Titre original: | A real Pain |
Réalisateur: | Jesse Eisenberg |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 90 minutes |
Date: | 26 février 2025 |
Note: |
Le film A Real Pain réalisé par Jesse Eisenberg est une véritable plongée cinématographique dans les traumatismes générationnels, les liens familiaux et les effets persistants des atrocités historiques. En tant que scénariste et réalisateur, Jesse Eisenberg équilibre l'humour noir et les émotions poignantes, créant ainsi un récit riche qui semble profondément personnel tout en ayant une résonance universelle. Ce film n'est pas simplement une exploration de l'identité juive ; c'est une méditation sur les cicatrices de l'histoire et la façon dont elles s'entremêlent avec les luttes plus banales de la vie moderne. Ancré par la performance magnétique de Kieran Culkin dans le rôle de Benji Kaplan et par l'interprétation discrète mais profondément efficace de Jesse Eisenberg lui-même dans le rôle de David Kaplan, le film capture l'essence douce-amère des liens humains au milieu d'une douleur partagée.
Benji et David, cousins nés à quelques semaines d'intervalle mais émotionnellement éloignés, entreprennent un voyage en Pologne pour honorer la mémoire de leur grand-mère récemment décédée, survivante de l'Holocauste. Ce voyage, qui semble être un moyen de renouer avec leurs racines, devient un creuset pour leur relation tendue. David, un homme défini par ses névroses et sa planification minutieuse, contraste fortement avec Benji, dont le charisme maniaque et la volatilité émotionnelle masquent un profond désarroi intérieur. Le film s'ouvre sur une scène d'aéroport où ces conflits de personnalité remontent immédiatement à la surface. Le charme sans effort et le chaos de Benji s'opposent magnifiquement à l'attitude crispée de David, préparant ainsi le terrain pour le drame qui se déroule.
Le cadre narratif d'une visite guidée de l'Holocauste peut sembler lourd, mais le scénario d'Eisenberg entrelace habilement des moments de légèreté et d'absurdité sans jamais miner la gravité de la toile de fond historique. L'ensemble des touristes ajoute de la texture et de la profondeur, en particulier grâce à des personnages comme l'introspectif Eloge, un survivant du génocide rwandais interprété avec une force tranquille par Kurt Egyiawan, et l'aimable réfléchie Marcia, interprétée par Jennifer Grey. Chaque membre du groupe apporte son propre bagage, mais c'est à travers les interactions de Benji que se cristallisent les thèmes du film sur la culpabilité, les privilèges et l'aspiration à la catharsis.
Le personnage Benji est un tourbillon de contradictions. Son humour rapide et son comportement téméraire servent à la fois de mécanisme de défense et d'appel à l'aide. Qu'il s'agisse d'orchestrer une séance photo bizarre au monument du soulèvement de Varsovie ou de dénoncer le privilège inhérent au tourisme moderne de l'Holocauste, les pitreries de Benji oscillent entre l'attachant et l'exaspérant. Pourtant, Kieran Culkin imprègne le personnage d'une telle vulnérabilité brute que même ses crises les plus extravagantes sont d'une humanité déchirante. Jesse Eisenberg lui donne judicieusement l'espace nécessaire pour dominer l'écran, mais jamais au détriment des moments plus calmes et plus réfléchis qui définissent l'arc de David.
Le rythme du film est serré, sa durée de 90 minutes garantissant que chaque scène a sa raison d'être. De la sombre visite du camp de concentration de Majdanek aux moments d'hilarité maladroite lors des dîners de groupe, A Real Pain est un modèle d'équilibre tonal. La bande sonore, reposant noamment sur des musiques inspirées de Chopin, se faufile à travers le film, soulignant les thèmes de la perte et de la résilience tout en ancrant le récit dans son cadre polonais. Le directeur de la photographie, Michal Dymek, capture à la fois la beauté et la noirceur du paysage, reflétant le terrain émotionnel sur lequel naviguent les personnages.
Ce qui distingue A Real Pain d'autres films explorant des thèmes similaires, c'est son refus d'offrir des résolutions faciles. La relation entre Benji et David évolue, mais Jesse Eisenberg résiste à la tentation d'attacher leur voyage à un arc bien défini. Au lieu de cela, le film se termine sur une note d'ambiguïté tranquille, reconnaissant que les blessures du passé - à la fois personnelles et collectives - ne guérissent jamais complètement. Ce refus d'une catharsis simple est non seulement honnête, mais aussi profondément respectueux du lourd sujet du film.
Avec A Real Pain, Jesse Eisenberg a créé une œuvre aussi stimulante sur le plan intellectuel que touchante sur le plan émotionnel. C'est un film qui s'attarde, invitant à la réflexion longtemps après le générique. À la fois projet profondément personnel et histoire universellement pertinente, il confirme la place d'Eisenberg en tant que cinéaste d'une perspicacité et d'une compassion remarquables. C'est un film qui fait souffrir et rire à parts égales - un véritable triomphe.
A Real Pain
Écrit et réalisé par Jesse Eisenberg
Produit par Ewa Puszczyńska, Jennifer Semler, Jesse Eisenberg, Emma Stone, Ali Herting, Dave McCary
Avec Jesse Eisenberg, Kieran Culkin, Will Sharpe, Jennifer Grey, Kurt Egyiawan, Liza Sadovy, Daniel Oreskes
Cinématographie : Michał Dymek
Montage : Robert Nassau
Sociétés de production : Topic Studios, Fruit Tree, Rego Park, , Extreme Emotions.
Distribué par Searchlight Pictures (Etats-Unis), The Walt Disney Company (France)
Dates de sortie : 20 janvier 2024 (Sundance), 1er novembre 2024 (États-Unis), 26 février 2025 (France).
Durée : 90 minutes
Vu le 3 janvier 2025 en VOD
Note de Mulder: