Cyrus

Cyrus
Titre original:Cyrus
Réalisateur:Jay Duplass, Mark Duplass
Sortie:Cinéma
Durée:90 minutes
Date:15 septembre 2010
Note:
Divorcé depuis sept ans, John n'est toujours pas sorti du trou affectif dans lequel cette séparation l'a jeté. L'annonce du mariage prochain de son ex-femme Jamie ne l'aide pas non plus à se ressaisir. Il accepte cependant, malgré lui, de venir à une soirée que Jamie organise chez elle, pour fêter ses fiançailles. Contre toute attente, ce romantique dépité y fait la connaissance de Molly, une femme belle et séduisante, avec laquelle il ne tarde pas à commencer une affaire. D'abord au septième ciel, John se demande par contre pourquoi Molly reste évasive sur sa vie privée. La raison pour son comportement énigmatique est son fils Cyrus, un jeune homme de 21 ans, qui vit encore chez sa mère et qui entretient une relation très exclusive avec elle.

Critique de Tootpadu

Le lien entre ce film-ci et Humpday de Lynn Shelton, sélectionné et primé au festival de Deauville précédent, va bien au delà de la participation de Mark Duplass, co-réalisateur du premier et acteur principal du deuxième. Sur un ton qui les place clairement du côté d'un cinéma indépendant américain aussi ambitieux qu'éprouvant, les deux films explorent le malaise existentiel qui s'insinue dans une situation de base des plus banales (le début d'une relation romantique pour l'un et les retrouvailles d'amis de jeunesse dans l'autre), lorsqu'un élément perturbateur et moralement douteux détraque le mécanisme dramatique éprouvé. Ne vous laissez en effet pas duper par la participation d'acteurs aussi connus que John C. Reilly, Marisa Tomei et Catherine Keener : Cyrus n'a vraiment pas grand-chose d'un Frangins malgré eux. Les rares écarts vers une vulgarité un peu facile, comme au début lorsque Jamie surprend John en train de se branler chez lui ou la prise de contact entre Molly et John derrière les buissons où ce dernier est parti pisser, dénotent plutôt en tant qu'exception dans un contexte narratif qui privilégie la dimension bêtement humaine et ordinaire des personnages.
Hélas, c'est justement dans ce refus de l'exagération et de l'exubérance que réside la faiblesse du troisième film des frères Duplass. Une fois que le décor et les motivations contradictoires des personnages sont campés, le récit n'arrive jamais à se défaire d'une certaine lourdeur. Il manque la petite touche de piment au film, qui constituerait une alternative intelligente aux âneries infantiles avec lesquelles les films hollywoodiens, de la trempe de celui de Adam McKay cité plus haut, cherchent à abrutir leur public. Le réalisme émotionnel recherché visiblement par les réalisateurs se met ainsi régulièrement en travers d'un déroulement organique et divertissant de l'intrigue. Les personnages restent coincés dans une médiocrité existentielle de laquelle leurs petits tracas sentimentaux ne les aident pas plus à sortir que le style formel de la mise en scène, bien trop tributaire d'une caméra mobile qui emploie à outrance le zoom pour se rapprocher des personnages.
Au lieu d'être sophistiqué ou à fleur de peau, le récit de Cyrus avance ainsi avec une mollesse qui évacue petit à petit tout espoir d'un sursaut salvateur. Les embûches sur le chemin de John pour ravir le coeur de Molly - une Marisa Tomei plus radieuse que jamais et presque trop parfaite pour se laisser aussi facilement manipuler - compliquent artificiellement la vie des personnages, qui n'aspirent au fond qu'à une normalité et un confort émotionnel, dont le scénario cherche à les priver à tout prix, et souvent contre toute raison.

Vu le 22 juin 2010, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: