Ni dieux ni démons

Ni dieux ni démons
Titre original:Ni dieux ni démons
Réalisateur:Bill Condon
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:02 mai 1999
Note:
Dans les années 1930, le réalisateur anglais James Whale était un des hommes les plus influents de Hollywood, grâce à ses films d'horreur qui étaient d'énormes succès populaires. Vingt ans plus tard, une attaque cérébrale l'a laissé dans un état de vagabondage mental, en proie aux souvenirs de son enfance dans la pauvreté, de son service militaire pendant la Grande guerre, et de ses frasques en tant qu'homosexuel vivant librement son orientation. La rencontre avec le jardinier Clayton Boone, un homme simple et sincère, va ramener le vieillard une dernière fois vers la vie.

Critique de Mulder

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Critique de Tootpadu

Ed Wood mis à part, nous n'avons pas connaissance d'un plus bel hommage aux maîtres du cinéma d'antan, qui permet en même temps une réflexion sur quelque chose de plus grand que le grand écran : la vie. Débordant de nostalgie, ce troisième film de Bill Condon est à la fois un chant de cygne bouleversant et un document décomplexé sur l'homosexualité à Hollywood. Sa richesse thématique ne s'arrête par contre pas encore là, puisqu'il arbore également une forme qui répercute adroitement les troubles cérébraux du protagoniste et qui cite ingénieusement le savant mélange entre le drame et la comédie propre aux films de feu James Whale.
En effet, ce Gods and Monsters nous guide à travers les derniers jours aussi misérables que ponctués de vices de vieux gâteux d'un ancien géant du cinéma, avec une noblesse de coeur et de forme à laquelle nous ne pouvons que succomber. Les couleurs chaudes de la photo exquise, les décors modestes mais arrangés avec goût et les mesures précises d'une musique majestueuse, tout ce luxe du cadre ne désigne que plus clairement le malaise d'un homme cultivé qui se sent partir. Conscient de sa fin qui approche un peu plus avec chaque trou de conscience, le James Whale du film cherche à partir dignement, et à jouer quelques tours ironiques à ce monde dont il ne veut garder que ses amours malheureuses. A la tristesse de ce départ progressif se mêle alors une immense poussée de nostalgie, qui est en fin de compte uniquement le regret que la belle époque, celle de Show Boat et des jeunes adonis qui se prélassaient autour de la piscine, n'a pas duré. Mais le rapport que le personnage principal entretient avec sa vie, avec son nouveau compagnon en guise de nouvelle créature, et en fin de compte avec nous, spectateurs, est encore plus complexe.
Bill Condon confère en effet ce que l'on pourrait appeler une épaisseur littéraire à son récit. Chaque séquence constitue ainsi une pièce dans une multitude de puzzles qui peuvent chacun être lus différemment. Les pistes d'appréciation les plus évidentes y sont évidemment le déclin du vieil homme et le premier pas vers la maturité d'un homme enfantin, un mouvement qui se retrouve dans le Frankenstein de Whale si on l'applique au scientifique et à sa bête, ou bien la tenue morale irrévérencieuse d'un homosexuel dans les années 1950, qui se sert de cette tare sociale de l'époque pour arriver au bout de son plan exécutoire. Ce serait pourtant ignorer d'autres traits de caractère des personnages ou d'autres interactions savoureuses que de réduire le film à un simple hommage gay au cinéma de papa.
La tentative du réalisateur de célébrer la disparition d'un pionnier selon les termes de ce dernier se dévoile en fin de compte comme un cadeau d'adieu d'une sensibilité et d'une intelligence hors pair. Comme dans le film de Tim Burton, le passé est ravivé avec une verve et un respect qui embellissent sans doute une réalité infiniment plus précaire et lugubre. Mais ces deux très beaux chants élégiaques et comiques sur un cinéma et une époque défunts font perdurer leur esprit tel qu'il aurait pu être imaginé par un Ed Wood débordant ou par un James Whale malicieux.
Ian McKellen a acquis une très grande popularité depuis 1998 à travers sa participation aux trilogies fantastiques du Seigneur des anneaux et des X-Men. Pourtant, le rôle de sa vie se trouve bien ici, dans la peau de cet homme distingué qui a dû se battre toute sa vie parce qu'il ne voulait pas rester dans le placard. Plus que par cette ressemblance biographique, l'interprétation de Sir Ian s'impose par une identification entière avec un personnage meurtri par la maladie mentale et circonspect quant à la fin d'une vie tourmentée.
Enfin, l'accueil réservé à ce petit chef-d'oeuvre en France nous exaspère au plus haut point ! Privé d'une sortie au cinéma, ce lauréat d'un Oscar pour le meilleur scénario a directement été diffusé sur Canal et il n'est depuis visible que lors d'éventuelles rediffusions. De même, il n'existe à ce jour aucune édition DVD francophone et la seule solution pour admirer ce bijou ignoré est de se rabattre sur l'édition anglaise, que nous chérissons depuis de nombreuses années. En vue de la qualité indéniable du film, pour lui-même et aussi en tant que déclaration d'amour au cinéma et à une affirmation historique de l'homosexualité, nous regrettons amèrement ce manque d'intérêt et d'accessibilité honteux !

Revu le 23 mai 2006, en DVD, en VO
Revu le 28 septembre 2008, en DVD, en VO

Note de Tootpadu: