Humpday

Humpday
Titre original:Humpday
Réalisateur:Lynn Shelton
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:16 septembre 2009
Note:
Les folies de la vie étudiante, Ben les a laissées derrière lui depuis longtemps. Il mène désormais une existence rangée à Seattle, marié avec Anna et dans l'espoir de devenir tôt ou tard papa. Sa vie très respectable est bousculée sans préavis, lorsque Andrew, un ancien ami de fac de Ben, déboule en plein milieu de la nuit. Cet artiste manqué s'incruste chez Ben et Anna et ne tarde pas à se faire de nouveaux amis parmi la bohème locale. Au cours d'une soirée arrosée, Andrew propose alors à Ben de participer au festival de films pornos amateurs, le Humpfest, avec une vidéo innovante sur laquelle les deux amis, des hétéros convaincus, coucheraient ensemble.

Critique de Tootpadu

L'hétérosexualité est en crise. Au moins depuis que son pendant, l'homosexualité, a acquis une visibilité et une acceptation généralisées, suffisantes pour en faire un style de vie alternatif à part entière, l'ordre ancien de la répartition des rôles et des pratiques sexuelles entre hommes et femmes a pris un coup sérieux, dont il peine à se remettre sereinement. Les frontières, autrefois si clairement dictées par les codes sociaux, se brouillent de plus en plus. Le prestige croissant de l'égarement de la norme éprouvée des rapports hétérosexuels laisse apparaître les pratiquants de ces derniers petit à petit comme des ringards, tandis que l'attitude décontractée des gays, des bis, et d'autres individus, jadis considérés comme des déviants, s'empare progressivement, et grâce aux jeunes générations moins renfermées, de l'image qu'elle veut donner d'elle-même. Cette évolution de la perception sociale connaît certes quelques dérives inquiétantes (cf. le traitement opportuniste dans un film faussement progressiste comme Brüno de Larry Charles). Mais dans l'ensemble, la communauté homosexuelle profite plus de sa plus grande visibilité, qu'elle ne pâtit de l'attention pas toujours bienveillante qu'elle s'attire simultanément.
Pendant que l'homosexualité poursuit donc sans trop de détours son bonhomme de chemin vers une reconnaissance sans partage de son statut d'égalité sociale et légale, le tout appuyé par une série ininterrompue de films qui ciblent de moins en moins un public minoritaire, l'hétérosexualité peine chaque jour plus à trouver à la fois sa voix et sa voie. Ce film américain, présenté aux festivals de Sundance, Cannes et Deauville, s'approprie le sujet du malaise qu'inspire hélas toujours l'homosexualité du point de vue hétéro, en des termes pragmatiques, mais en fin de compte bien trop frileux. L'acte sexuel entre deux hommes y est présenté comme une sorte de défi bizarre, profondément déplaisant et finalement sans gratification notable.
Bien que la réalisatrice Lynn Shelton interroge surtout l'identité sexuelle et la compréhension immuable de l'hétérosexualité dans son troisième film, l'amour entre deux personnes du même sexe y est au mieux évoqué comme un prétexte encombrant pour soulever un malaise social et moral, qui n'aurait aucune raison d'être dans un monde idéal. La barrière à franchir pour se libérer de sa propre appartenance à un groupe de préférences sexuelles s'avère alors trop haute, non seulement pour les deux personnages principaux, mais aussi pour Humpday qui tourne maladroitement et visiblement gêné autour du pot, sans jamais prendre une position claire. A moins que le constat final assez accablant, que la ghettoïsation du sexe est très loin d'être terminée, ne fasse office d'un message rempli d'une précaution molle et indécise.
A la limite, c'est même le style résolument indépendant du film, qui évite avec le plus d'élégance les compromis et les conventions. Sauf que quelques plans en guise de natures mortes, ainsi qu'un découpage et une direction d'acteurs apparemment improvisés ne sont guère en mesure de remplacer une hardiesse du propos largement absente ici.

Vu le 18 août 2009, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Le festival de Deauville me permet de découvrir des films indépendants et de nouveaux réalisateurs. Ce petit film, tourné caméra à l'épaule et en haute définition, est semblable aux productions que le festival de Sundance nous propose chaque année. D'un postulat très simple, qui revient à savoir, si pour un festival de cinéma porno, on serait capable ou non de coucher bestialement avec son meilleur ami, ce film est une petite comédie aussi brute par la forme que par le fond.

Certes, je dois reconnaître que mon attention est plus portée sur les films américains des grands studios que sur ces productions indépendantes. Reste que la réalisatrice, qui joue également dans son film, nous a donne une conférence de presse très intéressante. On retiendra surtout que pour devenir réalisateur, il suffit d'avoir une bonne culture cinématographique, une équipe dévouée, et la capacité de savoir adapter son film en fonction de son budget.

Maintenant, savoir si un hétérosexuel serait capable d'un tel dévouement pour voir son film projeté dans un festival, je pense que non. Le film en pense pareillement, à en juger par sa fin.

Vu le 8 septembre 2009, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: