Django unchained

Django unchained
Titre original:Django unchained
Réalisateur:Quentin Tarantino
Sortie:Cinéma
Durée:165 minutes
Date:16 janvier 2013
Note:
En 1858, Django, un esclave qui a du cran, a été vendu par son maître parce qu’il voulait s’enfuir avec sa femme Broomhilda. En route vers une nouvelle vie de servitude, Django est libéré par le docteur King Schultz, un chasseur de primes allemand qui a besoin de ses services afin de reconnaître les trois hommes qu’il compte appréhender prochainement, plutôt morts que vifs. Une fois le contrat rempli, Django sera un homme libre. Mais Schultz se sent responsable de l’ancien esclave et, après avoir fait équipe avec lui pendant l’hiver, il lui soumet un stratagème infaillible pour libérer à son tour Broomhilda des mains du riche propriétaire et amateur de combats d’esclaves jusqu’à la mort Calvin Candie.

Critique de Tootpadu

La cinéphilie de Quentin Tarantino n’est plus à prouver depuis longtemps. Martin Scorsese mis à part, il s’agit sans doute du réalisateur le plus érudit dans toutes sortes de types différents de films au fil de l’Histoire du cinéma. Cette passion inconditionnelle pour l’art cinématographique sous toutes ses formes s’avère cependant de plus en plus comme une malédiction bénigne pour ce cinéaste, qui avait su révolutionner le cinéma américain indépendant avec ses trois premiers films magistraux. Car depuis Jackie Brown, Tarantino ne fait essentiellement plus que recycler avec plus ou moins de panache et d’ingéniosité les genres populaires qui sont à l’origine de son engouement pour le Septième art. Le tour est désormais au western spaghetti, dont le représentant le plus célèbre est bien sûr Sergio Leone, bien que de petits maîtres comme Sergio Corbucci aient également su laisser leur marque dans cette version européenne plutôt bon marché des mythes fondateurs des Etats-Unis, avec des films comme Le Grand silence et le Django original justement.
Alors que ces westerns des années 1960 avaient toujours quelque chose de poisseux et de vulgaire, ne serait-ce qu’à cause de la simplicité rudimentaire de leur intrigue et de la fausse sueur qui ruisselait sur le visage des héros mal rasés, Django unchained ne se sert qu’accessoirement de ces banalités. En effet, il s’agit d’un film qui cultive des ambitions plus nobles, telle l’évocation sans fard des atrocités de l’esclavage peu de temps avant la guerre de Sécession, tout en voulant concocter un pot-pourri formel qui cite toutes les influences du western et qui ravira un éventail large de spectateurs. A l’image de la façon de parler de Quentin Tarantino, toujours un peu trop arrogante et désordonnée à notre goût, la narration de cette épopée longue passe sans la moindre inhibition du coq à l’âne, d’une fusillade digne de Sam Peckinpah aux plans contemplatifs de la campagne américaine, au choix enneigée, rocheuse ou débordante de vitalité. Cette juxtaposition de tons qui suit le rythme ample d’une série d’actes apparemment sans fin, elle a certes l’avantage de dresser un tableau exhaustif du genre. Mais en même temps, à force d’inclure sans arrêt des clins d’œil et des acteurs dissimulés dans des rôles qui bordent à la figuration, elle court le risque sérieux de la complaisance formelle, sans autre finalité que de citer là où une véritable réappropriation du genre aurait dû être à la portée d’un réalisateur expérimenté comme Quentin Tarantino.
Aussi jouissif ce film puisse-t-il se montrer par moments, notamment lorsqu’il est question de la création d’un mythe autour du personnage central – contre toute attente interprété avec l’aplomb nécessaire par un Jamie Foxx en grande forme –, il nous apparaît à la première vision comme un Tarantino mineur. Pareil verdict mesuré nous avait fait bouder pendant longtemps une révision fort éclairante de Jackie Brown. Toutefois, le temps que ce film-ci à la fois élégant et inégal se prête à une réévaluation d’ici quelques années, nous lui préférons clairement dans l’immédiat un autre film qui prétend être du Tarantino, sauf que l’apprenti RZA a réussi une copie infiniment plus divertissante et grandiloquente avec L’Homme aux poings de fer que cet hommage passablement empoté d’un sous-genre d’habitude plus bref et agile, grâce à l’économie de ses moyens.

Vu le 13 décembre 2012, à l’UGC Normandie, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Quentin Tarantino est sûrement l’un des plus intéressants réalisateurs américains actuels car sa filmographie très éclectique ne semble pas tourner vers une optique répétée d’une solution bien huilée et exploitée, film après film. Loin des réalisateurs assujettis aux conditions des grands studios américains et devenus à force de véritables machines à tourner à la chaîne des produits sans âme, Quentin Tarantino continue à nous étonner à chacun de ses nouveaux films. Non seulement, il écrit ses films mais les réalise, ce qui lui permet d’avoir un contrôle pratiquement total sur la production. Il est donc loin le temps où, en 1992, il réalisait un film qui allait faire de lui l’un des réalisateurs les plus adulés. Après avoir réalisé des films-hommages à des genres très distincts, de gangsters (Reservoir dogs, Pulp fiction), d’action (Kill Bill), des adaptations de comics culte (Sin City) et des films Grindhouse (Boulevard de la mort), des films de guerre (Inglorious basterds), il s’attaque à un genre qu’il apprécie particulièrement, le western.

L’histoire narrée se déroule dans le sud des Etats-Unis, deux ans avant la guerre de Sécession et présente deux personnages pittoresques le Dr King Schultz (un chasseur de primes allemand campé par l’excellent Christoph Waltz) et son esclave affranchi Django (Jamie Foxx dans l’un de ses meilleurs rôles à ce jour). Il s’agit de délivrer la femme de Django d’un puissant et dangereux propriétaire Calvin Candie (interprété par Leonardo DiCaprio). Sur une durée de pratiquement trois heures, le réalisateur nous fait passer d’un western traditionnel avec règlements de compte à un brillant exercice de style, dont le cadre est celui d’une immense demeure. Comme à chacun de ses films, Quentin Tarantino se révèle être un grand directeur d’acteurs et surtout arrive à donner vie à une multitude de seconds rôles interprétés par des acteurs qui ont marqué pour certains de leur nom une époque passée (Don Johnson, Franco Nero). De la même manière, chacun des films de Quentin Tarantino se caractérise par des scènes de violence extrême et l’utilisation d’une musique accordée parfaitement aux scènes du film et permettant de créer une vraie ambiance. A ce niveau, la musique d’un film avec le thème magnifique de l’illustre Ennio Morricone est une des plus belles réussites que nous avons pu avoir récemment.

Django unchained est à mes yeux le film le plus abouti et parfait que Quentin Tarantino nous présente. Non seulement, certaines scènes sont vouées à devenir culte, mais surtout, il donne sujet à réflexion concernant cette période putride de l’Amérique, où l’esclavage était toléré et permettait à certains d’exploiter des hommes dans des conditions inhumaines. Quentin Tarantino ne fait pas que de se rapproprier une époque et un genre, il le transcende et fait de son film l’équivalent des œuvres cultes de Sergio Leone. Dans une période dans laquelle le genre du western est tombé en désuétude, Quentin Tarantino lui rend le plus bel hommage possible et surtout transfigure film et en fait une ode à la vie, au dépassement de soi. Il nous livre ainsi une histoire forte, pleine de violence et d’humour subtil, une fresque comme nous n’avons pas pu en voir au cinéma depuis trop longtemps.

Nous ne pouvons que trop vous conseiller de ne pas rater en salle cet excellent western, qui restera longtemps comme un hymne brillant au Cinéma d’un genre passé.

Vu le 13 décembre 2012, à l'UGC Normandie, Salle 1, en VO

Note de Mulder: