février 2008, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Tootpadu:
Critique de Mulder
Peut-on de nos jours faire de bons thrillers fantastiques ? Peut-on encore adapter de façon magistrale des films basés sur des romans et nouvelles de Stephen King, selon moi le meilleur écrivain américain encore en vie ?
Des films comme Dead Zone (David Cronenberg), Shining (Stanley Kubrick), Misery (Rob Reiner), Les Evadés (Frank Darabont) et Chambre 1408 (Mikaël Hafstrom) sont restés gravés dans nos mémoires comme de très fortes adaptations du maître de l'horreur. The Mist est à rajouter à cette liste. Rares sont les films aussi prenants, qui nous laissent pas le temps de respirer et nous plongent dans l'horreur pure. Car le film nous fait réfléchir sur la nature et la bonté de l'homme en nous demandant, où les véritables monstres se trouvent, en dehors du supermarché dans le brouillard ou dedans. Le scénario que nous voyons défiler devant nos yeux sert de base à cet excellent film. C’est l'un des plus travaillés que nous avons pu voir dernièrement sur nos écrans.
De plus, The Mist réussit à nous tenir en haleine, malgré le fait que la plupart du temps l’action se passe dans un lieu unique, et à éviter le piège d'une mise en scène monolithique, du genre d’un film adapté d’une pièce de théâtre. Force est de constater que Frank Darabont est non seulement un excellent producteur exécutif (Collateral de Michael Mann), et scénariste (mais depuis Frankenstein de Kenneth Branagh on le savait), mais qu’il réussit aussi à faire, de film en film, d'énormes progrès de réalisation et à corriger ses tics de The Majestic.
On remarquera que le réalisateur connaît son abécédaire de Stephen King sur le bout des doigts : on peut ainsi voir David, le héros, dessiner un personnage de la série « Dark Tower ». Le film fait aussi référence à d'autres œuvres comme le fait Stephen King, tels La Chose de John Carpenter (une affiche) et à Hellboy (un comics).
La fin du film est aussi l’une des plus réussies et traumatisantes que nous avons pu voir depuis très longtemps au cinéma. Elle restera longtemps gravé dans nos mémoires de cinéphiles et nous serons à jamais reconnaissants de l’audace finale de ce réalisateur.
Malgré le budget limité dont a bénéficié Frank Darabont, on notera que son énorme talent et ingéniosité nous permettent d’assister à la création d’un véritable bestiaire de monstres nouveaux et réussissant à nous donner la chair de poule là ou beaucoup de films d’horreur nous font plutôt pitié, voire rigoler. Le dossier de presse nous présente certains propos du réalisateur, qui montre tout au long du film qu’il a du mal à croire en la bonté de l’espèce humaine. Nous sentons bien qu’à travers la personne de David Drayton, ce sont ses propres propos qu’il sème tout au long de cet excellent film.
Nous attendons donc avec impatience son remake de Fahrenheit 451 et sa nouvelle adaptation d’un roman de Stephen King The Long Walk.
Vu le 30 janvier 2008, au Club de l’Etoile, en VO
Note de Mulder: