Illusions perdue

Le cinéma français d’auteur n’a jamais cessé de tracer sa route sans se soucier forcément de plaire à un large public ni de surfer sur une mode éphémère et souvent vide de sens. Le réalisateur et co-scénariste Xavier Giannoli a relevé le défi de revisiter le roman homonyme d'Honoré de Balzac Illusions perdues tout en dépoussiérant ce roman publié en trois parties entre 1837 et 1843 (Les Deux Poètes, Un grand homme de province à Paris et Les Souffrances de l’inventeur). 

 Le scénario de Xavier Giannoli et  Jacques Fieschi se focalise ainsi uniquement sur la deuxième partie consacrée à l’histoire dramatique de Lucien Chardon (Benjamin Voisin), un jeune poète habitant Angoulême, une petite ville du sud-ouest de la France et travaillant dans une imprimerie mais inspirant à devenir un écrivain reconnu. Pris sous la protection l'aristocratique Madame Louise (Cécile de France) qui devient sa maitresse, il essaye de se faire connaitre lors de salons littéraires. Lorsque le vieux mari de Madame Louise (Cécile de France) apprend qu’il entretient une liaison avec sa femme, celle-ci et Julien décident de s’enfuir à Paris. Pourtant leur idylle à Paris va se révéler impossible tant cette ville est régie par des règles sociales, des clans et surtout le fait que les classes sociales ne peuvent se mélanger. Rejeté par Louise, Lucien va tenter de survivre et va tenter de sortir de sa caste sociale en se faisant un vrai nom et une reconnaissance. 

En prenant le nom de sa mère pour écrire (de Rubempré), une aristocrate pauvre mais dont le nom pourrait lui ouvrir les cercles privés de la haute bourgeoisie. Lucien va pouvoir grâce à l’aide du rédacteur en chef Etienne Lousteau (Vincent Lacoste)  et une gazette libérale et surtout rencontrer un puissant éditeur de Paris, Dauriat (Gérard Depardieu) mais aussi une comédienne dont il va tomber éperdument amoureux Coralie (Salomé Dewaels, révélation du film) s’intégrer. Lucien va découvrir les rouages de la presse et le fait que celle-ci se révèle être corruptible. La plupart des journalistes sont ainsi payés pour écrire de bonnes et de mauvaises critiques et ainsi faire régner leur emprise sur le milieu du théâtre. Lucien va vite apprendre que le fait de vouloir se faire connaitre et vivre fastueusement à un contrecoup important. Ses illusions perdues vont refléter les travers d’une société dans laquelle les apparences sont trompeuses et tout tourne autour de l’argent et d’imposer son pouvoir sur de nombreuses personnes.

Alors que le cinéma français préfère actuellement poser le cadre de l’action à notre époque, il est toujours passionnant de découvrir des film ambitieux mais aussi parfaitement maitrisés donc chaque petit détail est particulièrement soigné que cela soit les costumes, l’intrigue principale mais aussi une analyse passionnante de la presse encore à ses balbutiements et avant que de véritables empires prennent vie et changent à jamais les rouages implacables d’un système imposant faisant de l’actualité en continue le nerf d’une société avide de nouvelles et de scoops. Impossible en découvrant ce film de ne pas penser aux blogs qui sont de plus en plus nombreux et souvent influençables et influencés, voire de médias prêts à tout pour décrocher un scoop et faire monter l’audimat et n’hésitant pas à franchir certains interdits pour gagner en puissance et en renommée.. 

Illusions perdues s’impose comme un excellent film tant il réussit à recréer un grand film d’époque dans la lignée de Barry Lyndon (1975) de Stanley Kubrick. En décrivant un Paris dans lequel l’aristocratie semble mener la danse et la presse imposer à de nombreux écrivains ou artistes de théâtre une peur importante pouvant briser leur carrière ou faire d’eux des stars en écrivant des critiques. Il est aussi intéressant de voir dans ce film le fait qu’un succès théâtral peut s’acheter en recourant à des chauffeurs de salle prêts à faire applaudir une salle avec une équipe dévouée ou pousser des sifflements à volonté. Le scénario de Xavier Giannoli, Jacques Fieschi montre bien que le roman d'Honoré de Balzac a réussi à montrer les débuts de ce que deviendra notre société actuelle avec son lot d’influences des médias sur nos choix actuels que cela soit le cinéma, les séries mais également d’autres domaines. Le film bénéficie non seulement d’une excellente reconstitution d’une époque passée mais surtout d’une mise en scène inspirée et d’un casting somptueux dans lequel on retrouve Benjamin Voisin, Xavier Dolan, Vincent Lacoste, Cécile de France, Gérard Depardieu et Jeanne Balibar.

Illusions perdues
Réalisé par Xavier Giannoli
Écrit par Xavier Giannoli, Jacques Fieschi
D'après Illusions perdues d'Honoré de Balzac
Produit par Oliver Delbosc, Sidonie Dumas
Avec Benjamin Voisin, Xavier Dolan, Vincent Lacoste, Cécile de France, Gérard Depardieu, Jeanne Balibar
Image : Christophe Beaucarne
Montage : Riwanon Le Beller, Cyril Nakache
Sociétés de production : Curiosa Films, Umedia, UFund, France 3 Cinéma, Canal+, Ciné+, Gaumont
Distribué par Gaumont (France)
Date de sortie : 5 septembre 2021 (Venise), 20 octobre 2021 (France)
Durée du film : 141 minutes

Vu le 1 octobre 2021 au Gaumont Disney Village, Salle 10 place A18
Revu le 19 octobre 2021 au Gaumont Opéra Capucines, Salle 1 place N6

Note de Mulder: