Milliardaire pour un jour

Titre original: | Milliardaire pour un jour |
Réalisateur: | Frank Capra |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 132 minutes |
Date: | 26 janvier 1962 |
Note: | |
Pendant la prohibition, la vieille vendeuse de pommes Annie est la reine des mendiants de Times Square. Elle envoie régulièrement des lettres avec l’en-tête d’un hôtel de luxe à sa fille en Espagne, auprès de laquelle elle se fait passer pour une dame de la haute société. Quand sa fille lui annonce qu’elle souhaite épouser un comte espagnol et qu’elle viendra à New York pour lui présenter sa famille, Annie tombe des nues. Seul son client fidèle Dave le Dandy, un gangster qui lui achète régulièrement des pommes en guise de porte-bonheur, pourra la sortir de cet embarras. Mais ce caïd mondain, également sollicité par sa copine Queenie pour un mariage et une vie tranquille à la campagne, est réticent à l’idée de devoir assurer seul la transformation de cette vieille loque humaine en une dame riche et distinguée.
Critique de Tootpadu
En tant que chant de cygne précoce, le dernier film de Frank Capra reflète avec une exhaustivité assez remarquable les principaux thèmes et effets de style du réalisateur. Cette somme d’une œuvre pâtit en même temps de la comparaison avec les coups de maître du passé, dont Milliardaire pour un jour n’est dans le meilleur des cas qu’une prolongation exsangue, voire superflue. L’opulence du cinéma hollywoodien des années 1960, empressé d’en mettre plein la vue aux spectateurs qui désertaient en masse le grand écran pour le petit, ne convient pas non plus à cette histoire presque intimiste, qui avait été un des premiers grands succès du réalisateur trente ans plus tôt.
Avant d’être un remake boursouflé de Lady for a day, qui était sensiblement plus en phase avec l’état d’esprit de pauvreté et de misère sociale propre au début des années 1930, ce film est donc le condensé peu organique de l’univers cinématographique de Frank Capra. Curieusement, le point de repère prépondérant s’avère être Arsenic et vieilles dentelles, une autre incursion au taux de réussite discutable du réalisateur dans le domaine de la comédie acerbe. Toute la partie autour de Dave, un gangster de la vieille école comme Hollywood aimait les cultiver jusqu’à la décennie suivante, quand Le Parrain de Francis Ford Coppola allait dresser un portrait moins complaisant du crime organisé, ressemble en effet beaucoup au ton hystérique – et guère amusant – des déboires de Mortimer Brewster, lui aussi écartelé dans tous les sens par des sous-fifres incapables de s’en sortir sans lui. Sauf qu’il manque à Glenn Ford, un acteur très rarement charismatique, cette exubérance et ce grain de folie qui rendaient le cabotinage de Cary Grant supportable.
Les bons sentiments et la foi en une Amérique solidaire, qui anoblissaient le volet dramatique de la filmographie de Frank Capra, se trouvent ici plutôt dilués, comme si le réalisateur les incluait par obligation envers une recette en laquelle il ne croyait déjà plus sincèrement. Lorsque la réception d’Annie est sauvée in extremis et d’une façon bien sûr calquée sur un des plus touchants dénouements de l’Histoire du cinéma dans La Vie est belle, l’impact émotionnel de cette grande finale est alors assez superficiel. Il se perd dans la structure globale trop confuse d’un film, qui devient presque quelconque à force de vouloir satisfaire les exigences contradictoires de ses créateurs. Tandis que le producteur Glenn Ford dans toute sa fadeur cherche à s’accaparer comme toujours le rôle le plus prestigieux, au détriment d’une interprétation plus chaleureuse de la part de Bette Davis ou plus extravagante de Peter Falk, le réalisateur Frank Capra s’accroche une dernière fois à ce qu’il savait faire de mieux, vingt ans plus tôt. Cette démarche tristement anachronique est peut-être ce qui rend cette épopée creuse et inégale encore le plus intéressante de nos jours, quand il convient davantage de se souvenir des véritables chefs-d’œuvre de l’ultime optimiste de Hollywood !
Revu le 15 mai 2012, au Quartier Latin, Salle 2, en VO
Note de Tootpadu: