Chants de Mandrin (Les)

Chants de Mandrin (Les)
Titre original:Chants de Mandrin (Les)
Réalisateur:Rabah Ameur-Zaïmeche
Sortie:Cinéma
Durée:97 minutes
Date:25 janvier 2012
Note:
En 1755, le célèbre hors-la-loi et héros populaire Louis Mandrin est exécuté. Sous le commandement de Bélissard, ses compagnons mènent alors une nouvelle campagne de contrebande dans les provinces françaises. Par le biais d’un colporteur, un marquis qui sympathise avec les idées pré-révolutionnaires des brigands cherche à entrer en contact avec eux, afin de publier le testament politique et les chants poétiques du martyr.

Critique de Tootpadu

Ce n’est certainement pas du côté d’une évocation historique hautement dépaysante que l’on s’attendait à retrouver le réalisateur Rabah Ameur-Zaïmeche, jusque là abonné aux histoires sur le malaise de l’intégration des immigrés en France et ses répercussions dans les pays d’origine. En même temps, le quatrième film représente l’occasion parfaite pour changer de registre, comme l’avait déjà montré le précurseur en termes de pamphlets sur la banlieue Jean-François Richet. Sauf que ce dernier avait suivi à ce moment-là de sa carrière l’appel de l’argent hollywoodien pour tourner un film de genre aussi peu exceptionnel qu’Assaut sur le central 13, là où son confrère, né la même année mais passé derrière la caméra sensiblement plus tard, s’aventure sur des terrains cinématographiques peu hospitaliers pour le public peu exigeant des multiplexes. Très loin des épopées romantiques d’époque dont le cinéma britannique a depuis longtemps fait sa chasse gardée, Les Chants de Mandrin s’apparente plutôt aux Amours d’Astrée et de Céladon. Comme le dernier film d’Eric Rohmer, cette rupture dans le fond et la forme pour Rabah Ameur-Zaïmeche intrigue par son ton et sa structure narrative, aux antipodes de nos habitudes de réception, trop facilement considérées comme acquises.
L’austérité de la mise en scène et la simplicité du vocabulaire visuel rendent en effet impossible l’apparition du moindre pathos superflu. Il se dégage au contraire du film une curieuse sensation naturaliste, comme si le réalisateur lorgnait désormais plus du côté de la pureté dépouillée et intemporelle d’un Robert Bresson que des enjeux sociaux qui animaient encore ses trois films précédents, de Wesh-wesh Qu’est-ce qui se passe ? à Dernier maquis. Le récit minimaliste réussit à nous prendre au dépourvu, à travers un rythme calme et en même temps habité par l’intensité d’une croisade en faveur du peuple, qui n’était pas encore sure de triompher un quart de siècle avant la Révolution française. La narration ne joue cependant pas du tout le jeu des indices qui laissent prévoir les grands bouleversements à venir. Le combat de Bélissard et ses hommes appartient plus concrètement à ces causes menées par des idéalistes marginaux, qui poursuivent leur objectif idéologique sans se faire d’illusions sur la nature imperturbable du statu quo social.
Mais là encore, l’intention de Rabah Ameur-Zaïmeche ne paraît nullement être de prêcher aux convertis le conte de l’injustice de notre civilisation. Son film ressemble davantage à une capsule temporelle, à la fois étrange et rassurante, qui nous plonge – sans nous forcer la main – dans une époque révolue, dont le style de vie et le mécanisme des événements n’avaient pas grand-chose à voir avec la suprématie actuelle d’une efficacité, qui n’a guère le droit au doute ou à l’erreur quant à la finalité de la moindre action. Ou bien, pour tenter d’exprimer autrement nos sentiments contradictoires suite à la vision de ce film atypique : il n’est pas sûr que ce mélange assez particulier de poésie et de banditisme champêtre veuille forcément dire quelque chose, mais la façon dont il est présenté nous a tout au moins charmés dans son refus de se plier aux conventions, qui régissent normalement les reconstitutions historiques.

Vu le 17 janvier 2012, au Club de l'Etoile

Note de Tootpadu: