Indigènes

Indigènes
Titre original:Indigènes
Réalisateur:Rachid Bouchareb
Sortie:Cinéma
Durée:123 minutes
Date:27 septembre 2006
Note:
En 1943, des milliers d'hommes sont récrutés dans les pays maghrébins afin de libérer la patrie française. Toujours en première ligne et jamais traités comme leurs frères d'armes français, ces héros de guerre combattront vaillamment en Italie, en Provence et dans les Vosges.

Critique de Tootpadu

Indigènes, couronné à Cannes avec le prix d'interprétation masculine pour ses cinq acteurs principaux, fait partie de ces films pour lesquels il est très difficile de dissocier le sujet chargé très lourdement en termes sociaux, historiques et raciaux des qualités intrinsèques de l'oeuvre cinématographique. Tous nos confrères des médias généralistes semblent en effet vouloir s'accrocher à tout prix à ce film important et significatif pour la France en mal d'insertion et bon nombre de spectateurs vont se reconnaître, à travers des origines plus ou moins immédiates, dans le destin de ces libérateurs volontairement oubliés. Au fond, il n'y a rien de mal à cet empressement d'identification avec une cause juste, à condition qu'elle ne mette pas son vaisseau sur un piédestal qui ne lui revient pas.
Si le film de Rachid Bouchareb revient sur une page de l'histoire française plutôt mal aimée, car embarrassante, il n'est pas pour autant le premier à se pencher sur le sort honteux des habitants des anciennes colonies sacrifiés par une France raciste. Le Camp de Thiaroye d'Ousmane Sembene fait figure d'épilogue tragique aux événements déjà peu reluisants de ce film-ci, et Vivre au paradis de Bourlem Guerdjou traitait il y a sept ans de la galère des immigrés maghrébins dans la France des années 1960 d'une façon aussi poignante, mais sans le battage médiatique qui va certainement accompagner Indigènes.
La responsabilité que le film porte, le réalisateur en semble un peu trop conscient. Avec beaucoup de sérieux, il s'emploie à balayer la poussière des pages jaunies des manuels d'histoire (cf. l'effet de colorisation des plans d'introduction géographique) et à montrer l'injustice permanente qu'ont dû subir les soldats indigènes. Son film se laisse alors parfois écraser par un excès de noblesse et par une insistance tendancieuse à attribuer le rôle de victime aux héros ignorés. Mais la plupart du temps, le film fait preuve d'une sobriété remarquable qui transmet son message par des symboles pertinents.
Hélas, les choses se gâtent sérieusement au cours du dernier acte, lorsque les survivants de l'unité se retrouvent seuls à défendre un village alsacien. L'impression de déjà-vu est très fort pour quiconque a regardé Les Enfants du pays plus tôt cette année. Mais cette ressemblance n'est de loin pas aussi gênante que celle avec les plus médiocres éléments d'Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg vers la fin du film, qui se termine, comme il se doit pour ce genre de pamphlet, avec un texte accusateur par rapport aux omissions du gouvernement français.
Enfin, l'interprétation reste tout à fait remarquable, en dépit des calculs commerciaux qui auraient pu motiver l'engagement des seuls comédiens d'origine maghrébine d'une certaine notoriété. D'ailleurs, c'est Sami Bouajila, l'acteur au parcours le plus indépendant et intéressant de la bande, qui impressionne le plus dans sa prise de conscience plus intellectuelle de l'injustice que celle, plutôt instinctive, de ses camarades.
Un film engagé et révendicateur, voire expiatoire en vue d'une communauté importante qui s'y reconnaîtra, oui. Un chef-d'oeuvre du cinéma, non.

Vu le 24 août 2006, au Planet Hollywood Champs-Elysées, en VO

Note de Tootpadu: