Killer Joe

Killer Joe
Titre original:Killer Joe
Réalisateur:William Friedkin
Sortie:Cinéma
Durée:102 minutes
Date:05 septembre 2012
Note:
Chris, un petit dealer minable au Texas, doit réunir rapidement une somme importante pour régler sa dette auprès de la pègre locale. Il soumet alors à son père Ansel le plan de faire assassiner sa mère par un tueur à gages et de partager ensuite l’argent de l’assurance vie, dont sa petite sœur Dottie est le bénéficiaire. La famille engage Joe Cooper, un inspecteur qui arrondit ses fins de mois en remplissant des contrats de ce genre. Or, Joe exige d’être payé en avance, faute de quoi il prendra Dottie en guise de caution.

Critique de Tootpadu

William Friedkin a mené une carrière pour le moins inhabituelle. Après la consécration au début des années 1970, il avait entamé une lente descente aux enfers, puisqu’il n’était à aucun moment en mesure de répéter le coup magistral double qui l’avait fait entrer dans la cour des grands à Hollywood. Ce n’est que la rupture avec le système des studios, dont il a par ailleurs bien profité grâce aux faveurs de sa femme à la tête de la Paramount, qui lui a permis de trouver un second souffle et de signer le deuxième film de suite qui démentirait presque tout le mal que nous avons pu écrire sur sa filmographie des trente dernières années. Seul son contemporain Francis Ford Coppola a connu un sort comparable, à la différence notable près que le retour aux sources du cinéma indépendant ne s’est pas encore soldé pour celui-ci par un succès sans équivoque.
La bonne fée de ce retour en force s’appelle bien sûr Tracy Letts, l’auteur qui avait déjà concocté l’histoire folle de Bug, et qui fournit ici une trame par moments aussi extrême que cette perte progressive de la raison qui nous avait enthousiasmés il y a cinq ans. Le crétinisme des personnages, dont la narration se gave avec un malin plaisir, y sert de prétexte pour un regard sans complaisance sur l’Amérique rurale dans ce qu’elle a de plus bête et ignoble. De leur tentative minable de toucher le gros lot découle cependant une sensualité poisseuse, dont un autre film récent inscrit dans la même tradition du film noir comme The Killer inside me de Michael Winterbottom ne peut que rêver. Le rythme est beaucoup plus dense ici, avant que les stratagèmes et les bassesses ne culminent dans un dernier acte à la démesure et à l’ambiguïté morale insoupçonnées.
D’une facture technique aussi maîtrisée que le film précédent de William Friedkin – notamment grâce à la belle photographie de Caleb Deschanel qui fige le personnage de Matthew McConaughey dans quelques poses emblématiques – mais hélas pas aussi téméraire que lui, Killer Joe est toutefois la confirmation de la renaissance incroyable d’un réalisateur dont nous n’attendions plus rien. Espérons qu’il continuera sur la voie des histoires à la fois intimistes et extravagantes, qui lui permettrait de redorer définitivement son blason lors de cet épilogue d’un parcours autrement très inégal.

Vu le 21 août 2012, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: