Lovelace

Lovelace
Titre original:Lovelace
Réalisateur:Robert Epstein, Jeffrey Friedman
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:08 janvier 2014
Note:

Au début des années 1970, la jeune Linda Boreman vient de déménager en Floride avec ses parents, suite à une grossesse malheureuse. Après avoir dansé pour le plaisir sur la scène d’un bar, elle fait la connaissance de Chuck Traynor qui refait son éducation sexuelle et finit par l’épouser. Afin d’effacer les dettes de son mari, Linda accepte de participer à un film pornographique. Elle change de nom et devient en tant que Linda Lovelace dans Gorge profonde la première vedette planétaire du X.

Critique de Tootpadu

Comme partout, le rêve diffère grandement de la réalité dans le monde du porno. La création de fantasmes, exaucés sans retenue et sans fausse pudeur à l’écran, se fait au prix de conditions de vie et de travail sordides. Une fois que l’on a mis le pied ou d’autres membres de l’anatomie dans le X, il n’y a pratiquement plus aucun moyen d’en sortir sain et sauf. Si le corps pouvait éventuellement se remettre d’une exigence draconienne en termes de performance sexuelle, aidée par l’abus de toutes sortes de substances, l’empreinte sociale du passage dans cette industrie de la honte s’oubliera beaucoup moins vite. Marqués au fer rouge de l’expiation de nos désirs et plaisirs les plus secrets, les acteurs du porno paient très cher leur heure de gloire, presque aussi éphémère qu’un orgasme. Et même pour les très rares cas qui ont su se faire un nom en dehors de leur écurie inhumaine de la chair, leur reconnaissance publique fera toujours référence à cette perte irréversible de l’intimité et de l’espace privé. Ainsi, quand Linda Lovelace s’était éteinte il y a une dizaine d’années, des suites d’un accident de la route, c’étaient principalement les prouesses de sa bouche dont les médias se souvenaient, au détriment d’une vie que très ponctullement sous l’emprise de l’industrie pornographique.

L’ambition très honorable de dévoiler la femme derrière le fantasme ambulant se conjugue de plusieurs façons dans ce deuxième film de fiction que Rob Epstein et Jeffrey Friedman tournent ensemble. La première partie de Lovelace est en effet une plongée passablement euphorisante dans le microcosme des films X, grâce à l’éclosion de Linda en tant que figure de proue du mouvement inofficiel de la reconnaissance de la sexualité féminine, digne d’un conte de fées un peu salace. Le rêve américain d’une petite fille opprimée par sa mère aigrie – interprétée par une Sharon Stone tout bonnement méconnaissable – y est à la mesure de ses ambitions, c’est-à-dire d’être appréciée pour ce qu’elle est, même si cette existence adulée se résume à ses exploits de sexe oral. Cependant, l’histoire est un peu trop idéalisée pendant cette longue introduction, justement pour nous préparer à un revers de la médaille d’autant plus cruel.

Puisque la carrière de Linda Lovelace n’a guère dépassé son rôle mythique, la narration choisit en effet de revenir une deuxième fois sur cette consécration apparemment parfaite. Le changement de ton fait alors brusquement basculer le récit dans le domaine des tragédies conjugales, dans le sillage de Tina de Brian Gibson. La misère de Linda devient insoutenable, maltraitée que cette pauvre fille est en permanence par son mari infect. On ne le doit alors qu’à la sobriété de la mise en scène que ce changement de vitesse ne dégénère en mélodrame caricatural.

Dommage seulement que le dernier revirement dans la carrière de Linda Lovelace, un retour ironique vers le genre d’existence rangée à laquelle elle était sans doute promise depuis le début, ne bénéficie pas de plus de temps pour mettre en avant la véritable dimension de défenseur des droits des femmes que le personnage principal était devenu sur le tard. Car ce n’est sans doute pas un propos plus militant qui aurait fait fuir les acteurs de renom, aussi nombreux que dans Howl, qui accomplissent une fois de plus des passages éclairs, au mieux anecdotiques.

 

Vu le 6 septembre 2013, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Avant de commencer à faire la critique de ce film, il est intéressant de rappeler que le film Derrière la porte verte (Gorge profonde) sorti en 1972 écrit et réalisé par Gérard Damiano et en mettant en vedette principale Linda Lovelace est un des premiers films pornographiques à comprendre une réelle ampleur (scénario, personnage bien défini). N’ayant coûté en production que 25000 dollars , en trente années d’exploitation, il en a rapporté 600 millions. Ce film a largement contribué à la libération des mœurs aux Etats-Unis et fut projeté à l’époque dans le circuit des salles de cinéma traditionnel. L’héroïne n’aura touché pour son rôle que 2500 dollars.

Ce film de Rob Epstein et Jeffrey Friedman n’est pas moins que la quatrième adaptation de la vie de Linda lovelace et témoigne de l’effroyable calvaire que cette femme a connu étant maltraitée et battue par son mari et manager Chuck Traynor. N’ayant joué que dans deux films pornographiques (de force), Linda Lovelace militera au sein d’un mouvement anti-pornographique. Ce film marque la quatrième collaboration de ces deux réalisateurs (2 documentaires et deux films). Leur premier film remporta l’Oscar du meilleur documentaire en 1989. L’approche de ce film tient ainsi de la même approche. Nous sentons bien que les deux réalisateurs ont parfaitement su mettre en image l’excellent scénario de Andy Belling et Meritt Johnson (Inferno : a linda Lovelace Story..).

Cette histoire n’aurait pas eu une telle force sans la présence d’un casting des plus impressionnants pour un film indépendant. On retrouve ainsi dans le rôle de Linda Lovelace Amanda Seyfield qui casse littéralement son image trop lisse et personnifie parfaitement l’innocence de son personnage. Elle est entourée dans le rôle de ces parents de Sharon Stone (difficilement reconnaissable) et Robert Patrick (très loin de son rôle dans Terminator 2 même si il y retrouve le rôle d’un agent des forces de l’ordre). Le casting parfaitement exploité comprend aussi Peter Sarsgaard, Juno Temple, James Franco, Chloë Sevigny, Eric Roberts…

La force de ce film des plus réussis est de montrer l’envers du décor et de témoigner d’une époque résolue où les femmes n’avaient pas encore leur indépendance et devaient obéir à leurs maris. Il dresse ainsi un portrait d’une femme battue, humiliée qui a réussi à reprendre confiance en elle et à s’émanciper. En publiant son autobiographie Linda Lovelace a ainsi témoigné des souffrances subies. C’est sur la base de ce livre que les deux scénaristes ont écrit leur script. Le film se permet même l’audace de nos remontrer les mêmes scènes à deux reprises afin d’en déceler l’envers du décor. 

Enfin, par le biais d’un casting parfait, d’une réalisation certes lisse mais collant parfaitement au cadre, ce film mérite d’être découvert en salle. Les fans d’Amanda Seyfried qui sont très nombreux risquent d’être choqués mais de saluer sa performance digne des plus grandes comédiennes actuelles.

Vu le 6 septembre 2013, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: