Titre original: | Tom à la ferme |
Réalisateur: | Xavier Dolan |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 103 minutes |
Date: | 16 avril 2014 |
Note: |
Suite au décès de son copain, le jeune publicitaire Tom se rend à la campagne, afin d’y assister à ses obsèques. Il loge à la ferme familiale, accueillie chaleureusement par Agathe, la mère du défunt. Mais Francis, le frère aîné de ce dernier, ne tarde pas à faire comprendre à Tom qu’il n’y est pas le bienvenu. Afin de protéger sa mère, Francis impose une mascarade malsaine à Tom, qui ne doit pas révéler la vraie nature de ses rapports avec son copain décédé dans un accident.
On pourrait écrire toute une analyse sur les plans aux extrémités du quatrième film du réalisateur canadien Xavier Dolan. Alors que le premier montre un ange dans une bulle de cire, accroché au rétroviseur de la voiture du protagoniste, le dernier fait figure de clôture du processus douloureux de deuil à travers un feu qui passe au vert, loin du décor rural dans lequel le personnage principal a dû se sentir comme un poisson hors de l’eau. La valeur symbolique de ces deux images est difficile à ignorer, tant elle reflète l’état d’esprit d’un cinéaste, qui fait des films inspirés d’une forme de pureté artistique plutôt inaccessible. Car cet univers hermétiquement fermé, c’est avant tout celui du narcissisme propre à Xavier Dolan, qui aime rien de plus que d’afficher ses états d’âme d’homme gay mal dans sa peau. Le dernier motif de Tom à la ferme nous paraît du coup comme une délivrance, au bout d’un récit toujours aussi tortueux et prétentieux, qui se complaît cependant moins dans les excès formels et le ton affecté que les deux premiers films du réalisateur.
Il y existe même deux séquences investies d’une certaine poésie filmique, celle de la danse dans la grange et celle de la révélation des méfaits de Francis au bar. La perspective dépressive du film y a l’occasion passagère de respirer. Tandis que la première n’est pas tant une scène d’amour, mais un moment d’intimité enchanté qui permet en même temps un aperçu du raisonnement nihiliste du fermier irascible, la deuxième met à nu l’édifice de menaces et de demi-vérités qui avait retardé jusque là le départ de Tom. Pareille application narrative est hélas absente du reste du film, dont l’atmosphère devient néanmoins supportable dès que le personnage interprété par le réalisateur n’est plus au centre de toutes les attentions nombrilistes, voire masochistes.
Enfin, l’élégance relative de l’emploi du dispositif de l’ellipse trouve un pendant récurrent beaucoup moins satisfaisant du côté du changement du format, dès que Tom vit un moment de danger intense. Le cadre resserré autour de cet homme, qui aurait dû quitter la famille de ploucs tarés quand il en avait encore la possibilité, quitte à ce qu’il n’y ait plus de film après, est le genre de mauvaise idée esthétique dont Xavier Dolan est accoutumé. Au moins, il n’en abuse pas autant que dans ses films précédents. Mais nous avons toujours autant de mal avec l’œuvre de ce réalisateur, qui ne trouve rien de mieux à nous montrer que les abus psychologiques et physiques que sa pauvre incarnation à l’écran doit subir à longueur de film.
Vu le 3 avril 2014, au MK2 Grand Palais, en VQ (au sous-titrage fâcheusement irrégulier !)
Note de Tootpadu:
Avec Tom à la ferme, Xavier Dolan signe le quatrième long-métrage d’une filmographie courte mais déjà conséquente pour un jeune réalisateur de seulement vingt-cinq ans. Il s’agit ici d’un thriller psychologique adapté de la pièce de théâtre éponyme écrite par Michel-Marc Bouchard, et le moins que l’on puisse dire est que le cinéaste québécois s’est plus qu’impliqué dans la conception de son projet. En effet, en plus d’en assurer la réalisation, il en est également le producteur, scénariste, dialoguiste, monteur, et même créateur des costumes.
Dolan ne se contente pas seulement d’être omniprésent derrière la caméra, il l’est également devant : comme dans deux de ses trois précédents films, J’ai tué ma mère (2009) et Les Amours imaginaires (2010), il campe le rôle principal. Il faut bien avouer que son interprétation de ce jeune homosexuel en deuil n’est pas à couper le souffle, mais le problème vient plutôt de la mise en scène qui semble n’avoir pour seul but que de mettre en valeur le protagoniste au détriment des autres personnages. Prenons pour exemple ce choix quelque peu étrange de cacher le visage d’Agathe puis de Francis lors de leur première apparition, soit par l’angle de vue soit par les limites du cadre.
Pourtant, c’est moins Tom que la relation si malsaine qu’il entretient avec le frère de son petit ami décédé qui devrait constituer l’enjeu majeur de la mise en scène et de la narration. Or, cette dernière ne parvient pas à décrire une réelle progression dans l’attitude du jeune homme, qui développe bien trop rapidement un syndrome de Stockholm envers son bourreau lui rappelant tant l’être aimé. Son revirement d’opinion est tellement soudain qu’il peine à être crédible.
Heureusement, l’atmosphère qui se dégage de Tom à la ferme lui redonne un peu d’intérêt. Le film bénéficie grandement du travail du directeur de la photographie, qui lui offre une lumière propice à un climat glauque et angoissant. Dolan aurait donc pu aisément se passer des quelques moments où son long-métrage tend maladroitement à se rapprocher d’un film d’épouvante, comme cette brève hallucination de Tom qui croit voir un homme sans visage dans sa douche, ou encore ce chauffeur de taxi qui refuse de s’aventurer près de la ferme comme s’il s’agissait d’un lieu hanté. Peut-être fallait-il également faire l’impasse sur ces changements de format supposés accentuer la tension de certaines scènes, et qui ne constituent finalement que l’un des trop nombreux défauts de ce film bancal.
Vu le 3 Avril 2014, au MK2 Grand Palais.
Note de Noodles: