Artist (The)

Artist (The)
Titre original:Artist (The)
Réalisateur:Michel Hazanavicius
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:12 octobre 2011
Note:
En 1927, George Valentin est l’une des plus grandes vedettes hollywoodiennes. A la sortie de la première de son nouveau film, il se fait accidentellement bousculer par la débutante Peppy Miller. Cet incident fait la une des journaux professionnels et George va croiser à nouveau Peppy sur le tournage de son prochain film, où elle tient un petit rôle. Deux ans plus tard, à l’avènement du cinéma parlant, la carrière de George, qui est réticent envers cette nouvelle invention, est sur le déclin. Pour sa part, Peppy s’apprête à devenir la première vedette d’une industrie, qui souhaite se débarrasser rapidement des icônes du muet.

Critique de Tootpadu

Même la fatigue accumulée en fin de festival n’est pas en mesure de fausser notre regard sur ce bijou cinématographique qu’est le quatrième film de Michel Hazanavicius. Il est si rare de découvrir un film qui rend intelligemment hommage au Septième art que chacune de ces trouvailles est une source de joie inespérée et profonde, un nouveau point de départ pour notre passion du cinéma, vieille de près d’un quart de siècle. The Artist est en effet bien plus qu’un simple recueil de références de toutes sortes, que chaque spectateur attentif et passablement instruit dans le domaine de l’Histoire du cinéma décèlera sans trop de difficulté. De Chantons sous la pluie de Gene Kelly et Stanley Donen à Sueurs froides de Alfred Hitchcock, en passant bien entendu par Citizen Kane de Orson Welles et tant d’autres monuments filmiques, il existe aucun plan dans ce chef-d’œuvre ébouriffant qui ne tire sa raison d’être d’une de ces images ou de ces histoires mythiques qui nous ont tellement fascinés et divertis dans le passé.
Contrairement aux deux films précédents du réalisateur, des pastiches sommaires des comédies d’espionnage des années 1960, celui-ci n’adopte point une attitude moqueuse à l’égard du style désuet du cinéma muet. Il entreprend davantage une restauration scrupuleuse des codes visuels de ces ancêtres lointains du cinéma contemporain, que l’on ne voit guère plus que dans les cinémathèques ou lors des sorties événementielles de copies miraculeusement retrouvées dans les archives du monde entier. Deux occasions pour jouer astucieusement avec le son mises à part, la réalisation respecte presque religieusement les contraintes du cinéma muet, y compris le format carré de l’image et le rythme si particulier que le découpage de la narration par le biais d’intertitres impose. Cette fidélité formelle à une forme filmique trop rapidement discréditée au début des années 1930 permet une immersion totale dans l’époque que l’intrigue évoque si brillamment.
Car si ce film n’était qu’un geste révérencieux envers le cinéma muet, le gadget du dispositif aurait tôt ou tard fini par nous lasser. Pour notre plus grand bonheur de cinéphile, qui ne considère nullement que l’Histoire du cinéma ait commencé de son vivant, c’est-à-dire au milieu des années 1970, l’intrigue se nourrit intimement de tous les renvois que le scénario et la mise en scène lui soumettent, afin d’accéder au rang si précieux de spectacle à part entière. Notre implication dans ce chassé-croisé de la notoriété naissante et décroissante est si épanouissante, parce que le sort de George Valentin et de Peppy Miller est à la fois symptomatique de tant de destins brisés à l’époque, et touchant du point de vue plus singulier d’une romance qui met longtemps avant de se manifester vigoureusement. Michel Hazanavicius joue avec une aisance étonnante sur ces deux tableaux, sans que son récit magistral ne donne l’impression de n’être qu’un exercice de style opportuniste de l’engouement permanent pour tout ce qui relève du rétro.
Enfin, le côté technique du film est à la hauteur de ses ambitions artistiques, grâce à une photo magnifique, un montage très efficace dans le maniement des intertitres a priori encombrants, et une bande originale, qui commet un seul faux pas : de laisser reposer la séquence la plus dramatique du film sur un morceau emblématique de Bernard Herrmann. Quant aux interprétations, elles confèrent à partir d’une gestuelle corporelle et une forme d’expression faciale magnifiques une dernière touche d’excellence à ce film déjà sublime, qui pourrait même être, espérons-le, à l’origine du renouveau de l’intérêt que le grand public porte au cinéma muet !

Vu le 10 septembre 2011, au Casino, Deauville

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Récemment, le cinéma français nous propose rarement de découvrir une œuvre originale, parfaite et brillante. Encore moins courants sont les films français qui prennent des risques aussi importants pour rendre un si bel hommage au cinéma des années 1930.

Après le choc de la découverte d'un pur chef-d'œuvre du cinéma américain (Drive), ce film fut lui aussi une source importante de plaisir pendant ce festival de Deauville. Depuis longtemps, nous savions que la collaboration entre Michel Hazanavicius et Jean Dujardin était fructueuse, au vu des deux OSS 117, mais nous ne pouvions pas nous douter qu’elle allait aboutir sur une réussite aussi parfaite.

The Artist part pourtant sur des handicaps importants, car tourné loin de la forme actuelle cinématographique, en noir et blanc et surtout en utilisant la forme du cinéma muet (un seul mot se fera entendre à la fin). Pour faire vivre ce film sans paroles, il fallait donc extérioriser les sentiments en amplifiant la gestuelle, pour que le public adhère à un tel projet. Il fallait deux immenses comédiens principaux en harmonie totale pour que le projet tienne sur pied. Jean Dujardin et Bérénice Béjo sont parfaits dans leur rôle et leur duo renvoie à la grande époque du cinéma américain.

Ce film rend hommage à l'âge d'or d'Hollywood en montrant le déclin d'une star du muet dépassée (Jean Dujardin) et l'essor du cinéma parlant avec la montée d'une jeune et superbe actrice secrètement éprise de cet acteur (Bérénice Béjo). Le réalisateur tourna donc son film dans un vrai studio américain à Los Angeles. Sa passion pour le cinéma se ressent par de nombreux clins d'œil appuyés aux chefs-d'œuvre de cet âge d'or.

The Artist est non seulement par sa forme un film marquant de l'année 2011, mais surtout le témoignage d'un passé révolu, où le cinéma américain prenait encore des risques importants (passage au sonore) et fermentait les bases du star system. Nous sommes donc loin de ces produits marketing du Hollywood actuel, ne prenant pratiquement plus aucun risque. Il est encore important de souligne le courage d'un producteur comme Thomas Langmann d'avoir pu faire en sorte de relever le pari de ce projet risqué. Le muet et le noir et blanc sont deux formats visuels révolus et les utiliser dans un même film tient d'une audace profonde et d'un amour pour le cinéma que l'on ne peut que saluer et respecter.

Les différents prix reçus à travers les festivals (Cannes, ...) témoignent que non seulement la presse reconnaît les qualités profondes d'une telle œuvre, mais l'accueil de ce film par son public lors de ceux-ci montre que dès sa sortie ce film va être un succès public et critique. La route vers les Oscars et Césars marquera la consécration non seulement de l'un des meilleurs acteurs actuels, mais surtout de l'un des plus grands réalisateurs français.

Vu le 10 septembre 2011, au Casino, Deauville

Note de Mulder: