
Titre original: | Crawl |
Réalisateur: | Hervé Lasgouttes |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 92 minutes |
Date: | 30 janvier 2013 |
Note: | |
Incapable de mener une vie régulière, Martin enchaîne les petits boulots dont il est invariablement viré en raison de ses activités malhonnêtes. Il vit chez son père alcoolique au fin fond de la Bretagne et reste proche de sa sœur aînée Corinne, une infirmière, qui, elle, a réussi à fonder une famille modèle. Quand Martin rencontre Gwen un soir en boîte, son existence de vagabond trouve son premier point d’attache. Mais la relation entre cette jeune femme ambitieuse, qui travaille dans la conserverie locale et qui s’entraîne tous les matins à la nage en pleine mer, et le voyou risque de ne pas durer, lorsque Martin franchit le pas vers le crime.
Critique de Tootpadu
Sur le fond pittoresque d’une Bretagne qu’on ne voit hélas pas souvent sur les écrans du cinéma français – brute, mais moins sauvage que profondément déserte –, ce premier film prometteur mène en filigrane une guerre des sexes bien plus révélatrice des rapports de force entre les personnages que les rares ressorts dramatiques qui ponctuent l’intrigue. Crawl n’est pas une tragédie sur la déchéance de jeunes têtes brûlées, comme ont pu l’être dans le passé Le Clan de Gaël Morel et Itinéraires de Christophe Otzenberger. Martin ne remplit certes nullement un rôle exemplaire, ni en bien, ni en mal, mais sa lente descente vers la criminalité n’est au fond que le pendant de l’activité aussi crispée et peu joyeuse de son beau-frère Jean, un contremaître écrasé par ses responsabilités professionnelles et familiales. Le malaise des personnages masculins, auxquels appartient bien sûr également le père aux capacités sensiblement diminuées par l’alcool qui est encore moins autonome que son fils, ouvre cependant finement la voie à la force des femmes, sournoise mais déterminante pour assurer la survie dans un environnement gangrené par le chômage et une misère sociale omniprésente.
Alors que le symbole de la double grossesse, de Gwen et de Corinne, est peut-être un peu trop voyant par son côté de sous-entendu de la transmission de la vie, en dépit d’un contexte difficile d’un point de vue matériel et affectif, il constitue néanmoins l’aspect le plus ostentatoire d’une affirmation de la vie qui fait ici cruellement défaut aux hommes. De même, ce sont les personnages féminins qui poursuivent d’une façon pragmatique un but choisi, le championnat de nage au Mexique, ou subi, un troisième enfant qui arrive par accident, pendant que leurs compagnons respectifs se débattent laborieusement contre des urgences qu’ils ont du mal à gérer convenablement. Dans ce contexte, le titre du premier film du réalisateur Hervé Lasgouttes est doublement révélateur. D’abord, parce que l’activité de nage revient exclusivement à Gwen, bien que Martin soit clairement le protagoniste de l’histoire. Et puis, à cause des caractéristiques de cette manière de progresser contre vents et marées, et plus globalement contre une résistance certaine, qui reflète parfaitement le ton de ce film discret, qui n’attire guère l’attention, mais qui s’acquitte très honorablement de sa tâche de conter un drame mi-familial, mi-romantique, sans affection ni coups de théâtre excessifs.
Vu le 21 janvier 2013, à la Salle Pathé Lincoln
Note de Tootpadu: