Un trou dans la tête

Un trou dans la tête
Titre original:Un trou dans la tête
Réalisateur:Frank Capra
Sortie:Cinéma
Durée:120 minutes
Date:29 octobre 1959
Note:

Quand Tony Manetta était arrivé en Floride avec ses deux meilleurs amis, il rêvait d’y faire fortune. Depuis, il a dû revoir ses ambitions à la baisse. Car même s’il est le propriétaire de l’hôtel Garden of Eden, sa nature dépensière et son point faible, les femmes, l’ont mené au bord de la faillite. Il ne lui reste que quelques jours avant de se retrouver dans la rue avec Ally, son fils de onze ans. Son dernier recours serait son frère aîné Mario, un commerçant pingre, qui a décidé de prendre en charge l’éducation d’Ally. Or, aussi irresponsable et fauché Tony soit-il, sa relation avec son fils est la chose la plus importante pour lui.

Critique de Tootpadu

Quelle fin de carrière laborieuse pour le réalisateur Frank Capra ! Lui, qui avait su capter comme personne d’autre pendant les années 1930 l’optimisme qui fait battre le cœur de chaque Américain qui se respecte, n’avait plus rien d’essentiel à contribuer au cinéma dès les années ’50. Cette panne d’adaptation à l’évolution des goûts d’un public, qui recherchait désormais une autre forme de guimauve rassurante et gentiment patriotique, est particulièrement évidente dans ses deux derniers films. Alors qu’ils sont, l’un comme l’autre, principalement le produit du narcissisme de leur vedette respective, Frank Sinatra dans Un trou dans la tête et Glenn Ford dans Milliardaire pour un jour, ce dernier fait au moins vivre la vieille magie de Capra par intermittence. La nostalgie n’est hélas pas d’un grand secours dans ce mélange hideusement raté entre l’humour maladroit de Arsenic et vieilles dentelles et une relecture bâclée du conte édifiant sur l’homme qui a tout faux, mais qui réussit néanmoins à s’en sortir grâce à la solidarité de son entourage dans – vous l’aurez reconnu – le chef-d’œuvre La Vie est belle.

Ce film-ci traîne derrière lui toutes les tares des adaptations théâtrales, entreprises sans un minimum d’effort pour rendre l’action plus stimulante d’un point de vue filmique. Les enjeux de l’intrigue y mettent une éternité avant de se concrétiser, comme le prouve la première apparition du personnage de Eleanor Parker au bout d’une heure, et des blagues très lourdes y sont répétées jusqu’à l’écœurement, c’est-à-dire jusqu’à ce que toutes les façons de s’asseoir sur une chaise à bascule aient été épuisées. Les rares relents de la chaleur altruiste, qui avait autrefois inondé les pamphlets humanistes de Frank Capra, se perdent au fil d’une narration qui privilégie les revirements aberrants, au détriment d’une cohérence sentimentale en mesure de nous faire gober même les messages les plus sucrés. En dépit d’un scénario aux répliques pénibles, une impression réussit cependant à se frayer son chemin à travers les deux longues heures de ce film dépourvu de charme : celle de l’amertume et de l’antipathie à l’égard des personnages minables, des réactions totalement à l’opposé de ce que le cinéma du réalisateur signifiait pendant ses années fastes.

Enfin, une part importante de responsabilité dans l’échec du film revient également à Frank Sinatra, qui se contente de perpétuer le cliché du Don Juan bien intentionné, mais malchanceux, qui ne veut que ce qu’il y a de mieux pour son gamin. Le bon fond du personnage aurait éventuellement pu convaincre dans un contexte plus innocent et moins cynique que cette représentation caricaturale de la Floride, pourtant encore privée pour une dizaine d’années du grand bazar de Disneyland.

 

Vu le 16 juillet 2013, au Reflet Médicis, Salle 3, en VO

Note de Tootpadu: