Lincoln

Lincoln
Titre original:Lincoln
Réalisateur:Steven Spielberg
Sortie:Cinéma
Durée:150 minutes
Date:30 janvier 2013
Note:
En janvier 1865, sur fond d’une guerre civile qui dure depuis près de quatre ans, le président américain Abraham Lincoln s’apprête à commencer son second mandat. Avant cette date symbolique et surtout avant que les Etats du Sud ne demandent des pourparlers de paix, il compte faire adopter à la chambre des représentants le 13ème amendement à la constitution américaine, qui signifierait l’abolition de l’esclavage. Une vingtaine de voix de l’opposition manquent cependant à Lincoln pour entériner cette mesure phare de sa politique libérale. Pendant les quelques jours décisifs avant le vote, il emploie toutes les ruses politiques de rigueur à Washington pour les obtenir.

Critique de Tootpadu

Personne ou presque aux Etats-Unis ne dira du mal de Abraham Lincoln, le plus illustre et exemplaire des présidents, celui qui a su préserver l’unité de la nation et donner en même temps un coup de pouce important à l’évolution d’une société, qui avance jusqu’à ce jour à plusieurs vitesses. Personne avant ou après lui n’a autant fait l’unanimité dans les éloges, ni George Washington, ni Franklin D. Roosevelt. Ce politicien parfait, visionnaire et pragmatique, modeste et ferme dans la défense de ses valeurs, a déjà fait l’objet de plusieurs traitements cinématographiques, parmi lesquels celui de John Ford (Vers sa destinée) se distingue en bien et celui de Timur Bekmambetov sorti il y a seulement six mois (Abraham Lincoln Chasseur de vampires) en mal. Car au lieu d’affronter héroïquement une armée de créatures fantastiques, le président s’est servi des derniers mois de sa vie pour faire passer de force au parlement une loi qui allait durablement améliorer les conditions de vie de la population afro-américaine, à défaut de lui garantir une égalité absolue avec les blancs. Lincoln retrace cette course contre la montre procédurière avec un sérieux qui frise souvent la reconstitution historique trop noble pour être réellement engageante.
Le ton hautement solennel du film ne laisse certes aucun doute sur le caractère extraordinaire des événements relatés. Mais en même temps, il enferme le récit dans une posture cérémonieuse qui risque régulièrement de nous faire plonger dans le genre d’ennui bienveillant que provoquent chez nous les émissions instructives sur toujours les mêmes périodes historiques. L’Histoire en majuscules prend donc toute son ampleur ici, au détriment d’une narration à peine moins lénifiante que le rythme de vie pondéré de l’époque. Le scénario de Tony Kushner, aussi brillant dans la formulation de répliques à l’exigence littéraire hélas trop rare de nos jours qu’il est enclin à une théâtralité un brin poussiéreuse, nous donne ainsi un aperçu de la vie au cœur du pouvoir à ce moment charnier de l’Histoire américaine. Ce portrait très respectueux et très soigné n’arrive pourtant pas à nous faire vibrer au rythme des différentes étapes d’une bataille acharnée pour une cause profondément juste.
En somme, cette machine à Oscars qui a gravement calé avant la ligne d’arrivée est une fresque quasiment intimiste sur les coulisses de la Maison Blanche. Elle n’est par contre nullement du grand cinéma ! Pour cela, la mise en scène de Steven Spielberg se montre beaucoup trop sage et académique, même si nous reconnaissons une retenue tout à fait appréciable en termes de déraillements narratifs ou formels préjudiciables. Nous n’en avons retenu que trois : la courte séquence onirique au début, l’annonce de l’assassinat par l’intermédiaire du jeune fils traumatisé de Lincoln, et enfin l’apparition posthume de ce dernier à travers la flamme d’une bougie. Néanmoins, l’interprétation d’une intensité calme de Daniel Day-Lewis et celle, sensiblement plus expressive, de Sally Field dans le rôle de sa femme valent le détour dans ce film à la longueur discutable.

Vu le 19 février 2013, à l’UGC Ciné Cité Bercy, Salle 12, en VO

Note de Tootpadu: