Only God forgives

Only God forgives
Titre original:Only God forgives
Réalisateur:Nicolas Winding Refn
Sortie:Cinéma
Durée:89 minutes
Date:22 mai 2013
Note:
Julian a dû quitter les Etats-Unis. Il s’est installé à Bangkok, où il dirige un club de boxe thaïlandaise. C’est son frère aîné Billy qui s’occupe de la partie sombre de l’entreprise, le trafic de drogues en tout genre. D’un tempérament irascible, Billy finit par assassiner sauvagement une jeune prostituée. Le chef de police Chang, appelé sur les lieux du crime, donne au père de la victime l’occasion de se faire justice à lui-même en tuant à son tour le meurtrier. Ce nouvel acte de barbarie fait débarquer Crystal, la mère possessive de Julian et Billy. Elle exige que les coupables paient pour ce qu’ils ont fait à son fils préféré.

Critique de Tootpadu

Ryan Gosling parle à peine dans ce film. Ce qui peut révéler de l’anecdote malveillante dans le cadre de films où la voix faiblarde de l’étoile montante du cinéma américain est en parfaite contradiction avec son physique à tomber par terre, notamment dans les rares comédies où il s’est aventuré jusqu’à présent et dans lesquelles son timbre nasillard et puéril détonne particulièrement, est au contraire un des piliers de la construction morale complexe du nouveau film du réalisateur danois Nicolas Winding Refn. Car derrière ses airs d’observateur sans état d’âme, qui paraît tirer les ficelles dans les bas-fonds de Bangkok, Julian est de plus en plus démasqué comme un faible, comme le chaînon défectueux entre les deux extrêmes sanguinaires de sa mère Crystal et du policier impassible Chang. Dans l’équilibre précaire de l’intrigue minimaliste de Only God forgives, il quitte progressivement le rôle d’arbitre, qui lui revenait de plein droit en tant que dernier personnage encore habité par les vestiges d’un héroïsme à l’ancienne, pour s’adonner entièrement à ses démons œdipiens et un vague à l’âme en parfaite symbiose avec le ton onirique de cette œuvre fascinante.
Nous avons beau considérer ce film comme le plus grand accomplissement cinématographique de son réalisateur depuis Bronson, ces deux sommets provisoires d’une filmographie magistrale en devenir ne pourraient pas être plus différents. Tandis que la biographie du prisonnier le plus dangereux d’Angleterre déborde d’une folie destructrice qui se focalise dans l’unique tour de force de Tom Hardy à ce jour, cette épopée-ci du crime est infiniment plus contemplative et dédiée à l’ivresse des sens à travers un rêve éveillé, à la fois éthéré et monstrueux. Les couleurs de la photo splendide de Larry Smith remplissent le cadre avec une intensité, qui ferait presque oublier que la palette ne consiste en fait que du champ chromatique réduit de rouges et de bleus, tout comme la bande originale de Cliff Martinez crée une enveloppe sonore joliment omineuse. Cet émerveillement plastique pour les yeux et les oreilles est cependant au service d’une intrigue, rudimentaire certes, mais hantée par une vision du crime organisé en Asie hautement nihiliste.
Il n’y a pas de pardon, ni de soulagement moral à espérer de cette croisade de vengeance exécutée sans la moindre finesse par de sinistres hommes de main. Au geste emblématique de Chang qui devient un avec son sabre avant de massacrer ses adversaires répond ainsi le regard hagard de Julian, soumis, voire émasculé par son entourage de femmes plus fortes que lui. Voir les futures valeurs sûres du cinéma américain s’exiler de la sorte en Orient, cela revient à sonner le glas d’une domination occidentale, décimée sans ménagement par un pragmatisme asiatique qui primera toujours sur les scrupules d’une identité américaine en berne. Ce film magnifique n’explicite guère ce genre de raisonnement dans son choc des cultures sur un air de karaoké et des décors à la beauté étouffante. Il confirme cependant que le style méditatif de Nicolas Winding Refn n’a pas fini de nous surprendre agréablement, à condition de s’affranchir des codes du genre pour mieux les réinterpréter selon la formule sublimement irréelle que le réalisateur peaufine de film en film.

Vu le 24 mai 2013, au Max Linder, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Nicolas Winding Refn en neuf films s’est imposé comme l’un des plus brillants réalisateurs européens actuels. Après sa trilogie Pusher (1996, 2004, 2005) et une parenthèse en Angleterre (Bronson) et américaine (Drive, son meilleur film à ce jour), il livre avec son dernier film un brillant hommage aux films d’action des années 90 mettant notamment en scène des actionners tel Jean Claude Van Damme, Steven Seagal et consorts.

La trame de départ du film nous renvoie donc à ces films d’action se passant notamment à Bangkok comme Kickboxer. Dans cette ville thaïlandaise, Julian (Ryan Gosling), qui a fui la justice américaine, dirige un club de boxe thaïlandaise servant de couverture à un trafic de drogue qu’il a monté avec son frère Billy (Tom Burke) . Un soir, celui-ci se fait tuer après avoir sauvagement massacré une jeune prostituée. Leur mère (Kristin Scott Thomas), chef d’une vaste organisation criminelle, débarque donc des États-Unis afin de rapatrier le corps de son fils préféré, Billy . Julian devra alors affronter Chang (Vithaya Pansringarm), puissant chef de la police locale à la lame implacable.

Ce film transcende le genre auquel il appartient car superbement mis en scène, il s’oriente peu à peu vers une ambiance glauque extrême et part dans des directions inattendues. En effet, loin d’être une succession de scènes d’action comme le scénario pourrait le laisse entendre, le réalisateur s’oriente vers une étude des trois personnages principaux et leurs interférences. A regarder de plus près, le véritable héros de ce film n’est pas le brillant Ryan Gosling mais plutôt ce chef de la police soit un Inspecteur Harry Local véritable juge et bourreau de la ville de Bangkok. En effet, Julian est un truand régnant avec beaucoup de retrait sur son Empire. Certains plans du film nous montre la torture morale que celui-ci subit non seulement d’une mère tyrannique mais de la part d’une des prostituées dont il s’est épris.

Nicolas Winding Refn fait de son film une succession de tableaux impressionnants par la précision et le découpage apportée. Allant même à contre-sens de l’attente du public, il fait de son film un classique instantané et expérimental à la fois. Il n’y aura pas de second combat comme dans Kickboxer pour Julia. Son impuissance à pouvoir s’exprimer et ne plus croire en l’avenir lui fera non seulement perdre le premier et unique combat contre Chang mais également la raison de continuer à vivre.

La lenteur volontaire du film de Nicolas Winding Refn ne fait qu’accentuer les scènes de violence extrême . Certes, ceux qui attendaient un Drive 2 (même acteur principal, même réalisateur) risque de sortir déçu de ce film parfaitement maîtrisé. Mal percevoir la portée de ce film reviendrait à ne pas reconnaître en son réalisateur, un véritable perfectionniste.

Vu le 31 mai 2013 au Gaumont Disney Village, Salle 12 , en VF

Note de Mulder: