Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet (L')

Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet (L')
Titre original:Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet (L')
Réalisateur:Jean-Pierre Jeunet
Sortie:Cinéma
Durée:105 minutes
Date:16 octobre 2013
Note:

Le jeune T.S. Spivet vit avec sa famille sur une ferme dans les Rocheuses. Puisque son père, un cowboy taciturne, lui préfère son frère jumeau Layton et que sa mère se consacre entièrement à ses recherches en biologie, T.S. profite de sa solitude pour inventer plein de choses. Une de ses idées de génie, une roue à aimants qui s’approche de l’idéal scientifique du mouvement perpétuel, lui vaut même un appel du musée Smithsonian, qui souhaite lui décerner un prix prestigieux, sans toutefois savoir qu’il n’a que dix ans. T.S. se voit alors obligé de fuguer à New York, afin d’y recevoir la distinction.

Critique de Tootpadu

Il faudra creuser très en profondeur dans les thèmes et les propos du septième film de Jean-Pierre Jeunet, avant d’y trouver quelque élément digne d’intérêt pour un public adulte. A l’image de Luc Besson qui s’était égaré un temps du côté des contes enfantins avec ses trois films sur l’univers d’Arthur, le réalisateur du film au titre à rallonge pousse ici sa prédilection pour les mondes enchanteurs un peu trop loin vers les gamineries inoffensives. En dépit d’une approche critique passablement caricaturale à l’égard de la société américaine pendant la deuxième moitié de l’histoire, le ton du film stagne dans une gentillesse fade. C’est l’esthétique carte postale d’une Amérique hautement idéalisée que le film privilégie, plutôt que de poursuivre sur la voie des moments un peu plus mélancoliques, où le personnage principal se lamente en silence sur l’absence de sa famille. Sauf que des parenthèses de calme, la narration ne nous les aménage guère, puisqu’elle véhicule l’essentiel des informations par le biais d’une voix off omniprésente.

En dehors de l’usage excessif de ce dispositif filmique peu fin, c’est cependant l’occasion manquée de la part de Jeunet de régler subtilement ses comptes avec la mentalité américaine qui nous a le plus déçus. L’aventure hollywoodienne du réalisateur, à l’époque de Alien La Résurrection, s’était suffisamment mal passée pour que son premier film anglophone depuis puisse en garder quelques séquelles. Or, la mentalité rose bonbon de ce film, avec ses décors immaculés et ses enjeux dramatiques exsangues, ne tente même pas de tourner en dérision un style de vie qui ignore ses talents ou les exploite sans vergogne. Les très rares commentaires sociaux se perdent dans les méandres de l’imagination de Jeunet, toujours plus enclin à compliquer la vie à ses personnages – le tic de la dépendance maladive du hasard chez Mathilde dans Un long dimanche de fiançailles trouve ainsi un écho dans le choix cornélien pour atteindre de la façon la plus intéressante le téléphone – qu’à mettre son don visuel exclusivement au service d’une intrigue sans temps mort.

Au moins, l’usage de la 3D est à la hauteur des attentes que nous avions envers un visionnaire qui commence à ressasser ses propres recettes. La profondeur de champs est simplement hallucinante et l’immersion dans l’univers écœurant est si réussie que l’on pardonnerait presque au film de n’être qu’une bagatelle infantile. Cette dernière renflouera peut-être les poches de ses producteurs, vu le succès public d’une certaine forme de divertissement insipide pour enfants, mais elle ne fait nullement progresser l’univers cinématographique d’un réalisateur en manque d’inspiration.

 

Vu le 17 septembre 2013, à la Salle Gaumont - Louis Feuillade, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Jean-Pierre Jeunet pour son cinquième film sans Marc Caro et après nous avoir déçu par son film précédent (Micmacs à tire-larigot) n’arrive pas à nous convaincre davantage par son nouveau film racontant le périple d’un surdoué TS Spivet vivant dans un ranch isolé du Montana avec ses parents et sa grande sœur et marqué par la mort accidentelle de son frère. Parcourant seul en train, en camion et à pied une bonne partie des Etats-Unis pour se rendre à Washington pour récupérer le prix Baird au Musée Smithsonian. 

Avant d’être un film, L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est un livre datant de 2009 de l’écrivain Reif Larsen et nous rappelant par certain côté l’approche de grands réalisateurs tels Guillermo del Toro et Tim Burton et l’univers décalé digne de Jean Pierre Jeunet. Ce n’est donc pas un hasard si l’auteur avait établi une liste des cinq réalisateurs susceptibles d’adapter son roman en y ajouter à ces trois réalisateurs les noms de Alfonso Cuarón et Wes Anderson. L’approche du réalisateur  semble donc proche de celui de l’écrivain et nous livre ainsi un conte pour enfants plein d’idées originales mais malheureusement guère propices à un public adulte. L’utilisation de la 3D certes efficace semble par moment uniquement présente à titre marketing et non pour nous plonger totalement dans cette aventure. La réalisation est certes toujours aussi soignée mais n’arrive pas à donner de l’épaisseur à ses personnages .Ils semblent être comme dans la scène du camping-car des êtres trop littéraires pour sembler réellement prendre vie devant nos yeux.

Certes l’esthétisme propre à l’univers du réalisateur est bien présent dans ce film et certains plans sont de toute beauté mais le manque de rythme et un jeune acteur vite irritant viennent gâcher le plaisir qu’ on aurait pu prendre à suivre ce film. Le pur génie visuel et narratif de l’un des plus grands réalisateurs français (il suffit de revoir Un long dimanche de fiançailles par exemple) semble avoir laissé place à un manichéisme exacerbé et vidé de sa magie. Ce film comporte donc les mêmes défauts que son film précédent et semble témoigner d’un certain manque cruel d’inspiration salvatrice.

Ce n’est pas que le nouveau film est pénible à regarder (il est très beau visuellement) mais plutôt qu’il semble vouer à l’échec car représentatif d’une époque révolue où le manque de rebondissements, de scènes révolutionnaires pouvait encore passer. Dans une époque où de grands réalisateurs continuent à révolutionner le cinéma comme Gravity de Alfonso Cuarón, voir les films de visionnaires comme James Cameron continuent non seulement à bousculer l’ordre établi, ce film n’apporte rien de bien nouveau et semble uniquement destiné à un très jeune public moins difficile qu’un public friand de nouveautés et de chocs culturels.

Comme ces poètes maudits tel Baudelaire, la mélancolie omniprésente dans le film sied mal à notre époque actuelle où les spectateurs préfèrent oublier leurs soucis quotidiens en voyant de grands films épiques et vibrer aux exploits de supers héros ou d’agents secrets britanniques. Ce film s’apparente donc plus à un des derniers vestiges des années 80 qu’à un film original  témoignant de l’amour fort du réalisateur pour les grands espaces américains. On espère que ce grand réalisateur que nous avons tant apprécié par le passé saura de nouveau nous raconter une grande histoire et retrouver sa muse Audrey Tautou avec laquelle il avait réalisé ses deux chefs d’oeuvre à ce jour

Vu le 03 novembre 2013 au Gaumont Disney Village, Salle 14, en VF

Note de Mulder: