Hugo Cabret

Hugo Cabret
Titre original:Hugo Cabret
Réalisateur:Martin Scorsese
Sortie:Cinéma
Durée:126 minutes
Date:14 décembre 2011
Note:
L’orphelin Hugo Cabret vit seul dans l’enceinte d’une grande gare parisienne, depuis que son oncle Claude, en charge de remonter les nombreuses horloges de ce point névralgique de la circulation urbaine, n’est pas revenu d’une nuit de beuverie. Cette absence ne chagrine pas outre mesure le garçon, puisqu’il espère réparer sous peu un automate que son père lui a légué et qui lui tiendra compagnie. Il ne lui manque plus que quelques pièces avant d’achever ce travail de longue haleine, des outils qu’il subtilise au fur et à mesure dans le magasin de jouets de la gare, tenu par l’acariâtre Monsieur George. Hélas, Hugo se fait prendre par ce dernier et devra lui donner le carnet de notes et esquisses techniques à partir desquelles il avait reconstitué la machine à forme humaine.

Critique de Tootpadu

Martin Scorsese est certainement le plus cinéphile des réalisateurs américains en activité. Alors que même le plus ignoble des tâcherons dispose bien d’une référence dans l’Histoire du cinéma qui a dû le pousser à choisir cette voie au détriment de ses futurs spectateurs, les influences du réalisateur de Taxi driver se distinguent par une richesse et un éclectisme, qui ne sont dépassés que par son enthousiasme pour faire découvrir des chefs-d’œuvre tombés dans l’oubli, voire jamais reconnus à leur juste valeur. La passion de Martin Scorsese pour le cinéma sous toutes ses formes est tellement inépuisable, qu’en comparaison, l’attachement pour certains genres populaires dont fait preuve Quentin Tarantino pâlit presque honteusement. Toutes proportions gardées, mettre ces deux cinéastes méritants sur le même piédestal, ce serait comme si notre goût personnel plutôt imprévisible entrait en compétition avec la fixation quasiment exclusive de notre cher confrère Mulder sur les films de super-héros. Le rôle de Martin Scorsese en tant que gardien majeur de la mémoire du cinéma surpasse même ses propres capacités filmiques, comme le démontre ce conte qui voudrait tant enchanter un public néophyte en matière d’origines du Septième Art, mais qui n’est en fin de compte qu’un somptueux film pour enfants à vocation éducative.
D’emblée, la boîte magique est grande ouverte dans Hugo Cabret, qui court formellement après la grandiloquence d’un Moulin Rouge ! de Baz Luhrmann, alors qu’un peu plus du luxe feutré à travers lequel Scorsese lui-même avait déjà admirablement navigué dans Le Temps de l’innocence aurait été le bienvenu. Les décors imposants des coulisses de la gare Montparnasse d’il y a 80 ans, dans lesquels la caméra s’engouffre avec une frénésie que seule la 3D peut rendre à peu près vivante, s’apparentent un peu trop à ce look volontairement nostalgique et artificiel que les frères Coen avaient employé à satiété dans Le Grand saut. Comme lors de la finale grandiloquente de ce film-là, les milliers de rouages des différentes horloges dont le jeune protagoniste s’occupe, ont tendance à obstruer le champ visuel, là où l’on s’attendait davantage à une exploration moins opportuniste des possibilités plastiques du cinéma en relief, que Martin Scorsese emploie surtout comme un immense jouet. D’ailleurs, le ton assez enfantin de l’ensemble du récit, avec par exemple la guéguerre lassante entre Hugo et le commissaire, relativise irrémédiablement la véritable vocation de ce film, beau mais guère renversant.
Tel un détective de l’Histoire du cinéma, le scénario plutôt convenu de John Logan cherche en effet à ériger un monument à la mémoire de George Méliès. Rien de mal à cela, bien entendu, puisque la connaissance de ce premier magicien du cinéma devrait être assez vague de la part d’un public jeune, auquel Hugo Cabret est principalement destiné. Pour les adultes, il conviendrait peut-être plus de regarder Le Voyage extraordinaire, le documentaire de Serge Bromberg, sorti également cette semaine, qui retrace l’histoire du plus connu des films de Méliès : Le Voyage dans la lune. Enfin, s’il fallait choisir entre la récupération du cinéma muet américain par les Français à travers The Artist et cette sorte de renvoi d’ascenseur bien intentionnée mais qui nous mâche un peu trop le travail émotionnel et intellectuel, notre cœur de cinéphile – de loin pas aussi instruit que celui de Martin Scorsese, cela va de soi – pencherait clairement en faveur du film de Michel Hazanavicius.

Vu le 15 décembre 2011, à l’UGC Ciné Cité Les Halles, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: