Coldwater

Coldwater
Titre original:Coldwater
Réalisateur:Vincent Grashaw
Sortie:Cinéma
Durée:104 minutes
Date:09 juillet 2014
Note:

Le jeune Brad Lunders deale sans scrupules des drogues dans son quartier, au grand dam de sa copine Erin, mais admiré par son meilleur ami Gabriel qu’il incite à suivre la même voie. Pour mettre un terme à ses activités illicites, sa mère l’envoie dans le camp de redressement pour mineurs de Coldwater. Loin de tout, Brad devra s’y soumettre au règlement draconien instauré par le colonel Reichert, qui dirige l’institution avec une main de fer.

Critique de Tootpadu

Pour encadrer une jeunesse en pleine déroute, notre civilisation n’a rien trouvé de mieux que de l’écarter de la société. Mise à l’écart dans un univers clos et malsain, elle ne pourra point prétendre à la réhabilitation. Son chemin est au contraire tout tracé, puisqu’il la mènera directement vers une existence sous le signe de la délinquance, ponctuée par des séjours plus ou moins longs dans les prisons pour adultes. Alors que le cinéma tient compte depuis longtemps de l’univers carcéral des hommes et, parfois, des femmes entièrement dévoués au crime, il se penche de plus en plus fréquemment sur le cas des adolescents, voire des enfants, qui sont maltraités derrière les barreaux. Cet engouement pour la représentation de la répression inhumaine des mineurs est assez récent. Il s’est manifesté au fil des dernières années dans des films comme Les Révoltés de l’île du diable de Marius Holst et Dog pound de Kim Chapiron, dont ce film-ci se rapproche le plus.

La particularité du camp de redressement de Coldwater Enfer pour mineurs, c’est que les détenus y sont contraints de rester par la simple volonté d’une famille, dépassée par des écarts de jeunesse qui peuvent être aussi anodins que le fait de sécher les cours. Le flou juridique qui pèse sur cet établissement privé est encore accru par sa vacuité idéologique. Les nouveaux arrivants y ont certes droit à un discours édifiant par le maître des lieux, mais ensuite, le programme pédagogique est quasiment inexistant ou en tout cas le scénario ne s’attarde guère dessus. Les préoccupations narratives du réalisateur Vincent Grashaw se situent en effet plutôt du côté de l’odyssée personnelle du protagoniste, un jeune opportuniste qui a su déjouer les pièges du système afin d’en sortir comme seul rescapé. C’est son point de vue que le récit privilégie, quitte à rompre avec une des règles principales du genre, qui voudrait que la tension soit d’autant plus écrasante que la caméra ne s’échappe à aucun moment du quotidien usant entre les murs de la prison.

Outre ces retours en arrière qui illustrent donc le passé guère brillant de Brad, l’aspect visuel très poli de la photographie risquerait presque de rendre le film trop beau pour le sujet accablant qu’il traite. Cette esthétique soignée relève toutefois d’une mise en abîme pas sans mérite, avec cette campagne idyllique dans laquelle se passent des choses horribles. De même, les traits très séduisants de l’acteur principal P.J. Boudousqué, un digne successeur de Ryan Gosling, rendraient son personnage trop angélique, s’il ne savait justement tirer son épingle du jeu en se conformation d’une façon hypocrite au mode opératoire du camp. Tandis que la charge civique du propos du film est quelque peu relativisée par un déferlement caricatural de la violence à la fin de l’histoire, le portrait qu’il dresse d’un jeune homme qui aurait eu tout pour plaire et pour réussir, mais qui s’enfonce de plus en plus dans une impasse existentielle, par sa propre faute et par celle d’un système dysfonctionnel, est déjà sensiblement plus passionnant.

 

Vu le 24 avril 2014, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Noodles

Certaines dérives de la société américaine pourraient bien rester totalement méconnues du grand public si des cinéastes ne prenaient pas le parti de les exposer à travers leurs films. Des films comme Coldwater, la première réalisation de Vincent Grashaw. Ce dernier, qui avait notamment collaboré avec Evan Glodell sur son long-métrage Bellflower (2011) en tant que chef opérateur et producteur, dénonce l’enfer vécu par les adolescents séjournant dans des camps de redressement pour mineurs.

Visiblement, il suffit de peu de choses pour se retrouver dans des endroits isolés et à l’abri de toute réglementation tels que Coldwater : si certains sont détenus dans ce camp parce qu’ils ont appartenu à un gang ou à cause de délits plus ou moins graves, d’autres ne sont là que parce qu’ils ont séché les cours ou ramené de mauvaises notes à leurs parents. Car ce sont bien ces derniers qui décident d’envoyer leurs enfants dans ces centres, ignorant évidemment le sort tragique qui les y attend.

Les raisons qui ont amenées Brad à se retrouver à Coldwater ne nous sont pas données d’emblée. De manière assez surprenante, l’explication de sa présence est livrée au fur et à mesure des nombreuses scènes de flashback qui parcourent le film, nous dévoilant par intermittence les antécédents du jeune voyou. S’attarder de la sorte sur son passé n’était sans doute pas nécessaire sur le plan narratif, étant donné que tout l’enjeu du film est de savoir ce qu’il se passe à l’intérieur du camp. Néanmoins, ces flashbacks permettent tout de même au spectateur de s’échapper par moment de cet endroit oppressant, chose que rêveraient de faire les personnages du film.

En effet, le camp de Coldwater se révèle rapidement être un lieu éprouvant tant sur le plan physique que psychologique. L’impitoyable Colonel Franck Reichert pourrait presque postuler comme remplaçant du Sergent instructeur Hartman dans le film Full Metal Jacket (1987) de Stanley Kubrick tant il fait preuve d’agressivité et de cruauté envers ceux qu’il est censé sauver de la délinquance. Mais Coldwater n’est qu’une vaste chambre de torture, et quand les jeunes ne finissent pas mutilés par les mauvais traitements qui leur sont administrés, ils préfèrent s’en occuper eux-mêmes. Le spectateur est alors obligé d’encaisser 1h45 de violence presque insoutenable par moments.

Que ce soit par le sujet très proche ou par la réalisation assez similaire, Coldwater n’est pas sans rappeler Dog Poung (2010), lui-même très inspiré du film britannique Scum (1979). Malheureusement, P.J Boudousqué est loin de posséder le brio avec lequel Adam Butcher incarnait un détenu impulsif d’une prison pour mineur. Au contraire, le jeune acteur faisant ici ses premiers pas au cinéma conserve tout au long du film un visage dénué de la moindre expression.

La tension grandissante laisse présager au spectateur que cette horreur ne peut pas durer éternellement. Et il aura vu juste, puisque c’est dans un terrible bain de sang que s’achève le film. On aurait presque pu croire à l’inexistence de ce genre de camps et penser que tout ceci n’était qu’une œuvre fictionnelle très loin de la réalité, si le carton final ne venait pas nous informer que ce cauchemar est bel et bien réel.

 

Vu le 7 Mai 2014, au Club Marbeuf, en VO. 

 

Note de Noodles: