Mes frères et moi

« Loin de l’image véhiculée par les chaînes d’infos en continu qui ne traitent ces territoires que comme des lieux dangereux, peuplés de voyous. Mon approche n’était pas non plus documentaire, comme l’ont très bien exprimé des cinéastes tels Abdellatif Kechiche ou Tony Gatlif. Mon parti pris était de montrer ce qu’il y a de beau et de romanesque dans ces territoires-là. Donc il n’était pas question de filmer à l’épaule et en numérique, afin d’éviter de donner une sensation de tournage en urgence au coeur d’un endroit qu’on montre en permanence hostile, voire en guerre. J’ai opté pour une caméra sur pied, un point de vue doux, affirmé, et j’ai utilisé la chaleur de la lumière du sud, restituée par la pellicule, le 16 millimètres. Ça rend, à mon sens, tout beaucoup plus solaire et poétique. » - Yohan Manca

La grande force du cinéma indépendant français est de pouvoir nous surprendre en permanence, de ne pas être un simple divertissement dicté par des raisons financières mais plutôt par une réelle liberté de ton. Assurément le premier film réalisé par Yohan Manca réussit à capter un véritable regard sur notre cité et à nous montrer que d’un tel lieu peut réellement émerger de belles choses. Alors que dans le film Billy Elliot (2000) de Stephen Daldry un jeune enfant trouvait dans la danse un moyen de s’exprimer et de catalyser son énergie, ici le jeune Nour trouve dans des cours de chants lyriques un moyen de se rapprocher de sa mère dans le coma et d’exprimer son réel ressenti coincé entre des frères qui vivent de différents trafics et un avenir guère glorieux.

Loin de ses nombreux films français qui cherchent à appliquer de simples formules pour conquérir un large public prêt à consommer des films commerciaux sans âme ni originalité et des vagues répétées de blockbusters plutôt très réussis et qui par moment réussissent à dépasser leurs objectifs et de montrer qu’il est encore possible de faire rêver des spectateurs de plus en plus difficiles, il est bon par moment de revenir à un cinéma simple comme on pouvait en découvrir avec plaisir dans les années 80. Dans Mes frères et moi, il n’y a certes pas de stars françaises mais des comédiens qui jouent juste et une histoire attachante.

En s’inspirant librement de la pièce de théâtre Pourquoi mes frères et moi on est parti… de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, le réalisateur Yohan Manca réalise ici un premier film inspiré qu’il place dans une ville sans nom qui ressemble pourtant beaucoup à Marseille tant la dure réalité de la vie et ses quartiers sensibles semblent s’étendre à perte de vue. Le personnage principal Nour, un jeune de 14 ans alors qu’il devait faire des travaux publics dans son collège va voir son attention captée par un cour de chant dirigé par Sarah (Judith Chemia) et dont il va décider d’intégrer la classe et se révéler être plutôt doué au chant lyrique.

Certes pour un public pour lequel le cinéma est actuellement un lieu parfait pour découvrir des blockbusters américains avec ses grands écrans nous permettant d’oublier le temps d’un film la pandémie que nous traversons actuellement et ses différentes vagues de variants de la covid-19, Mes frères et moi risque d’en déconcerter plus d’un tant le film vise à être en permanence réaliste quitte à tirer un trait sur un happy end calculateur. Pourtant ce que le film gagne en émotions et originalité il le perd par un rythme trop lent et qui témoigne d’une véritable fragilité du récit. On ressort du film ainsi content de l’avoir découvert mais avec un sentiment que la fin aurait gagné à être différente et aurait pu faire du film le premier feeling good movie de l’année

Mes frères et moi
Réalisé par Yohan Manca
Produit par Julien Madon
Ecrit par Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, Yohan Manca 
Avec Maël Rouin Berrandou, Judith Chemla, Dali Benssalah, Sofian Khammes, Moncef Farfar, Luc Schwarz, Olivier Loustau, Olga Milshtein, Loretta Fajeau-Leffray, Maïlys Bianco
Musique : Bachar Mar Khalifé
Cinématographie : Marco Graziaplena
Montage : Clémence Diard 
Sociétés de production : A Single Man
Distribué par Ad Vitam (France)
Date de sortie : 5 janvier 2022
Durée du film : 108 minutes

Vu le 12 décembre 2021 (screener presse)

Note de Mulder: