Télé Gaucho

Télé Gaucho
Titre original:Télé Gaucho
Réalisateur:Michel Leclerc
Sortie:Cinéma
Durée:113 minutes
Date:12 décembre 2012
Note:
En 1996, Victor n’est qu’un jeune cinéphile idéaliste, qui rêve de quitter sa banlieue de Bures-sur-Yvette afin de suivre à Paris les traces de ses réalisateurs de chevet, comme Godard. Grâce à un stage qu’il décroche auprès de Patricia Gabriel, la présentatrice de l’émission phare de sa mère sur une chaîné commerciale, son rêve se réalise et il monte à la capitale. Dans son quartier, il se met à fréquenter Jean-Lou et sa bande d’anarchistes bordéliques, qui animent ensemble la chaîne associative Télé Gaucho, présente à chaque manifestation en faveur des oubliés de la république. Dès lors, Victor devra faire un choix entre une carrière toute tracée chez les pros de la plaine Saint Denis, ou son engagement dans cette entreprise collective sans ligne directrice.

Critique de Tootpadu

Quels doux souvenirs il nous inspire, le milieu des années 1990, qui coïncidait avec nos premières années à Paris et une euphorie nourrie par la découverte des nouvelles technologies comme le web et, oui, le Bi-Bop ou les petits terminaux de radiomessagerie pour les moins fortunés. C’était une période pleine d’allégresse et d’insouciance, qui a éclaté comme une bulle sans laisser de séquelles dignes d’intérêt. Un peu comme le troisième film du réalisateur Michel Leclerc, qui redescend sur Terre après avoir côtoyé les dieux cinématographiques le temps de son heure de gloire éphémère avec le sublime Le Nom des gens. La touche humaine qui avait rendu celui-ci si pétillant et joyeux se transforme ici en état des lieux presque laborieux d’un milieu engagé qui se bat contre de supposés moulins à vent. Les formes de militantisme ont en effet bien changé en près de vingt ans, tout comme l’ennemi à combattre qui se cache plus que jamais dans la jungle des magouilles financières.
Or, contrairement à un film à la tonalité nostalgique très forte comme Le Péril jeune de Cédric Klapisch, qui effectuait un saut dans le temps comparable en termes de décalage entre l’année de l’action et celle de la sortie, Télé Gaucho ne fonctionne pas réellement sur le mode de la mise en abîme entre le passé et le présent. Il se contente d’évoquer avec tout ce que cela implique de clichés sur la jeunesse et sa fausse liberté de faire de mauvais choix le sort d’un groupe de personnages mal assortis, qui se sont réunis presque par hasard pour défendre un idéal de gauche des plus nébuleux. Est-ce donc à cause de la frilosité de ses positions politiques que l’intrigue ne fonctionne pas mieux ? Ou bien, ce prétexte d’un collectif où tout le monde a droit à la parole cache-t-il simplement la vacuité d’un propos point aussi sagace quant à la nature humaine que dans le film précédent du réalisateur ?
Toujours est-il que nous nous trouvons face à un exemplaire du cinéma français plein de bonnes intentions, mais incapable de les transformer en une magie narrative réellement engageant. Ainsi, nous n’en voulons pas tant à une interprétation globalement décevante, qui se manifeste à travers le manque de charisme de Félix Moati dans le rôle principal, le jeu hystérique de Maïwenn et de Eric Elmosnino, la copie fadasse comparée aux personnages qui ont fait la réputation de Sara Forestier d’étoile montante du jeune cinéma français, et le gâchis de comédiens éprouvés comme Zinedine Soualem et Samir Guesmi dans des emplois entièrement dispensables. Ce que nous regrettons le plus dans ce film plaisant, mais guère plus, c’est qu’il peine considérablement à raviver en nous cet état d’esprit propre à la parenthèse enchantée entre la fin de la Guerre froide et le début de la guerre contre le terrorisme, dont nous sommes restés nostalgiques malgré tout.

Vu le 5 décembre 2012, à la Salle UGC

Note de Tootpadu: